Qui sommes-nous ?

PRESENTATION

L’association du Chemin du philosophe comporte trois types d’activités :

1)  L’entretien et l’animation du Chemin du philosophe en forêt de Montmorency.

2)  L’organisation de cafés philos, de conférences, d’ateliers de lecture, de sorties à thèmes en forêt.

3)  La maintenance de ce blog qui tient à jour le programme des activités et qui les archive depuis 2008.

+ Retrouvez facilement le site Internet du Chemin du philosophe en tapant "cheminphilo" sur un moteur de recherche Internet.

+ Pour découvrir le Chemin du philosophe en forêt : un petit film .

+ Pour télécharger la brochure 2021 du Chemin du Philosophe.

+ Audioguide du Chemin du philosophe en forêt, télécharger sur smartphone via le lien ou avec le code QR (en forêt le chargement par QR dépend du réseau de votre fournisseur d'accès).

+ S'y promener avec ValdoiseMyBalade.

+ Pour trouver le Chemin du Philosophe : carte (avec le GPS, programmer 179, rue de Paris, Montlignon, le parking est proche).

+ La participation aux activités de l'association implique une éthique de neutralité et de tolérance ainsi qu'une étiquette de courtoisie. L’accès est libre à la plupart des activités.

+ Pour soutenir et adhérer à l'association ou renouveler annuellement : Bulletin d'adhésion.

+ Pour nous écrire : cheminduphilosophe(arobase)wanadoo.fr

 

Station "L'homme et le cosmos"

Station "L'homme et le cosmos"
Cadran solaire analemmatique - juin 2014

Programme

Programme des activités à venir (cliquez sur le lien)


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Fonction Sound est limitée à 200 caractères

vendredi 12 juillet 2013

Entretien de la sculpture "Humanité"





Depuis plusieurs mois nous rêvions du beau temps sec pour procéder à l'entretien de la sculpture "Humanité" de Michel Leclercq implantée en 2009 sur la l'étape "L'homme et la nature" de notre Chemin du philosophe en forêt domaniale de Montmorency (Val d'Oise, France). Ce beau temps est arrivé et quelques volontaires, pas encore partis ou déjà de retour des voyages d'été, ont consacré quelques heures à des travaux pratiques et néanmoins nécessaires pour retarder la dégradation par le temps et par les intempéries de cette sculpture. L’humidité a commencé à attaquer les pieds au ras du sol, mais pas encore au point de menacer la stabilité de l’ensemble. Nous y veillerons. Le bois du haut est en excellente santé, certainement grâce aux bons soins, à l’huile de lin, que nous lui prodiguons régulièrement... Le ginkgo biloba, quant à lui, se porte bien.

lundi 1 juillet 2013

Compte rendu du café philo du vendredi 28 juin 2013






Nous étions quelque 25 personnes à participer à ce café philo au centre culturel de Bouffémont (Val d’Oise) sur le thème : "J’aime mieux être un homme à paradoxes qu'un homme à préjugés." (Jean-Jacques Rousseau, L'Emile, Livre II).
Les sujets des prochains cafés philo ont été votés :
Vendredi 27 septembre 2013 : « L’égalité, un mythe ou une réalité ? »
Vendredi 25 octobre 2013 : « Le corps est-il un instrument ou un obstacle pour notre liberté ? »
Vendredi 29 novembre 2013 : « Interprète-t-on à défaut de connaître ? »
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Résumé
La philosophie a toujours dénoncé les préjugés. Rousseau ne déroge pas à la tradition lorsqu’il affirme dans son traité sur l’éducation «  Emile » : « J’aime mieux être un homme à paradoxes qu'un homme à préjugés ». Certes les préjugés sont des idées préconçues, la plupart du temps erronées mais pourquoi leur préférer les paradoxes aussi incertains et contraires à l’opinion commune ? Est-ce parce que le paradoxe incite l’esprit à la réflexion tandis que le préjugé le sclérose ? Est-ce pour d’autres raisons ? Rousseau a-t-il d’ailleurs raison ?

