Nous étions trente-quatre
personnes à participer à ce café philo, le vendredi 30 mai 2014, au centre
culturel de Bouffémont, sur le thème : «
La consommation dans nos sociétés pervertit-elle la démocratie ? » Ce thème
avait été proposé par des membres de la Ligue des droits de l’homme, présents
ce soir.
Le thème du prochain café philo est :
- Vendredi 27 juin 2014 : «
Le renoncement fait-il partie du bonheur ?» Arlette Coutin participera à
la présentation.
Ce 27 juin, il conviendra
également de choisir les thèmes des cafés philo de septembre, octobre et
novembre 2014.
Le thème du café philo de ce
soir a été préparé et animé par Catherine Delaunay, Daniel Croquette,
Jean-Marie Oswald et Pierre Haller
oooooooooooooooooo
Présentation de Daniel Croquette
Thème du débat « La consommation dans nos
sociétés actuelles pervertit-elle la démocratie ? »
1 – Définition des termes d’après le
dictionnaire :
-
Consommation :
Utilisation d’un bien matériel en vue de satisfaire les besoins de l’Homme.
Ce bien peut être individuel ou
collectif. Il peut être aussi de nature intellectuelle.
Consommer= consummare et
consumere soit faire disparaitre le produit par l’usage.
3 phases donc : acquérir,
posséder puis détruire.
La société a été dite de
consommation à partir des années 1950. Elle est passée de la consommation
sociale à une consommation plus individualisée à partir des années 1970. Ce
concept est venu des Etats-Unis.
- Démocratie : Gouvernement du peuple par lui-même
2- 1er axe de discussion (Thèse) :
La consommation va dans le sens de la liberté du consommateur. L’offre des
produits est quasi illimitée dans l’économie de marché contrairement aux
économies dirigées. La conjonction : offre +innovation+ communication a
généré une augmentation du niveau de confort du plus grand nombre.
La libéralisation de la
consommation est souvent synonyme de démocratisation des sociétés. On l’a
constaté dans beaucoup d’évolutions des états vers des régimes démocratiques.
Il faudrait distinguer les
consommations individuelles qui répondent à cette liberté et les consommations collectives qui ne sont pas
déterminées directement par la personne mais par des élus pour lesquels elle a
voté ou des entreprises.
3- 2ème axe de discussion (Antithèse) Quels sont les éléments qui peuvent limiter
et aussi pervertir cette liberté ?
L’information est-elle
sincère ? Est-elle contrôlée par les citoyens ? L’objectif du
producteur par la publicité n’est-il pas avant tout de séduire pour mieux vendre ?
Les inégalités de revenus
pervertissent la démocratie puisque les uns et les autres ne sont pas égaux
face à la consommation.
La comparaison entre personnes
est inévitable. Elle suscite des envies et incite à la surconsommation pour
exister dans la société. Elle touche les ados concernant par exemple les
vêtements de marque mais elle touche aussi les adultes créant des frustrations.
Elle crée aussi de la marginalisation voire de l’exclusion. Elle peut entrainer
de la violence d’où des vigiles, de la vidéosurveillance. Cette dérive peut
s’opposer à la liberté de chacun et à la démocratie.
Le contenu de certains produits
de consommation, par exemple les jeux vidéos, apprennent plus la violence ou la
pornographie que le respect de l’autre qui est indispensable à la démocratie.
On voit bien que l’on se situe
dans le domaine des objets et pas dans le monde de la relation à l’autre qui
est fondamental en matière de démocratie qui est plutôt liée à l’être qu’à
l’avoir.
Conclusions possible pour cette
partie : L’éducation est importante ; il faut être éduqué pour exister
en dehors du paraitre par l’avoir et aussi pour s’auto – limiter dans l’avoir.
4- 3ème axe de
discussion :
L’acte d’achat peut supprimer la réflexion et nuit à la
capacité des individus à remplir pleinement leur rôle de citoyen. N’avons-nous
pas deux cerveaux, un cerveau consommateur et un cerveau citoyen ?
