Nous étions trente-trois personnes à participer à ce
café philo, le vendredi 31 octobre 2014, au centre culturel de Bouffémont, sur
le thème : « Notre époque aurait-elle
oublié la joie ? »
Le thème du prochain café philo du vendredi 28
novembre 2014 est : « La science
pourrait-elle sauver le monde ? » Ce 28 novembre nous choisirons également
les thèmes des cafés philo du premier trimestre 2015. Venez avec des
propositions.
Le thème du café philo de ce soir a été préparé et
animé par Danielle Roslagadec, Catherine Delaunay, et Pierre Haller.
Jeannine Dion-Guérin et Arlette Coutin ont lu des
poèmes de leur composition.
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Contribution
de Danielle Roslagadec
Notre
époque aurait elle oublié la joie ?
Définitions :
L’époque:
Le
mot est pris ici dans le sens de « aujourd’hui », le temps présent.
Oubli:
considéré au sens de défaillance de la mémoire sur des
aptitudes acquises et non sur des souvenirs.
La
joie: Emotion agréable et profonde, sentiment exaltant
ressenti par toute la conscience. Elle est différente du bonheur, du plaisir de
la gaité. Selon Descartes, « la joie
est une agréable émotion de l’âme ». Suivant son intensité, elle peut
aller jusqu’à l’allégresse, l’exaltation, l’ivresse, la jubilation, le
ravissement. Elle peut se manifester de différentes
manières, de l’œil pétillant au sourire, en passant par le rire, jusqu’à
l’explosion de cris et de chants et même des pleurs de joie. Elle peut
s’exprimer collectivement, dans la liesse et la réjouissance. Elle peut aussi
par antiphrase évoquer les ennuis et les désagréments comme « les
joies du mariage,…. ou bien : …encore une panne, ce sont les joies de la
voitures »… Pour les croyants, c’est une élévation, une communion dans
la prière avec le Très Haut ; pour les non croyants, c’est un hymne à la
vie qui peut être célébré à chaque instant dans l’émerveillement de choses
simples.
Constats :
Epoque :
Nous traversons actuellement une crise, qui est qualifiée d’économique
lorsqu’on la regarde uniquement par le prisme de l’économie et des désagréments
qui en découlent (chômage, pauvreté…), mais elle est aussi politique,
sociale et morale et notre présent ne
porte pas franchement à l’enthousiasme. Après le mauvais temps et les douleurs,
c’est la vedette des conversations en famille, entre amis et des médias. Nous
sommes grands consommateurs d’anxiolytique et autres médications, de cures et
stages de bien être. On sent la morosité, la dépression, voire le désespoir
s’installer, en bref «ce n’est pas la joie ».
Oubli :
Nous
avions remarqué lorsque nous avions parlé du bonheur, que paradoxalement, les
perceptions étaient différentes quand on passait du commun, du collectif vers
le privé, l’intime, le cercle familial. En serait-il de même de la joie ?
Serait ce plus un déplacement qu’un réel oubli ? Peut-on réellement oublier une émotion, un sentiment? Sont-ils
d’ailleurs toujours contrôlés et maitrisés ? Dans les pires moments, de petites
choses anodines peuvent la faire renaître. Comme nous disions lors du
dernier café philo, à propos de l’art et
de la poésie dans des situations dramatiques, comme les camps de concentration, par exemple, les
pires moments peuvent voir surgir des instants de joie. C’est certainement,
dans ces cas, un outil de résistance.
Joie :
Un
site de psychologie disait que dans les dictionnaires de philosophie basique,
on ne trouve rien au mot « joie ». Cette recherche renvoie souvent à
« bonheur ». N’y aurait-il donc, aucune joie dans la philosophie ? La plupart
des penseurs s’en méfient: ils la trouvent trop paroxystique, trop inquiétante.
C’est une perte de contrôle de soi pour Platon, elle jouxte carrément la folie
– mania en grec. Les stoïciens la jugent trop bruyante, trop physique. Les
épicuriens sont plutôt à la recherche du bonheur qui se résume pour eux à
l’absence de souffrance.
Baruch
Spinoza (1632-1677) s’y est intéressé dans son
« Traité pour la réforme de l’entendement ». Il est en quête d’une
éthique – d’une façon de vivre et de penser – en accord avec notre nature
humaine, totalité âme-corps sujette aux émotions et au désir. Il déteste les
passions, qui nous rendent esclaves (passifs) – la tristesse paralysante, le
désespoir, la colère obsédante, la crainte et la superstition. Selon lui, la
joie suprême ne réside pas dans le passage à l’acte compulsif, dans
l’assouvissement de nos fantasmes, mais dans l’action éclairée par la
connaissance. Plus nous connaissons, plus nous
comprenons, plus la joie croît
en nous et plus, simultanément, nous devenons meilleurs et plus forts. Pour cet
homme qui se bat contre l’obscurantisme, et dont les écrits ont été censurés,
la joie est étroitement liée au dépassement progressif des habitudes et des
normes imposées par la pensée dominante. La joie spinozienne est celle de
l’homme avide de liberté. Elle nous assure que si nous continuons à penser,
nous serons libres et puissants, même enchaînés.
Après des siècles d’un certain mépris, la joie est
aujourd’hui réhabilitée par la philosophie qui reconnait son caractère
essentiel à la vie. Je me suis donc, plus attardée à ce qu’en disent les
philosophes et penseurs contemporains.
Nietzsche
voit en elle un synonyme d’existence, et Bergson
la fait rimer avec « élan créateur» un « accomplissement de la vie
humaine ».
Gilles
Deleuze la considère comme la puissance même de la
production du désir.
Clément
Rosset, comme une grâce irrationnelle qui permet
d’accepter le réel dans toute sa cruauté.