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Pierre Haller
Les paradoxes avoués de J.J. Rousseau
J.-J. Rousseau avoue ses paradoxes pour montrer sa bonne foi : « Pardonnez-moi mes paradoxes: il en faut faire quand on réfléchit; et quoi que vous puissiez dire, j'aime mieux être homme à paradoxes qu'homme à préjugés », écrit-il dans L'Emile, Livre II.
-        Il donne des conseils sur la manière d'éduquer les enfants, dans l'Emile notamment, en se faisant l'apôtre de la famille et il abandonne ses propres enfants, les confiant à l'hospice des Enfants-Trouvés, dans l’intérêt de ces enfants, semble-t-il.
-        Il se présente souvent comme le meilleur des hommes en avouant aussi ses travers. Il relate, dans les Confessions, la pénible affaire du ruban volé. Il a accusée du larcin, dont il était lui-même l'auteur, une malheureuse servante, Marion, qui fut chassée.
-        Il s'accuse lui-même d'avoir été un adolescent exhibitionniste : "Mon agitation crût au point que, ne pouvant contenter mes désirs, je les attisais par les plus extravagantes manœuvres. J'allais chercher des allées sombres, des réduits cachés, où je pusse m'exposer de loin aux personnes du sexe dans l'état où j'aurais voulu être auprès d'elles. Ce qu'elles voyaient n'était pas l'objet obscène, je n'y songeais même pas ; c'était l'objet ridicule. Le sot plaisir que j'avais de l'étaler à leurs yeux ne peut se décrire."
-        Il écrit dans l'Emile : "La lecture est le fléau de l'enfance."
-        Il décrit dans les Confessions la sensualité d’être fessé par le pasteur Lambercier et sa sœur. Il découvre "dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui [lui] avait laissé plus de désir que de crainte de l'éprouver derechef par la même main".
-        Ses premières étreintes sexuelles à 20 ans avec "Maman" eurent pour lui un arrière-goût d'inceste (Mme de Warens était de six ans son aînée).
-        Monté à Paris, il intrigue sans grand succès pour se faire une place. Engagé quelque  temps comme secrétaire privé de l'ambassadeur de France à Venise, il joue les importants et se fait passer pour un personnage officiel.
-        Rousseau musicien se heurte à Jean-François Rameau qui l'accuse de plagiat et le traite de "petit pillard sans talent et sans goût".
-        Rousseau se perd à mesure qu'il progresse dans le grand  monde. Il est travaillé par un divorce intérieur qui le pousse à convoiter une place dans un monde du luxe et de la luxure qu'en même temps il méprise.
-        Célébrant de l’ordre naturel et contempteur de l’ordre social, il est largement dépendant de ses bienfaiteurs et bienfaitrices aristocratiques.
-        Marie-Thérèse Le Vasseur, illettrée, a été pendant plus de trente ans sa servante, sa maîtresse et sa femme en marge du grand monde qu’il fréquentait.

La fin de sa vie est le moment de la paix et de la réconciliation avec soi et avec la nature : "un état où l'âme trouve une assiette assez solide pour s'y reposer tout entière et rassembler là tout son être, sans avoir besoin de rappeler le passé ni d'enjamber sur l'avenir ; où le temps ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours sans néanmoins marquer sa durée et sans aucune trace de succession, sans aucun autre sentiment de privation ni de jouissance, de plaisir ni de peine, de désir ni de crainte que celui seul de notre existence, et que ce sentiment seul puisse la remplir tout entière". Rousseau avait consacré sa vie à la vérité du cœur- (« vitam impendere vero », « vouer sa vie au vrai », était sa devise).

Le champ sémantique du paradoxe 
Contradiction, ambiguïté, injonction contradictoire, yin-yang, tiers inclus, conflit d’intérêts, complexité (non-linéarité), compromis, imprédictibilité, indécidabilité, aporie (contradiction insoluble dans un raisonnement), bizarrerie, singularité.