L’acte d’achat est plus
complexe que la satisfaction des besoins. Il répond à l’imaginaire et à
l’inconscient.
De nombreux exemples :
La recherche du prix le moins
cher qui ne respecte pas les conditions de travail du producteur ou qui induit
des coûts et une énergie prohibitive pour le transport.
Le remplacement permanent du
produit exemple les téléphones portables qui entraine une surexploitation de
matières premières rares. Nos consommons plus d’une planète.
L’acte d’achat compulsif et de
compensation.
L’obsolescence programmée des
produits dont le remplacement coûte moins que la réparation.
La surconsommation de
médicaments « gratuite ». J’ai des droits mais est-ce que je
réfléchis au déficit de da Sécurité Sociale et en quoi suis-je redevable ?
5- 4ème axe de
discussion (Synthèse) Comment réconcilier consommation et
démocratie ?
Des points positifs :
Les associations de
consommateurs, les AMAP, le commerce équitable, « Ethique sur
l’étiquette », la ruche qui dit oui… Ils peuvent rapprocher producteurs et
consommateurs et amener une meilleure information sur les produits.
Le recyclage, le développement
du marché de l’occasion, l’économie de partage, le covoiturage … : des
économies de moyens non liées à la possession se développent. Ils développent
aussi la relation.
Les syndicats qui défendent les
conditions de travail des producteurs.
L’exigence d’une transparence
de l’information par exemple sur le traité de libre échange Europe/USA. Il faut
rejeter ce qui est opaque et pouvoir en
tant que citoyen exercer un contrôle plus direct.
Les média tels qu’ARTE, France
3 ou France 5, des radios produisent des documentaires de qualité qui informent
et mettent en garde sur certains dangers.
L’Europe peut et doit agir dans
le sens d’une consommation plus respectueuse du consommateur par la mise en
place de normes ou d’informations sur la composition et l’origine des produits.
Par exemple les normes sur les produits chimiques avec la directive Reach.
Le boycott de produits peut
être un moyen citoyen d’agir pour davantage de démocratie dans certains pays.
Pensons au boycott des oranges Outspans en Afrique du Sud contre l’apartheid.
oooooooooooooooooo
Présentation de Jean-Marie Oswald
La consommation
dans nos sociétés pervertit- elle la Démocratie?
1. La signification, le décryptage du sujet :
·
Consommation : au sens économique, c’est l’action
d’utiliser et ou de détruire
immédiatement ou dans le temps des biens et des services.
·
La perversion est une déviation par rapport à la moralité.
·
La démocratie est théoriquement la souveraineté du peuple
par le peuple et pour le peuple.
Nous
retrouvons un ensemble ou un lien, à savoir « la consommation et la
perversion »
Quelle en serait la conséquence l’effet sur cette démocratie.
Le
centre du thème tourne autour de la consommation, ses effets, à savoir ses
vices et cela jusqu’à dévier notre moralité…. Et avoir une incidence sur la
Démocratie.
2. Un peu d’Histoire et
quelques remarques sur la consommation :
La
consommation est dans notre
macroéconomie un ensemble, une résultante ou se lient les dépenses pour les
biens et services, ou encore l’investissement d’une part,… Les revenus, les ressources,
d’autre part..
Notre
société a classifié les différentes consommations à savoir essentiellement l’alimentation,
l’habillement le logement la santé, les loisirs, les biens et services divers…
Il
existe un classement public et une répartition (INSEE…)… Je ne m’y attarderai
pas
Nous
comprendrons ici la consommation telle
que nous la vivons tous.
Cette
consommation jusque dans les années 60 se caractérisait
essentiellement par un état de simple
production et de distribution.
Les
seules incitations se cantonnaient à ce que l’on dénommait « La
Réclame » et à l’activité du
« Vendeur ».