Raphaël
Enthoven, introduisant un débat en disait : « Le bonheur est un sentiment
rose, l’antalgique aseptisé d’un idéal trop grand pour le monde. Mais là où le
bonheur ne survit pas à l’ordre de la réalité, c’est la joie qui prend la
relève. La joie est un sentiment d’horizon, qui nous apprend comment et
pourquoi aimer le monde malgré lui »
Robert
Misrahi, qui la considère comme un jaillissement, associe
la joie à la liberté que possède tout sujet, d’agir, aimer et fonder son
bonheur. Il invite à une « éthique de la joie » : se construire
par soi même, se détacher de la quotidienneté et agir à la lumière d’une
réflexion bien fondée pour construire sa propre autonomie. C’est pour lui, le
fruit de notre propre activité créative. C’est le sentiment d’une totalité à
laquelle nous parvenons en accord avec le monde et avec les autres, une
présence comblée, un temps hors du temps. Il met en évidence les « actes
de la joie », qu’il énonce comme étant « fonder, aimer, agir et
créer ». Il considère que nous sommes « source de notre propre joie et de notre vie ». Dans son
dernier livre « la joie d’amour » il dit: « j’appellerai « accomplissement » ou bonheur, cette
plénitude de la conscience atteinte par la « réalisation » de son
plus profond désir, c'est-à-dire du Désir même. Et j’appellerai
« joie » ce qui est vécu par la conscience individuelle comme
plénitude et éclat, en même temps que comme adhésion à soi, choix réfléchi et
action souveraine»
Pour
Alexandre Jollien, la joie est un abandon au réel tel qu'il se
propose. Il ne distingue pas diamétralement la joie de la personne handicapée
de celle d'un individu en bonne santé. Cependant, la joie, pour lui, est
essentiellement liée à la liberté intérieure. Elle annonce, comme le disait
Bergson, que la vie gagne du terrain. En ce sens, le handicap, les moqueries
qu'il déclenche peuvent lui donner l'occasion d'évaluer sa petite liberté.
Pourtant, il dit s’évertuer du matin au soir, à vouloir se changer, à vouloir
être quelqu'un d'autre, à jouer un personnage, à tenir son rang. Pour lui, la
joie, l'abandon, c'est précisément cela : être pleinement ce que nous sommes,
être pleinement humains, faillibles, vulnérables. Paradoxalement, c'est cela
qui nous conduirait selon lui au progrès. « Plus j'essaie d'être quelqu'un
d'autre, dit il, moins je me donne la chance d'exister librement, mais l’important
est de garder une joie intérieure et de la nourrir un tant soit peu.
François
Cheng : entend dans la prononciation même du mot
« joie » toute la dynamique d’un élan ou d’un envol. Il y voit
l’ouverture soudaine, l’éclatement de notre être enfoui, emporté par un
évènement vers une ascension. Pour lui la joie n’est pas de l’ordre de «
l’avoir » assoiffé de biens mais de la transfiguration de
« l’être ».
Nicolas
Grimaldi lui, considère
que les petites joies peuvent être
individuelles, mais que les grandes joies s’expriment majoritairement
lorsqu’elles sont partagées, donc, dans la communion.
Nous avons tous vécu, ou été témoins de ces petites
et grandes joies : celle du petit enfant reconnaissant ses parents,
parvenant à marcher ou réussissant une tâche nouvelle. Des parents et proches,
lors des naissances, des unions, de la réussite aux examens. Les joies des
chercheurs accédant à une découverte, des sportifs et de leur
supporteurs ; de l’artiste, du
poète qui jubilent de voir naître de
leurs mains ou de leur esprit des choses qu’ils n’ont pas toujours projetées et
de les découvrir telles qu’elles leur apparaissent. Plus prosaïquement
aujourd’hui, la joie s’exprime, lorsqu’un jeune décroche enfin un
emploi…etc…. !
Pourtant, la joie peut s’exprimer dans des
circonstances bien moins nobles, l’homme peut sauter de joie à la suite d’un
gain matériel, les gangsters ou les escrocs se réjouir de la réussite d’un gros
coup. Plus cruel encore, les envahisseurs ou les tyrans se réjouir dans le vil
asservissement d’une passion de domination, de conquête ou de destruction.
Après avoir connu l’épreuve, la privation, la
dépression, la maladie, qui sont des sortes « de mourir à soi » il
est possible d’éprouver la sensation de « renaître à la vie », la
joie d’accéder à un nouvel état de vie délivré de certaines chaînes. Ce n’est
pas seulement un soulagement du type « ça fait du bien quand ça
s’arrête » mais la joie d’aller vers autre chose et de s’ouvrir à ce qui
est devant soi, la vie. On a pu entendre
cet été lors des commémorations de la
libération, des témoignages édifiants, j‘en reprendrai un qui m’a
particulièrement touchée : «nous
avons ressenti une joie immense de communion, le 25 août 1944, en entendant les
cloches sonner dans Paris, nous étions tous rassemblés, ….que c’est bon
d’embrasser sa liberté».
Pour terminer avec le sourire, dans « l’homme
joie », Christian Bobin nous
dit que « ce qui compte c’est la
puissance de la joie qui éclate à la vitre de nos yeux ». « Faire la
vaisselle, dit-il, est une activité métaphysique qui redonne à un morceau de
matière, un peu de l’éclat des premiers matins du monde » ou encore « C’est par distraction que nous
n’entrons pas au paradis de notre vivant, uniquement par distraction »
Pour
conclure plus sérieusement:
Les rares philosophes à s’être penchés sur la
question se rejoignent souvent en disant que
l’homme n’est vraiment homme que dans la joie, et qu’elle le renforce!
Qu’elle ne peut être oubliée
puisqu’elle de l’ordre des émotions qui s’expriment hors de la volonté.
Que quelle que soit la dureté de l’époque, elle a sa
place en nous même et qu’il nous appartient, dans l’esprit d’une vie ouverte,
de l’accueillir comme quelque-chose qui nous advient et survient sans attente
précise et surtout qu’il nous revient de la cultiver.
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Contribution
de Catherine Delaunay
Problématique :
c'est un sujet qui se présente comme un diagnostic de notre temps.