Définition
Un paradoxe est une proposition allant à première vue contre le sens commun.
Le paradoxe est un puissant stimulant pour la réflexion. Il nous révèle la complexité de la réalité ainsi que les faiblesses de l'esprit humain et les limites de certains outils conceptuels. C'est ainsi que des paradoxes basés sur des concepts simples, voire sur des prémisses erronées, ont permis de faire des découvertes dans les sciences ou en philosophie.
Les énoncés de paradoxes se comptent par dizaines dans les articles consacrés au sujet sur internet. Certains sont historiques et familiers, d’autres plus complexes. Certains ont trouvé des solutions d’autres le resteront à jamais.

Les paradoxes classiques

-        Les paradoxes de Zénon d’Elée (-480 à -420) comme le Paradoxe d'Achille et de la tortue (Achille n’arriverait jamais à dépasser la tortue plus lente que lui), contesté déjà par Aristote,  ne trouve sa solution que grâce aux mathématiques à partir du 17ème siècle disant qu'une série infinie de nombres strictement positifs peut converger vers un résultat fini.
-        Le paradoxe du menteur d’Epiménide le Crétois (- 5ème  siècle) « le Crétois dit que tous les Crétois sont des menteurs ». Cette phrase réalise une action du fait de son énonciation, c'est une contradiction performative.
-        Le paradoxe de l’œuf et de la poule. Aucune réponse entièrement satisfaisante n’a été trouvée à la question « qui est premier, l’œuf ou la poule ? » « La poule est seulement un moyen pour l’œuf de faire un autre œuf », pourrait-on également dire.
-        Le paradoxe de Condorcet si la majorité votante préfère le A à B, puis B à C , elle peut très bien préférer C à A.
-        Le doute de Descartes (1596-1650)
«... que  je connaisse comme certain que justement il n'y a rien de certain. » (Seconde Méditations métaphysiques). Cette affirmation paradoxale est à rapprocher de celle de Socrate : « Je sais que je na sais rien. »
-        Paradoxe du gruyère
    Plus il y a de fromage, plus il y a de trous ;
    or plus il y a de trous, moins il y a de fromage ;
    donc plus il y a de fromage, moins il y a de fromage.

Les paradoxes scientifiques du 20ème siècle
Il s’agit essentiellement d’expériences de pensée souvent difficile à comprendre pour les non spécialistes.
-        Le paradoxe EPR, abréviation de Einstein-Podolsky-Rosen, est issu de la théorie quantique et notamment du principe d’indétermination de Heisenberg qui interdit de connaître simultanément la valeur précise de deux quantités physiques dites incompatibles (typiquement, la vitesse et la position d'une particule). Il en découle que deux particules séparées à grande distance dans l’espace puissent être intriquées, c’est-à dire s’influencer mutuellement et se comporter comme s’il s’agissait d’un objet unique.
-        Le paradoxe du chat de Schrödinger, la mécanique quantique indique que, tant que l'observation n'est pas faite, l'atome peut se trouver simultanément dans deux états (intact ou désintégré). L’analogie est faite avec un chat enfermé dans une boite. Il est mort ou vivant selon qu’il a subit ou non les effets d’un poison déclenché par la désintégration d’un atome. Tant qu’on n’a pas ouvert la boite, le chat serait vivant et/ou mort.
-        Le paradoxe de Russel : « l'ensemble des ensembles n'appartenant pas à eux-mêmes appartient-il à lui-même ? » ou le paradoxe du  « barbier qui rase tous les hommes qui ne se rasent pas, se rase-t-il lui-même ? »
Pour Gödel, il existe des problèmes indécidables pour l'humain, ce qui signifie que « les propriétés mathématiques qui nous échappent ont une existence autonome »