Deux
personnalités se distinguent dans l’Histoire de la consommation, savoir John Maynard KEYNES (1883 à 1946)
Mathématicien - Economiste anglais et Milton FRIEDMANN, Economiste américain
(Prix Nobel d’Economie) (1912 à 2006)
La
vision de ces économistes était
alors essentiellement purement financière et d’ailleurs contradictoire. Ils
théorisaient sur la variabilité du revenu et de l’épargne. FRIEDMANN s’étendait sur les effets de constance sur la théorie du
revenu permanent et la répartition et ses conséquences sur la consommation.
C’était
la fin des années 50. (Théorie de la fonction de consommation 1957)
C’était
une vision essentiellement d’état, une constatation statique.
En
effet, notre société, notre économie, ont traversé une période de besoin
populaire caractérisée par une période dite de « production ». (C’était
l’époque BOUSSAC… c’était SINGER…)
Il
s’en est suivi une prise de conscience qui se cantonna cependant à la période de la simple dite ‘Etude de
Marchés’ études mal ou peu exploitées.
Il
n’existait quasiment pas de gestion dynamique des produits pour les biens et
services et l’entreprise se cantonnait à un état traditionnel comptable de
l’entreprise.
Le
potentiel disponible, les surplus productifs des biens conduisirent à de
nécessaires nouvelles méthodes d’influence et d’incidence sur la
consommation.
Faut-il
rappeler que nos sociétés dans nos pays basés sur une économie de marché ont un
besoin absolu de croissance ? Faut-il
rappeler que les piliers essentiels de
cette nécessaire croissance dans nos systèmes économiques et démocratiques
sont la consommation, l'investissement, l'exportation ?
·
Notre
sujet, à savoir (Consommation et la
perversion de la Démocratie) nous mène à un nouveau traitement émergent et
au traitement actuel, le
MARKETING.
3. Le PROCES du MARKETING :
Qu’est
donc cette appellation de MARKETING ?
C’est
une science économico – commerciale, le
MARKETING ou en terme français trop vite oublié « LA MERCATIQUE ».
La
source de cette méthode, vous le savez tous, nous vient des U.S.A.
J’en
serai, si vous le voulez bien, le Procureur, le Défenseur et vous serez les Juges par le débat qui suivra.
Pour
certains Philosophes Comme Herbert MARCUSE, certains Sociologues comme Jean
BAUDRILARD, certains Polémistes
comme Vance PACKARD, pour certains
hommes politiques d’extrême gauche et d’extrême droite, le MARKETING, c’est
SATAN.
Le
MARKETING et notre société de
consommation :
Le
MARKETING :
·
est accusé d’être l’auxiliaire le plus actif ou même le moteur d’une société matérialiste,
de consommation, de gaspillage, de manipulation jusqu’à l’aliénation.
·
Serait le principal responsable de la consommation et
du «matérialisme vulgaire».
·
Aurait pour résultat la création continuelle de besoins
nouveaux et «inutiles» pour le consommateur.
Ainsi, les besoins de ces consommateurs
seraient continuellement aiguisés, croissant plus vite que leurs ressources
financières.
Ces
consommateurs seraient toujours
insatisfaits et toujours avides de gagner plus pour dépenser plus et seraient
dans le malheur.
Le
MARKETING et le gaspillage:
·
Ainsi les coûts générés augmenteraient les prix des
produits.
·
Exemple : Le
coût du MARKETING le domaine du luxe serait tel que les prix du produit
vendu seraient exorbitants. Le Domaine du Parfum illustrerait ce fait.
On
pourrait, dit-on faire baisser
sensiblement le prix de ces produits ou
encore en améliorer la qualité.
Le MARKETING instrument de manipulation et
d’aliénation :
·
La pression sur le
consommateur serait telle qu’elle atteindrait même la liberté de choix.
·
On les empêcherait les consommateurs de prendre conscience de leurs vrais besoins,
on pousserait à un excès de consommation
voire à une déraison.
·
Le MARKETING serait une drogue et quelque part
« l’opium du peuple » dans ce monde de consommation.