Et le critère qui préside à ce diagnostic c'est
l'effacement de la joie, la diminution de la place de la joie dans nos
existences individuelles et collectives.
Le sujet parle
d' «oublier» la joie ; mais il ne s'agit pas d'une perte de mémoire
au sens propre. Il s'agit d'un oubli au sens figuré, comme lorsque l'on dit
j'ai oublié mes amis, ou j'ai oublié l'heure ; oublier veut dire négliger,
délaisser.
Mais pourquoi notre époque négligerait-elle de se
réjouir ?
I- Je voudrais revenir sur les présupposés et les
difficultés du sujet ainsi que sur la définition de la joie.
1-C’est
toujours difficile de poser un diagnostic sur une époque ;
cela demande beaucoup de recul. En sommes-nous capables ?
2-Est
ce d’ailleurs notre époque qui est en cause ? N'est ce pas plutôt notre
pays ?
Ne dit-on pas que les pays scandinaves se sentent
les plus heureux des hommes à notre époque ?
On nous explique aussi qu'en Afrique ou en Asie, là
où les conditions de vie sont souvent défavorables, la joie de vivre éclate sur
les visages. C'est pourquoi je pense personnellement que c'est plutôt notre
pays qui est particulièrement pessimiste.
3-Le
concept de joie, quant à lui, est complexe :
d'une part il est riche de toute une histoire que Danielle a bien mise en
évidence. D'autre part c'est une notion difficile à cerner et à distinguer
clairement du plaisir, de la gaieté, de l'optimisme et du bonheur.
Je vais m'y essayer tout de suite.
La
joie n'est pas le plaisir : car le plaisir est
consécutif à la satisfaction d'un besoin ; c'est une sensation bien
localisée dans le corps ; par exemple le plaisir gastronomique concerne la
bouche et une partie de l'appareil digestif. En revanche la joie envahit tout
l'être, toute la personne, et la joie est bien au-delà des simples
besoins ; elle concerne davantage l'être que l'avoir. Mais ces différences
sont relatives, je le concède car le vécu entre en scène : un fin
gastronome trouvera de la véritable joie dans un excellent repas, là où un
piètre amateur de bonne chair ne verra que plaisir.
La
joie n'est pas la gaieté : car la gaieté est un état
d'esprit emprunt de légèreté, volatile, insouciant, superficiel parfois, alors
que la joie est toujours profonde, dense, intense ; elle provient de notre
intériorité, du tréfonds de notre être et elle concerne ce qui est essentiel
pour nous. Il y a un dynamisme, un élan, une vitalité dans la joie qui n'existe
pas dans la gaieté : cf. des expressions comme ivre de joie, au comble de
la joie, transporté de joie, etc.
La
joie n'est pas l'optimisme : l'optimisme est un
trait psychologique, une attitude de confiance en l'avenir ; il nous
projette dans le futur. La joie est vécue dans le présent. On a même constaté
que dans la joie il y avait suspension du temps, abolition du temps, ce qui
peut même donner le sentiment de l'éternité dans le temps.
En
revanche la joie est assez proche du bonheur. La frontière
est parfois floue. Pourtant on n'emploie pas les deux mots indifféremment.
Certes tous deux évoquent un sentiment global, totalisant, qui remplit toute la
personne.
Mais si l'on peut être heureux pendant une longue
durée ; la joie a quelque chose d'immédiat, d’instantané. Mais surtout la
joie est dotée d'une composante éthique : Spinoza disait que la joie est
un affect par lequel l'esprit passe d'une perfection moindre à une perfection
plus grande. La joie pourrait être au-delà du bonheur et du malheur et certains
êtres exceptionnels peuvent être joyeux même dans la douleur même dans le
malheur.
Finalement
la joie est un sentiment moral, métaphysique et spirituel que
l'on rencontre souvent chez les religieux, les mystiques : sœur Emmanuelle
était particulièrement joyeuse, le Dalaï-Lama , ou le moine bouddhiste Matthieu
Ricard semblent exulter de joie en permanence.
Justement Leibniz au 18ème siècle remarquait que le
terme joie en français traduisait deux mots latins différents : soit laetitia
qui désigne une jouissance de l'âme toujours liée à un événement ou à la
possession d'un bien.
Soit gaudium une jouissance de l'âme
intemporelle, indépendante des évènements, que l'on pourrait cultiver en
permanence.
Pour terminer sur ces définitions, on pourrait dire
que la joie s'enracine essentiellement
dans l'émerveillement ; soit un émerveillement causé par une situation
nouvelle, par exemple la naissance d'un enfant ; soit un émerveillement
sans cause devant l'extraordinaire de l'existence.
II- Supposons que le sujet dise vrai ; quelles
causes pouvons nous incriminer pour expliquer que nous ayons délaissé la
joie ? Je propose quelques pistes, mais je ne prétends pas être
exhaustive. C'est un gros travail de cerner tous les facteurs qui dans notre pays
font reculer la joie. Je me situerai d'abord sur le plan des idées, ensuite sur
le plan des faits.
1-
J'entrevoie d'abord un contexte intellectuel favorable à la tristesse :
les idées qui se sont propagées et ont lourdement influencé nos compatriotes.
Il me semble que depuis les années 1960-70, sur le plan de la pensée, nous
vivons dans un climat général de désenchantement. Le terme a été employé par
Marcel Gauchet à la suite de Max Weber. Marcel Gaucher disait : « nous
sommes voués à vivre désormais à nu dans l'angoisse... ».
Mais déjà depuis la fin du 19ème siècle avec
Nietzsche avait été posé un diagnostic de nihilisme. Nihilisme est un terme
très violent, il vient du latin nihil qui veut dire rien. Le nihilisme
est la doctrine qui prône le rien, le vide, le néant. Nietzsche s’exprimait
ainsi : « que signifie le
nihilisme ? Que les valeurs supérieures se déprécient. Les fins
manquent , et il n'y a plus de réponse à
cette questions « à quoi bon » ».