La logique classique du tiers exclu considère qu’une chose est ou n’est pas. Le philosophe Stéphane Lupasco (1900-1988) a développé le principe du tiers inclus qui fonde la dynamique des systèmes. Tout système comporte une dualité “contradictoire”. Par exemple, si seule l’attraction se réalisait dans un système, celui-ci s’effondrerait sur lui-même, si seule la répulsion existait, il exploserait, Selon Edgar Morin (né en 1921), le tiers inclus est à l’œuvre dans tout système complexe, il est inséparable du principe dialogique. Cela veut dire que l’identité comporte en soi son propre antagonisme, sa propre multiplicité: « je suis moi et je ne suis pas moi », « je est un autre ».
« Il faut alors faire avec la contradiction, penser avec/contre elle. La contradiction nous invite à la pensée complexe. C’est pourquoi, je me sens plus proche d’Héraclite, lorsqu’il dit: « vivre de mort et mourir de vie ». Il ne dit pas que la vie et la mort sont dépassées. En fait, la vie est prise dans une interaction dialogique permanente, dans un antagonisme irréductible et, en même temps, dans une complémentarité avec la mort, la destruction, la corruption. » La pensée complexe : Antidote pour les pensées uniques, Entretien avec Edgar Morin.

-        La théorie cosmologique standard de l’univers stipule l’existence d’un big bang comme le moment où le temps a commencé à exister. Notre esprit peut se poser la question : qu’y avait-il avant le temps ?
-        La théorie standard de la matière stipule que celle-ci émerge des fluctuations du vide qui n’est pas vide.

D’autres types de paradoxes

-        Les paradoxes sorites. « A partir de combien de grains de sable, ceux-ci forment-ils un tas ? » ; « si une chose est vraie ici, et fausse là, où est la limite ? » ; « c’est quoi les limites d’une race ? » ; «  jusqu’où sommes-nous responsables ? » ; « où sont les frontières de la vie ? »
Pour Hegel (1770-1831), l'argument du sorite permet de montrer comment la qualité peut transformer la quantité, et réciproquement.

La technologie moderne a développé des instruments fonctionnant sur la base de logique floue qui considère des états de système avec une certaine probabilité (c’est un tas de sable ou pas avec certaine probabilité). Celle-ci fonctionne pour des robots ou des systèmes de régulation de processus industriels complexes comme des raffineries de pétrole, les systèmes experts, la reconnaissance informatique des formes, etc.
La notion d’ordre émergeant, différent de la somme des ordres élémentaires, à partir de l’interaction d’une multiplicité d’éléments a pris sa place dans les sciences modernes (physique, chimie, biologie, neurosciences, sociologie)

-        Les paradoxes psychologiques

+ L’individu peut produire ou être soumis à des paradoxes d’ordre psychologiques. Le langage paradoxal dit une chose et son contraire, ou bien il met en contradiction la parole et les actes ou les attitudes.
+ Les injonctions contradictoires, les doubles contraintes, les dilemmes conduisent à des situations inextricables parfois dramatiques pour les individus et les groupes. Les exemples sont multiples dans la vie amoureuse, familiale, professionnelle, politique, historique.
+ Les travaux initiés par Gregory Bateson (1904-1980) de l'école Palo Alto sont une étude collective sur le « paradoxe de l'abstraction dans la communication ». Débuté en 1952, elle réalisa une théorisation des mécanismes de la schizophrénie, qui sont présentés comme une adaptation à un contexte paradoxal. Elle développe l'idée que la maladie mentale puisse être un mode d'adaptation à un contexte extérieur qui contiendrait l'élément pathologique. C'est le principe fondateur de la thérapie familiale qui s'attache à soigner cette pathologie relationnelle directement plutôt que l'effet induit sur un individu en particulier.
+ Il semble paradoxal que certaines personnes ayant subi des traumatismes ou des agressions finissent par tourner l’agressivité contre elles-mêmes par des replis dans la maladie, des comportements asociaux, voire par le suicide.
+ Les stratégies des victimes de contextes paradoxaux sont multiples la fuite, la violence, la maladie. Leurs souffrances ont tendance à s’auto-entretenir.
Pour les résoudre les paradoxes,, il convient de sortir du contexte, pour produire une « méta-analyse » des situations. Parfois il faut agir ou non agir sachant qu’on fera mal quelque part. Choisir le moindre mal. Accepter l’ambiguïté. « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. » Cardinal de Retz (1613-1679).
+ Certains pervers, individus ou systèmes managériaux, infligent des injonctions contradictoires aux personnes, par sadisme ou par simple exercice du pouvoir afin de s’assurer leur soumission.
+ L’apparence n’est qu’une partie de la réalité