Les critiques abondent, n’en finissent plus…
N’y
aurait-il pas ici une confusion entre certains abus de publicité, certaines
méthodes agressives de vente ?
J’en
passe !
4. La voix de la Défense du MARKETING :
Confusions !
Confusion !!!
Le
MARKETING n’est :
·
Ni la publicité
·
Ni la vente,
·
Ni la distribution
·
Ni le commerce
·
Ni l’étude de marché.
Rappelons
la définition de ce phénomène, définition enseignée de nos universités.
« Le
MARKETING est l’ensemble des moyens dont disposent les entreprises en vue de
créer, de conserver et de développer nos marchés. »
Au
contraire les professionnels du MARKETING plaident :
Le
MARKETING sert à satisfaire les besoins du consommateur.
Le
ou les produits sont mis en adéquation avec les besoins du marché.
Ces
produits sont positionnés, comparés en qualité, en prix, en moyen et méthode de
distribution. (Marketing-mix)
MARKETING-MIX :
MARKETING MIX : Produit –
Prix- Communication- Distribution, suivi par
le plan de stratégie !
(Incidence mathématiques : « écarts type »,
« variance », « Loi de POISSON », «
Probabilités »
Données secondaires….
Produit :
·
Caractéristiques, performances …
·
Prix : élasticité, acceptabilité,
variabilité… Pricing !
·
Communication : Publicité la plus
diverse… Incidence des Prescripteurs des
influenceurs….
·
Distribution : internet, magasins, VRP,
Supermarchés…logistique
L’ensemble
est décliné en compatibilité avec le marché pour la satisfaction du consommateur.
L’Homme
du MARKETING est devenu l’ingénieur du
marché.
L’homme
de MARKETING n’est pas le Directeur COMMERCIAL.
C’est
le Directeur MARKETING.
Il
calcule dès la naissance du produit le nombre de vente pour atteindre
l’équilibre. (Point Mort, break even
point).
C’est
aujourd’hui la seule solution de vie et de survie de l’entreprise dans cette
jungle de compétition et de concurrence.
Le
seul souci éthique de l’esprit
marketing est de satisfaire le consommateur et non de l’exploiter.
Il
est certain que, par une orientation vers le consommateur et par la prise en
compte des attitudes des avis et des
comportements, le marketing est un progrès social dans la qualité de la
consommation.
L’Homme
de MARKETING est le gardien de l’économie de l’entreprise et surveille le cycle
de vie de son ou ses produits jusqu’à leur extinction ou leur renaissance en
adéquation avec le marché et le
consommateur.
En
effet, le libre marché est dur et ne pardonne pas.. L’erreur MARKETING conduit droit au désastre
économique et social, et cela jusqu’à la fermeture et la liquidation de
l’entreprise !
Le
MARKETING, dans la société d’économie de marché garantit la liberté du choix,
la liberté, de comparaison, la décision du meilleur choix par l’acheteur
responsable.
Alors qu’à
l’inverse dans un pays totalitaire, le régime impose les produits, les régule et cela au détriment
du consommateur et du besoin.
5. La perversion de la Démocratie par cette
consommation ?
Notre
consommation, prétendument polluée par le MARKETING, atteindrait-elle la
Démocratie, Démocratie matérialisée par
la gouvernance, la souveraineté du
peuple, par le peuple pour le peuple ?
J’en
appelle aux penseurs aux philosophes et aux économistes.
J’en
appelle à l’histoire de la pensée économique.
Je
cite Joseph SCHUMPETER (1883 – 1950)
qui, dans son livre
« CAPITALISME,
SOCIALISME et DEMOCRATIE » (1942) avait la lucidité de ce qu’il
appelait la « Destruction
Créatrice », la vie de l’entreprise
dans son image qu’il appelait « Ouragan
perpétuel » était déjà
visionnaire quant aux changements perpétuels.
Je cite Luc FERRY : « L'innovation destructrice » (Editions PLON)
Selon Luc
Ferry, ce qui va nous sauver, ce n'est pas la décroissance, mais l'innovation’.