Il n'y a donc plus de sens, de signification ultime,
de repère, de valeur absolue comme la vérité ou le bien ; même la vie est
dévalorisée. Il n'y a plus rien à quoi se raccrocher.
On peut dire que toute la philosophie
existentialiste, depuis l'un des fondateurs les plus anciens au 19ème siècle,
Kierkegaard, jusqu’à Sartre et Camus, les principaux
protagonistes, sont partis
dans cette même direction. Kierkegaard remarquait déjà que
de plus en plus les
Européens n'aiment pas la vie. Et des philosophes comme Sartre et Camus, vous
le savez, ont prôné la nausée, l'angoisse, l'absurde. Heidegger parlait lui de
la déréliction, c'est à dire d'un sentiment d'abandon proche du désespoir.
Certains penseurs, comme Cioran au 20ème,
ont même loué le suicide. Cioran a écrit un texte intitulé « de l’inconvénient d'être né » où l'existence est
présentée comme un fardeau car nous ne l'avons pas voulue.
Si la condition humaine est tragique, comment
éprouver de la joie ?
Des idées aux faits il n'y a qu'un pas qui sera
franchi pendant le 20ème siècle.
2-Ce
climat intellectuel a été confirmé par des faits réels,
des évènements malheureux qui ne pouvaient que contribuer à cette perte de
capacité à se réjouir. J'en propose une liste rapidement par ordre
chronologique :
-Les deux guerres mondiales marquées par des millions
de morts et une barbarie sans égale dans les siècles précédents. Elles ont fait
désespérer de l'humanité à une époque où paradoxalement le progrès scientifique
ou technique était considérable.
-La fin des idéologies et des utopies prometteuses
comme le communisme.
-Le déclin des religions qui répondaient à la
question du sens de l'existence.
-Plus récemment la crise économique qui engendre
beaucoup de misères et de souffrances.
-La crise du politique qui donne le sentiment que
même les supposées élites qui nous gouvernent sont impuissantes à résoudre les
problèmes.
Probablement peut-on poursuivre sur le plan des
idées comme des faits, l'exploration des causes qui ont contribué à affaiblir
notre capacité de joie.
En même temps, je suis persuadée que si
collectivement nous affichons une certaine tristesse, individuellement nous
sommes capables de nous réjouir lors d'évènements dits joyeux. Il faudrait
distinguer dans ce sujet les deux aspects, collectif et individuel.
Mais cultivons-nous vraiment la joie comme un état
d'âme précieux et essentiel pour notre existence, indépendamment des
circonstances ? Sommes-nous capables de nous émerveiller devant le simple
fait d'exister, lequel est tout de même quelque chose de fabuleux, quand on
veut bien y réfléchir.
Conclusion :
Cependant je reste perplexe devant ce sujet. Personnellement je suis persuadée
que la joie est un sentiment éminemment positif.
Mais n'y a t il pas quelque risque à nous sentir
coupable d'être triste ? Est ce que cela ne pousserait pas à l'hypocrisie,
faire semblant d'être joyeux parce qu'il le faut, parce que l'allégresse est
meilleure que la tristesse ? Il est parfois normal et légitime d'être
triste. Beaucoup d'hommes et de femmes vivent des situations dramatiques, leur
tristesse est une manière de faire face aux menaces du monde extérieur.
Au
fond deux écueils sont à éviter :
Premièrement, plonger
dans une espèce de mélancolie malsaine parce que nous exagérons les raisons
externes ou internes d'être tristes, ou par un esprit critique exacerbé, ou par
esprit de dénigrement.
Deuxièmement, vouloir
être tout le temps joyeux en exagérant notre degré de satisfaction, en
pratiquant une joie de façade, qui démentirait notre mal être.
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Contribution
de Pierre Haller
« Notre époque aurait-elle oublié
la joie ?»
En
ce soir d’halloween, les enfants ont de la joie de faire peur aux autres et à eux-mêmes,
mais de croire que ce n’est qu’un jeu.
La
question
La question telle que posée semble sous-entendre
que, malgré le bien-être matériel de notre époque, la joie se ferait rare. Pour
tenter d’y répondre, il convient d’examiner les différentes acceptions de la
joie : la joie, c’est quoi, pour qui, en quelles situations ?
Définition
La joie
est une émotion ou un sentiment de satisfaction mentale,
plus ou moins durable, qui emplit la totalité de la conscience. Elle se
rapproche du bonheur ou du plaisir. Elle se distingue des satisfactions liées
au corps (les plaisirs), qui n'affectent qu'une partie de la conscience. La
joie en général est liée à un événement extérieur, alors que le bonheur est un
état physique, mental et environnemental plus stable.
Les
synonymes et le champ sémantique de la joie :
Allégresse, amour, ataraxie, béatitude, bien-être,
bonheur, plaisir, contentement, émotion, enchantement, enjouement, entrain,
euphorie, gaieté, griserie, hilarité, jouissance, orgasme, ravissement, régal,
réjouissance, rigolade, rire, satisfaction, sourire, sérénité.
Expressions connexes : fille de joie, Schadenfreude (joie de nuire)
La
joie peut être collective et/ou individuelle. La joie
individuelle correspond à un état mental personnel. La joie collective est un
phénomène d’embrasement parfois
manipulé à des fins politiques (défilés
militaires, meeting, manifestations), religieuses (rites, chants, processions),
artistique (concert) ou commerciales (soldes, football, jeux olympiques).
Les
circonstances « joyeuses » de la vie
Les frontières entre les différents éléments de
cette constellation de synonymes de la joie sont floues ; joie, plaisir ou
bonheur sont proches. " La joie qui a besoin d'une cause, ce
n'est pas de la joie, mais du plaisir." Gustav
Meyrink (1868-1932). Selon les circonstances, les
individus, leur expérience de vie, leur éducation, la culture ambiante, un même
événement est plus ou moins caractérisable par l’un de ces termes.