-        Les paradoxes sociétaux, artistiques ou philosophiques

+ Les intérêts collectifs et individuels ne sont pas toujours compatibles, en tout cas pas aux mêmes échelles de temps.
+ Les principes de liberté d’égalité et fraternité, par exemple, rencontrent des limites naturelles et des exceptions. Ce sont des idéaux devant orienter les comportements. On peut parler d’incomplétude et de non-linéarité des idéaux.
+ Les modes vestimentaires ou comportementales nous incitent à être différents et semblables à la fois.
+ Le communautarisme est censé protéger ses ressortissants, mais souvent il entraine les identités minoritaires dans le renforcement de l’ostracisme dont elles sont victimes. Les individus subissent l’ostracisme mais leur communauté en bénéficie.
Les identités sociales se fondent encore souvent sur l’existence d’ennemis. Certaines injonctions culturelles visent à maintenir la tension entre les groupes.
+ La séduction amoureuse et le désir sont fondamentalement ambigus. (« Vorrei e non verrei », « Je veux et ne veux pas céder à la séduction », chante Zerline dans Don Giovanni).
+ Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) a analysé le désenchantement du monde allant vers toujours plus de rationalité et de laïcité et il constate que cette rationalité se retourne en son  contraire en « un habitacle dur comme de l’acier ». La raison est poison et remède.
A propos du chef charismatique prenant le pouvoir, il note également ses dérives tyranniques comme le confirme l’histoire récurrente de l’humanité.
Dans le domaine des rapports humains il note que « l’érotisme est à la fois désir de domination de l’autre et volonté de beauté et d’harmonie ».
+ L’art est un mensonge qui dit vrai. Jean Cocteau (1889-1983) : « L’œuvre d’art est un mensonge qui dit toujours la vérité. » Martin Heidegger (1889-1976) : « L’art ne peut dévoiler qu’en voilant. » Emmanuel Kant (1724-1804) : « Le jugement esthétique est subjectif et universel. » Vladimir Jankélévitch (1903-1985) : « L’art est une représentation de l’irreprésentable. » Friedrich Nietzsche (1844-1900) : « La poésie voit l’invisible, sent le non-sensible. »
+ Jean-Paul Sartre (1905-1980) : « La liberté préesquisse l’adversité en général ».

-        Les paradoxes politiques, économiques ou religieux.

+ Si tu veux la paix, prépare la guerre.
+ Il n’y a pas de guerre, même juste, sans barbarie.
+ La dissuasion nucléaire, serait un échec si on mettait l’arme nucléaire en service.
+ La plupart des grandes barbaries de l’histoire ont été commises au nom de valeurs civilisationnelles.
+ Il n’y a pas d’ordre sans force et abus de la force.
+ Pour Obama, il faut faire des « compromis entre sécurité et vie privée ». (Le Monde du 08/07/2013). Les Etats-Unis se sont dotés de moyens informatiques de stockages et de traitement d’un siècle de communications mondiales (5.1021 octets = 250 milliards de DVD). Même en démocratie, en général, l’opinion publique préfère la sécurité à la liberté.
+ Depuis la nuit des temps les Etats passent par des phases de paranoïa en s’inventant ou en cultivant des ennemis. Cet entretien des inimitiés, dont les petites gens sont les jouets et font essentiellement les frais, profite à de puissants lobbies de tous bords.
+ La non-linéarité et la complexité des mécanismes économiques conduit à des résultats contraires aux objectifs recherchés. Jusqu’où faut-il être économe ?
+ Certaines populations ancestrales pratiquent le potlatch en détruisant régulièrement leurs biens.
+ Le mal, le malheur, les catastrophes naturelles sont dans une certaine mesure bons pour l’économie et son PIB. La lutte contre le mal fait vivre beaucoup de monde et souvent tue plus que le mal lui-même.
+ Les croyances religieuses échappent souvent à la raison.
+ Un kōan est une courte phrase ou une brève anecdote absurde, énigmatique ou paradoxale, ne sollicitant pas la logique ordinaire, utilisée dans certaines écoles du bouddhisme chan ou zen. Le kōan est un objet de méditation qui serait susceptible de produire le Satori ou encore de permettre le discernement entre l'éveil et l’égarement. Exemples : « Quel est le son d'une seule main qui applaudit ? » ; Un moine demanda à Tung Shan : « Qu'est ce que Bouddha ? » Tung Shan répondit : « Trois livres de lin. »