Même si elle déstabilise le monde, même si elle peut être formidable et, en
même temps, destructrice.
L'innovation est vitale et angoissante
à la fois : dans un siècle de déconstruction, la France doit résoudre ce
dilemme.
Luc FERRY ne manque pas d’accréditer la
vision et la thèse de Joseph SCHUMPETER.
Le MARKETING,
c’est un peu tout cela, à savoir une adaptation perpétuelle au marché pour
garantir une vie économique saine.
Cependant,
le marketing seul, aujourd’hui ne commande que partiellement notre économie,
notre consommation et notre état matériel.
L’idée
de la libre nature économique, l’idée de
l’équilibre naturel de l’offre et de la demande (Théorie de l’Economiste Jean-Baptiste SAY (1767 – 1832) est battue en brèche.
En effet, il nous faut aller à la source du
Marché et des consommateurs ce qui est le premier principe du MARKETING.
Il
est vrai que, dans une économie mondialiste et
sauvage, cette liberté a ses limites et l’interventionnisme politique dans notre économie de marché est
présente.
L’ombre
du Baron KEYNES, contradicteur de la
Loi de SAY, siège dans nos Conseils des ministres, à tort et à raison, que ces Conseils
soient de gauche ou de droite.
Mesdames
et Messieurs, chers Amis, j’en viens à la fin !
Peut-être
après le débat resterons-nous sur notre faim !
Quoiqu’il
en soit nous resterons en interrogation,
Sur
ce sujet qui nous anime, la consommation !
Je
vous remercie !
ooooooooooooooooo
Présentation de Pierre Haller
« Pauvres sont ceux qui
ont besoin de beaucoup, car rien ne peut les satisfaire » Sénèque. (-4 à +65)
« Lorsque je consomme,
j’agis globalement et je pense localement. »
« Je consomme, je (me) consume ».
Définitions
+ La consommation a pour but
de satisfaire des besoins par l'utilisation immédiate et non durables des biens
et services ou bien sur le long terme de biens durables.
+ Ces besoins varient en
fonction des époques, des lieux, des conditions sociales. Ils couvrent un large
spectre allant des plus basiques, de l’utile légitime : la nourriture, le
logement, la santé, la sécurité, l’éducation, la culture, aux plus futiles :
le luxe. La consommation sert à survivre, à se ressembler et à se différencier
les uns des autres.
+ On peut distinguer la
consommation de masse d’objets par les individus et la consommation de biens communs
de l’ensemble d’une société sous forme d’infrastructures et de services.
+ La consommation de masse
est un moteur de l’économie.
+ Le numérique est en train
de changer les logiques de consommation des biens matériels, des services ou de
la culture. Ces nouvelles logiques reposent sur les flux plutôt que sur les
stocks. L’accès, via des abonnements et des réseaux, aux biens et services
remplace la propriété ; en particulier dans le domaine culturel :
films, musiques, savoirs sur Internet.
+ La démocratie, est le régime politique dans lequel le peuple
est souverain.
La démocratie est « le
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », selon la définition canonique introduite dans la
Constitution de 1958 de la Cinquième République française. Il n'existe pas
d’interprétation universellement admise de ce qu'est ou doit être la démocratie
dans la pratique.
+ De façon générale, un
gouvernement est dit démocratique par opposition aux systèmes monarchiques
d'une part, où le pouvoir est détenu par un seul, et d'autre part aux systèmes
oligarchiques, où le pouvoir est détenu par un groupe restreint d'individus.
Néanmoins, ces oppositions sont aujourd'hui contestables de par l'existence de
monarchies parlementaires. On peut aussi définir la démocratie par opposition à
la dictature ou tyrannie. En démocratie, le peuple a la possibilité de
contrôler ses dirigeants, et de les évincer sans devoir recourir à une
révolution.