La naissance d’un enfant, des retrouvailles, une
rencontre, une réussite professionnelle, une nomination prestigieuse, une
médaille, l’ostentation d’un titre ou d’un statut social, la perspective d’un
moment heureux, une fête familiale, civile ou religieuse, la guérison d’une
maladie, la résolution d’un problème, un mariage, un rite de passage, le
contact avec la nature, etc. peuvent être des sources de joie.
La
joie d’un petit enfant est probablement la plus vraie (sa
tristesse aussi) car elle part de faits et de choses simples peu
intellectualisées comme par exemple les facéties d’un clown (quoique l’actualité
indique que certains clowns sont de tristes sires).
Une œuvre d’art, un roman, un poème ou un morceau de
musique peuvent susciter le
ravissement, le bonheur et l’émotion jusqu’aux
larmes.
La spiritualité, religieuse ou laïque, ses pratiques
de méditation, de rapport avec une transcendance, peut constituer une source de
sérénité, d’accomplissement et de joie.
Un match de foot, un match de boxe, une course
automobile de formule un, les jeux olympiques, un gain au loto, un spectacle de
corrida, une chasse à courre peuvent constituer des réjouissances, cependant non
universellement partagées.
Une cuite à l’alcool, la prise de drogue, une orgie
peuvent générer des extases momentanées et addictives dont le corps gardera des
souvenirs plus ou moins joyeux.
Le processus de joie est bipolaire. On a besoin de
négatif pour apprécier le positif.
La
Schadenfreude
La schadenfreude,
le plaisir de nuire, la joie causée par le malheur d’autrui, est un concept
laissé en allemand dans toutes les langues européennes, comme pour signifier
que les Allemands en auraient le monopole historique. Elle se traduit aussi par
la moquerie, l’ironie, le sarcasme, le persifflage. Elle joue un rôle dominant
chez les donneurs de leçons, dans le maintien du droit, la punition des
contrevenants aux
normes, les excès réglementaires, la délation, etc. Selon le
proverbe chinois, il y a de la joie à rester assis au bord du fleuve et voir
passer le cadavre de son ennemi.
Enfin, les déchainements de la barbarie dans
l’Histoire sont certainement liés à une certaine joie de nuire.
Une victoire militaire est une joie pour le camp des
vainqueurs.
Le sadisme entre dans cette
catégorie de la schadenfreude. La torture
est encore pratiquée dans au moins un tiers des États membres de Nations unies
au nom de causes supérieures ; elle n’est cependant pas étrangère à la
joie de nuire des tortionnaires de première ligne (quoique pas toujours), et de
leurs commanditaires (qui souvent se ferment les yeux et les oreilles).
La
compassion semble universelle depuis la découverte
des « neurones miroirs » en 1996 par l’équipe du biologiste Giacomo
Rizzolatti (né en 1937). Grâce à ces neurones chaque homme
ressent les émotions des autres comme si elles étaient les siennes. Il reste
sans doute à découvrir les neurones de la « Schadenfreude », la joie
de nuire, qui sont en lutte avec ceux de la compassion. L’histoire et
l’actualité nous montrent que certaines idéologies religieuses, identitaires ou
politiques permettent facilement le basculement vers la barbarie joyeuse pour
les bourreaux et dramatiques pour les victimes. La banalité du mal, est aussi
due à la mauvaise joie qu’elle procure.
Il y a de la joie de pouvoir nuire à autrui au nom d’une
norme, de Dieu ou d’une idéologie politique ou identitaire.
Aujourd’hui à nouveau, Internet permet la diffusion
des images d’atrocités commises par des combattants dans le but de légitimer et
de motiver la « Schadenfreude » des troupes et d’intimider les
populations réticentes.
La
mise en spectacle de la violence, parfois joyeuse,
parfois hypocritement moralisatrice, par les médias, le cinéma, les jeux vidéo,
procure tantôt de mauvaises joies, tantôt sert de défouloir, tantôt de sursaut
de prise de conscience. Selon le psychologue américain Craig A.
Anderson (rapporté dans Le Monde du 29/10/2014), les jeux
vidéo violents augmentent les conduites agressives et diminuent les conduites
coopératives. Il conteste la thèse de la catharsis qui purgerait la violence.
Les mises en scènes héroïques des grands spectacles
militaires, patriotiques, au cinéma suscitent des frissons de joie qui
escamotent les horreurs associées. La
scène mythique de l'attaque des hélicoptères sur la
musique de Richard Wagner "La Chevauchée des Walkyries" dans le film
« Apocalypse now » (1979) de Francis Coppola manipule l’ambiguïté de
la fascination de l’horreur esthétisée.
L’humour
L’humour
permet de prendre du recul sur la réalité vécue. Il est parfois source de joie
notamment dans les situations les plus désespérées comme la maladie, la
pauvreté, les guerres, les camps. L’humour est pratiqué par toutes les cultures
(Inde, Chine, monde
arabe, monde juif, Afrique, etc.). Il est souvent combattu
par les censeurs politiques ou religieux.
Les
joies du passé
Nos ancêtres trouvaient certainement des sources de
joie dans leur quotidien même en l’absence de conforts matériels, de santé ou
de sécurité tels que nous les connaissons aujourd’hui. Il existait sans doute
de tout temps des visions du monde qui le rendait acceptable et même désirable
avec des occasions de joie : le travail bien fait, la pratique de la
vertu, la reconnaissance sociale, les fêtes religieuses, les fêtes familiales,
les fêtes villageoises, les carnavals, les danses folkloriques, les musiciens
ambulants, les parades amoureuses, la naissance d’un enfant, les guérisons de
maladies, la fin d’une épidémie (la
peste décimait régulièrement les populations), les bonnes
récoltes.
Beaucoup de ces joies sont liées à la fin de leurs
contraires : guerre, maladie, mort, violence, famines, vengeances,
conflits tribaux et familiaux, vendettas, aléas météorologiques, catastrophes
naturelles, etc. Les victoires guerrières ont procuré des joies souvent amères.
La joie des vainqueurs se construit sur les deuils deux camps.