-        Les paradoxes biologiques

+ Le comportement collectif suicidaire des lemmings.
+ Les mutations aléatoires et parfois pathologiques du génome dans la quête de l’optimum.
+ La nature semble sans cesse rechercher à la fois la diversification et l’homogénéisation des espèces.
+ Certaines mutations viables ou organes semblent ne servir à rien (structures vestigiales, pseudogènes autrefois appelés gènes-poubelles) voire constituer des handicaps.

Ces paradoxes ne sont souvent qu’apparents et indiquent notre ignorance des mécanismes profonds à l’œuvre.

Les préjugés

+ Le préjugé est une hypothèse devenue vérité sans vérification ; il fonde des identités sociales, il fonde les dogmes.

+ Les préjugés sont les convictions irrationnelles des autres. Pour qualifier un préjugé auquel on adhère soi-même, on parle d’évidence, de vérité fondamentale, de principe acquis, etc.

+ Selon le philosophe Alain Badiou (né en 1937) dans ses séminaires : « Qu'est-ce qu'un préjugé ? Un préjugé - un pré-jugé - c'est un jugement qui n'a pas été lui-même jugé. En ce sens, le combat contre le préjugé c'est l'affirmation que tout jugement doit être jugé. Il doit comparaître ... devant quoi ? Devant le paradoxe justement ».
Le philosophe s’interroge aussi sur le discours autorisé, c'est-à-dire d'un discours qui n'aurait pas à légitimer les jugements qu'il prononce : discours du prêtre, discours du roi et, en dernier ressort, discours de Dieu. On peut remarquer ici qu'en philosophie il n'y a pas d'hérésies. L’hérésie est le propre d’une discursivité étatico-religieuse.

+ Le préjugé constitue une paresse intellectuelle simplificatrice basée souvent sur le fait de prendre le particulier pour le tout, comme dans le cas du racisme. Le préjugé se dote de filtres qui sélectionnent les informations allant dans son sens et éliminant les autres.

+ Un préjugé collectif nait généralement d'un impératif de cohésion sociale ou de survie, dans un contexte historique particulier. Il se transmet ensuite par apprentissage et tend à se fondre dans l'arrière-plan culturel d’un groupe, de sorte qu'il devient difficile de s'en affranchir, même lorsque son existence n'a plus aucun rapport avec la situation. L'accumulation des préjugés, élément essentiel de la culture d'une société, a donc aussi pour effet de diminuer les facultés d'adaptation au changement. C'est un facteur de rigidité et de vieillissement des sociétés. Le préjugé, censé initialement être un facteur de cohésion au sein d'une société traditionnelle, devient facteur d'exclusion ou d'explosion dans une société multi-culturelle.

+ Les préjugés sont inscrits dans les stéréotypes du langage collectif ou individuel, sous formes d’expressions toutes faites, d’aphorismes, de proverbes ou de croyances. C’est la responsabilité de chacun de prendre sa liberté par rapport aux limitations imposées par ces stéréotypes.