+ La démocratie ne se réfère
pas uniquement à des formes de gouvernements, mais aussi désigne une forme de
société ayant pour valeur la liberté et l'égalité ainsi qu’un ensemble de
valeurs, d'idéaux et de principes politiques, sociaux ou culturels tels que les
droits de l’homme, la dignité humaine, le droit à la vie privée ou l’autonomie
du sujet.
+ Le terme de démocratie peut
aussi servir à qualifier le fonctionnement de tout corps ou organisation
sociale (organisme public ou privé, associations, entreprises). Démocratie
signifie alors que ce fonctionnement repose sur l'égalité des membres du
groupe, sur des procédures de délibérations, ou encore de votes et d'élections.
Ces définitions de la
consommation et de la démocratie laissent entrevoir de multiples interactions
entre ces deux phénomènes accompagnant l’histoire et le fonctionnement de nos
sociétés.
La société de consommation
+ C’est au 20è siècle que la
société de consommation de masse se développe en Amérique sous l’impulsion du fordisme. Pour que l’industrie marche, il faut que les ouvriers
puissent en consommer les produits. Cette consommation de masse se développe en
Europe dans les années 1950, au Japon en 1960, dans le reste du monde vers
1990. Les critiques se font entendre très tôt.
+ La consommation de masse
constitue les fonds de commerce et les logiques
industriels non seulement destinés au client particulier mais
aussi aux institutions. Des complexes industriels et des pans entiers de la
société vivent de la course en avant de la production et de la consommation de
biens et de services dans les domaines tel que le médical, le militaire, le
sécuritaire, le médiatique, le culturel, l’éducatif, le sportif, etc.
+ La consommation est le
moteur du commerce et de la production, ceux-ci les moteurs de la finance et de
la politique. Les Etats sont de moins en moins régis par la politique mais par
des forces économiques mondialisées. Des institutions internationales, la
« troïka » Commission européenne, BCE, FMI, ainsi que l’OMC, sont régulièrement accusées d’être au service
d’intérêts particuliers des acteurs économiques.
+ Dans nos démocraties, la
consommation fait l’objet d’un consensus implicite. Il devient impossible de vivre
en dehors du système de consommation. Le peuple est contrôlé par la
consommation. La boulimie de consommation est
un facteur de servitude
volontaire, concept déjà évoqué par la Boétie
(1530-1563). Cette boulimie n’est pas seulement celle des objets mais aussi des
symboles que ceux-ci représentent : marques de luxe, symboles
d’appartenance sociale ou de pouvoir.
+ Au-delà des besoins vitaux,
chacun d’entre nous est consommateur d’objets et de pratiques symboliques qui
traduisent son appartenance sociale et participent à son bien-être et son
confort intellectuel.
+ Le marché de l’immobilier
structure la géographie sociale engendrant ou renforçant exclusions,
communautarismes et clanismes.
+ Cette consommation
symbolique du soi est souvent narcissique et en particulier l’objet du
marketing des soins du corps, du développement personnel, du coaching, des
réseaux sociaux d’Internet et de leurs « selfies ». Le narcissisme à
la portée de chacun peut-il être considéré comme une avancée démocratique ?
+ L’ultralibéralisme économique, soutenu par des universitaires ou des prix Nobel de l’école de Chicago. constitue la religion dominante dans l’économie mondialisée, depuis,
dans les années 1990, la chute du communisme et de la bipolarité du monde. Sa
logique darwinienne promeut ou élimine les produits et services en fonction essentiellement
de leur rentabilité économique.
+ Les dérives et les menaces
de la société de consommation sont réelles et nécessitent des contre-pouvoirs
par des militants et des lanceurs d’alertes. Le marché
cependant fait partie de ces systèmes « diaboliques » qui se
renforcent grâce à leur opposition mais aussi en l’absence d’opposition. Les
associations de défense des consommateurs renforcent la consommation. Les
luttes contre le trafic de drogue, d’armes ou la délinquance financière
renforcent ces affairismes en « assainissant » ces marchés interlopes
en laissant survivre les plus puissants.