L’évolution
des sociétés a banni certaines joies et liesses
populaires organisées par les autorités dans des buts populistes et d’intimidation
: jeux du cirque romains, supplices publics pour les criminels, bûchers pour
les sorcières. La soldatesque avait droit de viol chez les vaincus. Les princes
avaient droit de cuissage. Le malheur des uns faisait la joie des autres.
Le spectre de la violence hante les sociétés d’hier
et d’aujourd’hui.
La
joie ici et aujourd’hui
+ Au-dessus d’un minimum vital, assez subjectif, la
profusion et le désir insatiable de biens matériels ne produisent plus le
bonheur et privent l’individu de joies simples. La joie est souvent liée à un
manque qui se comble et le manque de manque est source de tristesse.
+ La joie suit les lois des rendements en économie.
La joie, comme beaucoup d’activités humaines, connaît une phase de rapport
bénéfice/coût croissant avec les ressources et les moyens mis en œuvre. Au fur
et à mesure que la demande croît, celle des ressources et moyens augmentent
exponentiellement, le rendement va en décroissant, jusqu’à l’apparition et la
domination d’effets pervers. Il en est ainsi pour les moyens d’obtention des
plaisirs matériels ou immatériels : l’argent, le pouvoir, la gloire, le
sexe.
+ Nous avons peu conscience du coût énergétique et
environnemental de notre bien-être, matériel et culturel.
+ Les raisons de joie aujourd’hui restent celles des
temps anciens mentionnées ci-dessus.
+ La vie à la campagne procure de la joie aux
néoruraux par négation de la ville « qui est un enfer ».
+ La joie aujourd’hui s’appuie sur la consommation effrénée
de biens matériels ou de rêves immatériels. Les médicaments objets de
consommation servent à supporter les frustrations qui en découlent.
+ L’information mondialisée et la médiatisation de
la violence donne une perception très pessimiste de notre époque. Chaque jour
apporte son plein de malheurs glanés sur la terre entière. Or les chiffres
objectifs indiquent que jamais, depuis 1840, la
violence des Etats n’a fait si peu de victimes dans la
décennie 2001-2010 avec moins ( !!)
de 10 millions de tués dans cette décennie. Jamais la proportion de miséreux
n’a été aussi faible, bien que le nombre absolu soit en augmentation dans la
population mondiale. Jamais les victimes des catastrophes humanitaires n’ont
été autant prises en compte. Ces chiffres objectifs, bien qu’encore et toujours
alarmants, indiquent que les progrès sont possibles et que l’espoir existe.
+ A aucun moment de l’histoire les humains n’ont
bénéficié d’une sécurité aussi grande qu’aujourd’hui dans nos sociétés.
Paradoxalement les sentiments de peur ne décroissent pas proportionnellement à
la décroissance de l’insécurité réelle. Le sentiment d’insécurité obère la joie
dans nos sociétés.
+ Le World
Happiness Report, Rapport
annuel sur le bonheur lancé par l'ONU en 2012, est basé
sur six critères : PIB par tête, espérance de vie en bonne santé, absence
de corruption, avoir quelqu'un sur qui compter, possibilité de faire ses choix
de vie librement et générosité. Les pays scandinaves sont les plus heureux et
les moins heureux sont en Afrique. La
France se situe vers la 25ème position.
Pour autant les Africains sont-ils moins joyeux que
les Scandinaves ? « Où vas-tu
chercher ça, mon Zola ? As-tu oublié qu’en Afrique on rigole tout le temps…
même quand il n’y a pas de quoi se marrer ? Chez toi, là-haut, vous possédez
trop, ça vous donne du souci. Que veux-tu ? On ne peut avoir à la fois le rire
et la sécurité. Faut choisir. »
"J'aime
ce pays. Il suffit d'un feu, de quelques légumes et d'un musicien qui tape sur
un tronc d'arbre avec un bambou pour faire la fête et tout le monde se met à
danser. Ici, les gens aiment rire. Ils sont dans la merde mais ne peuvent
s'empêcher de rigoler. Le rire, c'est comme une drogue."
Dialogue entre deux médecins africains l’un
resté au pays, l’autre travaillant en France dans « Noirs en blanc »
de Denis Labayle.
Il faut cependant se garder d’enjoliver avec
condescendance la joie de vivre africaine. L’émigration massive d’Afrique vers
les pays occidentaux, les risques et drames
associés indiquent les limites de
la joie de rire.
+ La propension à la joie et à l’insouciance semble liée
aux conditions climatiques.
L’ensoleillement a une influence avérée sur la bonne humeur. Zorba
le grec, face au
« splendide désastre » de l’œuvre de sa vie, dit : "l'homme doit avoir un brin de folie ou alors
il n'ose jamais couper la corde et être libre", "apprends-moi à
danser", "ensemble".
+ Le livre « L’économie
du bonheur » de Claudia
Senik (Seuil) donne quelques informations intéressantes à
partir d’enquêtes sociologiques sur le bonheur.
-
Le sentiment de bonheur décroit à la fin
de l’adolescence jusqu’au minimum vers 45 ans où se situe le pic des suicides.
-
Entre 1947 et 1970, la croissance n’a
pas augmenté le bonheur moyen des Américains. Et de 1972 à 2002 malgré un
doublement du revenu par habitant, le bonheur moyen est resté stable, selon le
démographe Richard
Easterlin (né en 1926). Celui-ci explique que ce qui compte
avant tout dans le bonheur, c’est que chacun veut avoir plus que les proches
d’une part et d’autre part que chacun aspire à toujours plus, d’où frustration.
-
Le spectacle des inégalités nuisent
moins au bonheur aux Etats-Unis où l’on est plus sensible au mérite, qu’en
Europe où l’on reconnaît davantage le rôle des hasards de la naissance et de la
vie.