+ L’inflation par la disponibilité et la diffusion de l’information, que permet Internet, autorisent tout esprit motivé et partisan à faire des associations entre des éléments disparates. Les arguments de soupçons sont beaucoup plus aisés à produire et rapide à diffuser que ceux qui permettent de renouer la confiance nécessaire à la vie en démocratie, ainsi que le montrent les récents scandales. « Le scandale révèle l’atmosphère irrespirable que favorise le déluge informationnel. » selon le sociologue Gérald Bronner (né en 1969), Le Monde 7-8/04/2013. « Que cache l’affaire Cahuzac ? »

+ Effet halo en positif et en négatif des préjugés. En 1960 l’Allemand Grundig passait pour le meilleur constructeur d’électrophones, alors qu’il n’en fabriquait pas.

+ Il semble nécessaire pour vivre de s'appuyer au moins un temps sur les préjugés. L'enfant ne peut faire l'économie de préjugés alors que la faculté de juger est en cours de formation. On juge ainsi nécessairement à partir de préjugés. Toutefois la lutte contre les préjugés est nécessaire car elle est constitutive du jugement. C’est le paradoxe des préjugés.

+ Toute connaissance du monde prend nécessairement appui sur un a priori, notamment la confiance accordée, au moins provisoirement, à une parole magistrale. En l'absence de préjugés sur le monde on ne peut rien apprendre sur le monde. Les grands programmes scientifiques fort dispendieux (LHC, génomique, etc.) s’appuient sur des hypothèses et des préjugés que l’on essaie de démontrer.

+ L'abolition des préjugés ne serait rien d'autre, en réalité, que le ralliement à un système commun de préjugés.

+ Il faut des préjugés pour lutter contre eux.

Paradoxe versus préjugé

+ Selon J.-J. Rousseau l’homme naitrait naturellement bon et c’est la société qui le pervertirait. Il s’agit là d’un préjugé, car dans les faits, la société contribue également et paradoxalement à civiliser les êtres.

+ Dans le domaine moral, le paradoxe et le préjugé sont deux défauts, deux excès par rapport à l’honnêteté intellectuelle.

+ Plusieurs grands auteurs se sont vus accusés de comportements paradoxaux et empreints de préjugés : Gide et l’URSS, Céline et l’antisémitisme, Sartre et Mao, Heidegger et le nazisme

+ Lyssenko (1898-1976) pour la génétique  marxiste, Gobineau (1816-1882) pour les théories raciales, Milton Friedman (1912-2006) pour l’ultralibéralisme économique et la financiarisation du monde, sont des exemples de pensées scientifiques au service de préjugés idéologiques.

+ Tartufferie moderne. « Un bobo c’est entre autre un hypocrite qui donne des leçons aux autres mais ne se les applique pas. C’est celui qui va venir vous faire de grands discours sur la mixité sociale dans les écoles, mais fera tout pour que ses enfants n’aillent pas dans une de ces établissements très mixtes socialement. » Rue 89

+ La corrélation ne démontre pas la causalité. L’épidémiologie se confronte au problème des faibles occurrences, des faibles doses, des effets à long terme ou des effets de synergie. Il est difficile de prouver les effets de certains perturbateurs à faibles doses (chimiques, radiologiques, électromagnétiques, stress) sur la santé publique. Les controversent  sont souvent alimentées autant par les lobbies professionnels que par des activistes idéologisés.

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Propos notés
-        Pour Rousseau, il faut laisser mûrir l’enfant dans l’enfance. Il faut savoir perdre du temps. Il faut forcer les gens à être libres. Le préjugé est toujours faux. Le paradoxe est le chemin vers la vérité.
-        Les philosophes sceptiques de l’antiquité grecque ont posé le problème de la connaissance de la vérité. La raison ne peut pas tout démontrer car elle se réfère à elle-même.
-        Pour Kant, il arrive à la raison de se contredire. Il existe des énoncés démontrables et contradictoires. Kant parle d’antinomie.
-        Les préjugés sont des évidences qui rassurent, tandis que les paradoxes questionnent et insécurisent. Les préjugés reposent sur des sentiments et sont de l’ordre de la passivité,  du collectif sur un fonds d’idéologie ; les paradoxes incitent au raisonnement actif de l’individu.