+ La recherche de l’efficacité
économique entraine la destruction de toute protection sociale, de tout
contrôle juridique selon une chronique du journal Le Monde du 9/5/2014 de
l’historien Tzvetan Todorov
(né en 1939). « Ce n’est plus le
peuple qui détient le pouvoir, mais les multinationales ».
+ Les fruits de la production-consommation
sont très inégalement répartis au sein des sociétés et dans le monde.
-
Selon le
mouvement OXFAM, la
fortune des 67 personnes les plus riches du monde est égale au revenu de la
moitié de l’humanité soit 3,5 milliards d’individus.
+ Les migrants dans le monde ont
été 220 millions en 2013, ils seront 405 millions en 2050. Les raisons
économiques des migrations sont prépondérantes. Selon l’ONG OWNI, plus de 14 000 réfugiés migrants sont
"morts aux frontières" de l'Europe depuis 1988, dont 10.000 noyés en
mer.
+
Les migrations intérieures des pays pour des raisons économiques engendrent le
développement des mégapoles et des bidonvilles parfois associés. Un milliard de personnes sur la
planète vivaient dans des bidonvilles en 2008 et les prévisions sont de deux
milliards pour 2030. L'Unicef estime qu'il y a plusieurs
dizaines de millions d’enfants des rues dans le monde.
+ L’impact environnemental de
la consommation humaine est considérable en termes de changement climatique et
d’extinction massive des espèces vivantes par les produits toxiques et la
destruction des habitats écologiques. Il semble impossible de donner à 7
milliards d’humains le mode de vie des pays développés. Ce mode de vie est
caractérisé par une consommation d’énergie par personne de 5 tep/an pour les
Européens et 10 tep/an pour les USA ainsi que le même poids en tonnes de
déchets dont 10 % sont écotoxiques.
+ L'empreinte écologique est un indicateur environnemental qui comptabilise la
pression exercée par les hommes envers les ressources naturelles et les
« services écologiques » fournis par la nature. Un Terrien moyen
avait besoin en 2006 de 1,4 planète pour soutenir la consommation de façon
durable en 2006. L'empreinte écologique mondiale a en fait dépassé la capacité
biologique de la Terre à produire nos ressources et absorber nos déchets depuis
le milieu des années 1980, ce qui signifie que l'on surconsomme déjà les
réserves en surexploitant les milieux naturels.
+ Ce mode de consommation tel
quel n’est pas soutenable en raison de l’épuisement inéluctable des matières
premières et des inégalités humaines engendrées par la logique du système
économique de consommation. Le GIEC (le Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat), sur la base d’une étude de la NASA envisage l’effondrement de l’humanité par suite du
creusement des inégalités et la destruction des écosystèmes. Ces deux facteurs
seraient les principales causes des chutes des empires égyptien, Sumer, romain
ou maya.
« L'ensemble des
actions ayant pour objectif de prévoir ou de constater, et le cas échéant, de
stimuler, susciter ou renouveler les besoins du consommateur, en telle
catégorie de produits et de services, et de réaliser l'adaptation continue de
l'appareil productif et de l'appareil commercial d'une entreprise aux besoins
ainsi déterminés. »
+ Les techniques du marketing
s’appliquent non seulement aux objets mais aussi aux idées voire aux profils
des hommes politiques soumis au suffrage électoral.
+ Les produits et services de
consommation de masse, du hamburger à la politique, génèrent de riches
oligarchies influentes qui se constituent en nomenclatures dominant la
politique, les médias, la culture ou la finance. Certains grands groupes de
presse et médias sont aux mains de gens étrangers à ces métiers.
+ Les NTI, Nouvelles Technologies de
l’Information sont issues de la
société de consommation de masse et renforcent celle-ci. Elles font émerger de
nouvelles formes de commerce, l’e-commerce, par exemple. Elles procurent de
formidables outils d’analyse des marchés, de profilage des consommateurs, de
mise à disposition de services, d’outils de gestion et de robotisation de la fabrication des
objets. Elles constituent une révolution anthropologique de l’humanité entière
qui devrait interpeler les philosophes.