-
Avec moins 20 % de probabilité de se
dire heureux, la France est le pays le plus pessimiste en Europe. La
consommation de psychotropes exceptionnellement élevée fait débat. Le taux
de suicides relativement aussi (16,2/an/100.000
habitants ; 17ème position/100 dans le monde). Les réponses aux
sondages sur le bonheur sont pessimistes. Une des raisons avancées est que
l’esprit de comparaison avancé pour les individus, vaut pour les nations. La
France est devenue un petit pays en crise. La « Grande nation »
semble disparue, même si en 2014 elle peut s’enorgueillir de deux Prix Nobel et
d’une Médaille Fields, qui ne changent rien aux problèmes des inégalités ou du
chômage de masse.
+
L’hyperinformation des individus dans les sociétés
modernes par l’instruction publique, les médias, l’internet ou les voyages peut
s’avérer autant source de joie que de pessimisme selon que l’on voit le verre à
moitié plein ou à moitié vide. Cette hyperinformation bouscule les confortables
certitudes identitaires, idéologiques égocentrées et elle met l’individu face à
la complexité du monde, de problèmes insolubles et de sa propre impuissance.
L’individu découvre toujours qu’il y a toujours un meilleur que lui
indépassable dans n’importe quel domaine : richesse matérielle,
reconnaissance ou succès et statut social, culture générale, compétence
professionnelle. Il découvre que d’autres systèmes de valeurs, que d’autres
systèmes d’appartenance sont possibles. Les référents symboliques de l’ordre
social et du sur-moi individuel, prêtres, gouvernants, autorités, savants,
tombent de leurs piédestaux et sont eux-mêmes pris de pessimisme. Ces autorités
traditionnelles servent aujourd’hui de boucs émissaires rendus responsables de
tous les malheurs. Il n’y a plus de prince charmant ni de messie. Le travail comme source d'épanouissement est dévalorisé. Cette
déconstruction du monde par l’hyperinformation est déstabilisatrice. Les citoyens ont tendance à se replier vers
les excès préjudiciables à la joie caractérisables par les sept péchés capitaux
qui sont : l’orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, la luxure, la
paresse, la gourmandise. Cependant on peut voir aussi le verre à moitié plein
et penser que l’hyperinformation permet de développer les vertus
cardinales que sont la prudence, la tempérance, la force et la
justice sans oublier la liberté de penser, l’accès aux cultures du monde, la
rencontre enrichissante avec l’autre. Au fond, la joie, c’est peut-être les
péchés capitaux régulés par les vertus cardinales.
+ Les musiques du
monde, aujourd’hui accessibles à tous grâce à Internet,
permettent de partager des expressions de la joie de la plupart des cultures.
Les
vendeurs de joies
+ La joie, le
bonheur, le bien-être sont des produits de marketing. Et pourquoi pas après
tout ? Le rire est le fond de commerce de bien des émissions des
télévisions dans le monde entier. Les retransmissions mondiales de grandes
manifestations sportives génèrent des ferveurs collectives qui relient les hommes
et remplacent dans une certaine mesure les guerres meurtrières. Les jeux
d’argent, ces impôts des pauvres, donnent tout de même de l’espoir et de la
joie aux rares gagnants. Les soldes sont un
grand moment dans l’année
liturgique de la consommation. Les parcs d’attraction, Disneyland ou
Europapark, attirent des millions de visiteurs.
Les stages de développement personnel ou de thérapies
alternatives font florès (par exemple : 1000 euros pour 5 jours, hébergement
et repas non compris !!).
+
Les religions actuellement tendent à quitter leur habit de dolorisme pour
proposer la joie. Les rites religieux joyeux des
Evangélistes illuminent le quotidien, parfois sombre, de populations
marginalisées. Le pape François tente d’insuffler la joie dans les arcanes du
catholicisme.
Les
catastrophes annoncées
De tout temps les sociétés ont nourri un goût pour
l’annonce de catastrophes imminentes à travers de nombreux textes apocalytiques
( en anglais)
de la Bible et du Nouveau testament ou de science fiction. Aujourd’hui, par
exemple, l’ouvrage d’un « Comité invisible » « L’insurrection
qui vient » dresse un tableau très noir de notre
société. Selon Le
Point,
66% de Français pensent que notre société est au bord de l’explosion sociale.
Conclusion
+ La joie a une dimension collective et
individuelle.
+ Nul n’a le droit de juger de la qualité de la joie
d’autrui. A chacun sa joie.
+ Les biens matériels, bien que nécessaires, ne peuvent être une source infinie de joie.
+ Les biens et les services de notre époque peuvent
procurer bien des joies auxquels peu de nos ancêtres avaient accès : la
culture, l’éducation, les voyages, les rencontres, la santé, la sécurité, le
monde infini d’internet, etc. Nous avons de bonnes raisons d’être joyeux.
+ La quête de la joie est un moteur essentiel de
notre vie. Elle nous dépasse.
+ La joie, c’est bon pour la santé, selon Voltaire.
oooooooooooooooooooooooo
Propos
entendus
-
La joie abolit le temps.
-
La vraie joie est indépendante des
circonstances.
-
Nous faisons souvent semblant d’être
joyeux.
-
La tristesse peut être enrichissante.
-
Le plaisir peut-être suspect, pas la
joie.
-
On ne maîtrise pas la joie.
-
La joie, c’est simplement d’être heureux
de vivre.
-
Le chercheur connaît la joie de la
découverte.
-
Si la joie s’oppose au matérialisme,
elle devrait donc s’opposer à la croissance économique.
-
La joie est subtile et personnelle.
-
On peut expliquer le plaisir, mais pas
la joie.
-
On connaît la joie lorsqu’on sort d’une
grande difficulté.
-
La joie se situe à différents niveaux.
-
La joie des enfants est d’être et pas d’avoir.
(Mais ils sont capables de se battre pour un objet...)
-
Il faut chercher l’enfant en nous.
-
L’innocence des enfants se perd au cours
de l’éducation.
-
La joie, c’est l’instant présent.
-
C’est l’illusion. L’avenir appartient à
ceux qui rêvent trop.
-
Le poids de l’histoire conditionne la
capacité de joie.