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-        Le préjugé sert de référentiel.
-        Comment différencier les préjugés identifiés et les non-identifiés ? Par la confrontation, l’esprit critique, la science, le doute.
-        Exemples de préjugés longtemps non identifiés dans le passé : infériorité de certaines races, absence de douleur chez les bébés, absence d’intelligence, de sentiments et de douleur chez les animaux, suprématie de la culture occidentale, droit des humains sur la nature.
-        Celui qui a le pouvoir dit ce qui est préjugé.
-        Le paradoxe est l’affrontement des préjugés.
-        Les paradoxes scientifiques, logiques et de langages sont de natures différentes.
-        Dans les entreprises actuellement, le management invoque le maintien du « cœur de métier » pour justifie la délocalisation de multiples activités.
-        Certain préjugés scientifiques ont été entretenus avec des intentions éthiques et néanmoins commerciales, exemple : le décryptage du génome.
-        L’espace est un préjugé. Le temps est un paradoxe.
-        Pour Saint-Augustin, le passé est révolu, le futur n’existe pas encore et le présent est déjà dépassé.
-        L’humour et la caricature permettent de mettre en évidence les préjugés.
-        En géologie, les récits mythiques des déluges ont historiquement servi à expliquer les stratifications des couches géologiques.
-        L’action à distance des forces de gravitation parait paradoxale.
-        Un préjugé devient vérité lorsqu’il est majoritaire. Il peut s’imposer par la manipulation des esprits ou la terreur.
-        Selon Marcel Proust, les paradoxes d’aujourd’hui, seront les préjugés de demain.
-        La raison doit servir à résoudre les paradoxes et à modifier les modes de raisonnement.
-        L’écoute sert à vaincre les préjugés. Il faut donner du temps au temps pour l’écoute.
-        L’important c’est la confrontation.
-        La Justice devrait juger sans préjugés.
-        Il y a des préjugés meilleurs que d’autres.
-        Le compromis est-il de la lâcheté ?
-        Il faut toujours peser le pour et le contre.
-        Le paradoxe permet de se libérer du préjugé, mais ça ne marche pas pour l’art.
-        Il y a des préjugés individuels et collectifs.
-        JJ Rousseau est imprudent et manque d’humilité.
-        Il y a des intérêts économiques derrières certains préjugés.
-        L’éducation est importante pour vaincre les préjugés.
-        Quoi qu’on en dise les jeunes communiquent encore normalement, sans Internet ni portable.
-        Le préjugé existe c’est un fait. Il faut apprendre à faire le tri.
-        Il faut réguler les excès des préjugés et des paradoxes. La prise de hauteur, le métalangage, la sortie du système de référence, voire la transcendance contribuent à cette régulation.

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Citations
"Beaucoup de gens croient qu'ils pensent alors qu'ils remettent seulement en ordre leurs préjugés." William James
"Il est plus difficile de détruire un préjugé qu’un atome." Albert Einstein
"Donnez-moi un préjugé, et j’ébranlerai le monde." Gabriel García Márquez
"Les préjugés sont les ennemis du bon sens" I-Robot
"Il existe un curieux paradoxe : quand je m'accepte tel que je suis, alors je peux changer."
Sénèque
"La découverte comique énonce le paradoxe, la découverte scientifique le résout."
Arthur Koestler
"Le paradoxe, c'est le nom que les imbéciles donnent à la vérité."
Paul Valéry
"Le paradoxe de la condition humaine, c'est qu'on ne peut devenir soi-même que sous l'influence des autres."
Gaston Bachelard
"Le paradoxe de l'amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux."
Erich Fromm
"Qu'est-ce qu'un paradoxe, sinon une vérité opposée aux préjugés du vulgaire."
Denis Diderot