-
L’hymne européen, l’Ode à la joie de
Beethoven, illustre le triomphe de la joie sur le chaos.
-
C’est la capacité de s’émerveiller
devant la vie. Dans le malheur, il y a toujours la vie. La joie se cultive.
-
Le contexte international est pessimiste.
Selon les journaux, par exemple Le Monde et La Croix, les visions d’un même
événement sont différentes.
-
La nature est dispensatrice de joie. La
société perd la joie parce qu’elle ne sait plus regarder les choses. La joie
est contemplation.
-
Il y a de la joie à donner à l’autre.
-
Un voyage peut être source de nouvelle joie
et de raison de vivre.
-
On croyait que le progrès allait
apporter la joie à tout le monde. Or le progrès est mal partagé. Tout le monde
est en compétition. Le monde est pessimiste malgré le progrès.
-
Le pape François est un pape joyeux. La
joie de l’évangile, étymologiquement la bonne nouvelle.
-
Les idéologies du 20ème siècle
(nazisme, communisme) ont conduit à la catastrophe
parce qu’elles ont voulu
changer l’homme.
-
Quand on n’a pas ce qu’on aime, on aime
ce qu’on a.
-
Est-ce que le chemin qu’on a pris est
compatible avec la joie ?
-
Est-ce que le moine contemplatif comble
le déficit de la sécu ?
-
La joie n’est pas un modèle de vie.
-
A partir de la contemplation, il faut
aller vers l’action. La contemplation ne suffit pas à remplir une vie. La joie
intérieure est contagieuse.
-
La création crée de la joie. La joie c’est
de l’énergie.
-
Le chômeur a besoin de solidarité et de joie
pour trouver l’énergie de survivre.
-
L’artiste connaît la joie de créer et
celle de procurer de la joie.
-
L’homme ne peut être homme que dans la
joie. L’émerveillement se passe dans l’instant présent.
-
La joie se cultive comme un jardin.
-
Ce soir est une joie.
-
Comme retraité, j’ai de la joie, je la
cultive.
-
J’ai trouvé la joie de vivre en Afrique.
-
L’homme détruit les merveilles de la
nature (climat, biodiversité).
-
Pour être joyeux, il faut être en relation
avec la nature, la vie, l’autre et/ou Dieu.
-
Beaucoup de foyers vivent mal par manque
d’argent. Il y a beaucoup de malheur autour de nous.
-
La recherche du plaisir a pris le pas
sur celle de la joie.
-
Notre société est schizophrène. La
consommation effrénée a des effets pervers.
-
Nous sommes des êtres de relations et de
liens qui échangent de l’énergie et de la joie.
-
La quête de la joie permanente est
épuisante.
-
Moi, ça va bien même quand ça ne va pas.
Voyager en Afrique c’est un mouvement du corps et de l’esprit intuitif et
impulsif. La joie c’est la liberté qu’on se donne. La joie c’est donner un sens
à sa vie.
-
L’Afrique est très diverse quant à la
joie de vivre, on ne peut pas généraliser. Chaque peuple a sa philosophie de
vie. En France nous pouvons trouver la joie dans l’art et la culture.
-
Lors d’un séjour dans une ville d’Afrique
je parlais tous les jours à un mendiant qui avait perdu la vue en travaillant
dans une usine avec de l’acide. Le dernier jour, il me dit : « Tu
pars aujourd’hui ? » - « Comment les sais-tu ? » - « Le
son de ton pas n’est pas le même que d’habitude. »
-
La joie, c’est de l’émotion.
-
L’art est source de joie.
-
Nous avons le choix d’être joyeux ou
tristes.
-
Il y a beaucoup d’occasions d’être
joyeux.
-
On a vu des enfants jouer avec un
smartphone dans un parc d’attraction où ils s’ennuyaient.
-
Il faut garder son âme d’enfant.
-
La joie est une affaire personnelle.
-
La création artistique est une source de
joie.
-
Cultiver la joie est un acte de
résistance.
-
Etty Hillesum, morte en
1943 à Auschwitz, écrit « La vie est pleine de sens dans son absurdité. »
oooooooooooooooooooooooo
Poèmes
Jeannine Dion-Guérin
Que joie demeure,
Ce que j'appelle JOIE c'est le surgissement
de la bulle d'oxygène dans la fange de l'étang
qui s'évadant s'élève d'un bond, soudainement
cette lave qui naît de notre secret volcan
de son plein, de son chaud, ainsi que s'éveillerait
de quelque souffle l'inattendue éructation
La Joie, c'est la salve d'artifice retenue
préparée longuement en l'obscurité de l'âme
qui s'élance d'un tir, trouant l'épaisseur des nues
Et là je m'interroge sur la violence
qui habite qui la pratique, et la confond
avec la possible et trompeuse exaltation
C'est qu'elle se montre exigeante la joie
lorsqu'elle fréquente l'excès de douleur et de
larmes
meublant l'enthousiasme de haine et de passion
Pour qu'en nous elle consente à exister
il nous faudra transporter notre jarre pleine
marcher, se tordre les pieds aux cailloux
et atteindre enfin du quotidien cet oasis
qu'alors nous pourrons nommer: Bonheur!
Jeannine Dion-Guérin
(inédit du 31/10/2014. 6H du matin)
+++++
Arlette
Coutin
La joie du peintre
De mon cœur en l’instant jaillit
Un cri d’amour envers la vie
S’exprimant avec des couleurs
D’ une source venue d’ailleurs
Dans ma quête de la beauté
J’entrevois de l’ocre doré
Et toute sorte de pigments
Qui réchauffent mon âme d’enfant
Comme une nouvelle naissance
A chaque oeuvre que je commence
Je pars dans une belle aventure
Dont le résultat n’est pas sûr
Ce voyage qui me transporte
M’emmène loin devant ma porte
Dessinant différents visages
Ou allant vers d’autres rivages
Ce doux regard de l’univers
Que je dépose en la matière
Fait vibrer mon imaginaire
D’émotions remplies de lumière
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