Internet, entrainant de fait
la dérégulation de la masse considérable d’informations échappant ainsi aux
censeurs, constitue un progrès démocratique. On pourrait supposer que la
multiplication des sources d’information peut faire émerger davantage de raison
et de vérité et moins de croyances. Cependant des minorités militantes
hyperactives ou des lobbys maitrisant bien les techniques disposent d’un
puissant moyen de biaiser la vérité, par des rumeurs, par des pseudosciences,
des théories du complot, du populisme. Des contrevérités ou des futilités
peuvent facilement occuper l’espace médiatique voire les consciences
collectives. Au-delà d’une masse critique de croyants, une contrevérité ou une
futilité deviennent dogmes par réactions en chaines. Ce phénomène de
manipulation de masse cependant n’est pas nouveau.
Les NTI sont l’objet de
nouvelles boulimies tant des individus que des Etats. La NSA,
l’agence nationale de sécurité américaine, qui emploie 40.000 personnes et
utilise les plus puissants ordinateurs, intercepte chaque jour 20 milliards de
messages dans le monde.
+ La consommation, base de la
puissance économique, entraine avec elle la puissance politique et culturelle.
Les Etats-Unis en sont l’exemple. La consommation des produits et services tels
qu’Apple, Microsoft, Google, Google
Maps, Skype, Facebook, Twitter, Amazon, le cloud computing (informatique
en nuage), le GPS et
autres met le monde entier sous la dépendance et la vassalisation de
l’Amérique. Il faut reconnaître que ces produits et services, qui ont tous des
intérêts géostratégiques pour l’Etat américain, sont conçus et exploités avec
une grande intelligence de sorte que le monde presque entier les adopte volontairement
sans trop d’hésitation. Il est intéressant de noter que l’Europe a perdu la
main dans ces domaines stratégiques. Pourquoi ? That is the
question ! Un rapport du Sénat français parle de l’Europe comme d’une « colonie du monde numérique », un
député allemand a dénoncé
« l’occupation numérique des Américains ».
+ Les citoyens prennent
progressivement conscience des intrusions étatiques massives dans leur vie
privée par la consommation incontournable de services informatiques. Edward
Snowden (né en 1983), le lanceur d’alerte considéré
comme un traitre et un délinquant, restera peut-être dans l’histoire comme un
héros de la défense de droits humains fondamentaux.
+ Les produits
dérivés financiers sont des
produits de consommation financière dont le développement s’est accentué depuis
1980. Ils représentent aujourd’hui 770.000 milliards de dollars de transactions
par an pour lesquels la taxe Tobin
est en cours de discussion. La complexité des mécanismes en jeu en fait un
outil d’experts et d’aigrefins. Ils sont à l’origine de la crise financière de
2008, dont le contrôle échappe largement aux instances démocratiques.
Quelques auteurs et courants de la critique de la
société de consommation.
+ Critiques
situationnistes. : L’Internationale situationniste (IS) était une
organisation révolutionnaire créée en 1957, désireuse d'en finir avec la
société de classes et la dictature de la marchandise. Puis l'IS s'est orientée
vers une critique de la société du spectacle, ou société «
spectaculaire-marchande». Guy Debord y
développe une théorie de la spectacularisation de la société qui se trouve par
là-même vidée de tout contenu. « Le
spectacle est la religion de la marchandise ».
De nos jours, plusieurs
organisations du mouvement altermondialiste puisent une partie de leurs idées dans la philosophie
situationniste. Des groupes comme Antipub ou
des écrivains comme Naomi Klein (née en 1970) affirment s'inspirer des écrivains
situationnistes
+ Critiques réformistes : Galbraith (1908-2006)
Economiste américain, se situant parmi les keynésiens de gauche, Galbraith
critique la théorie néo-classique de la firme, la souveraineté du consommateur
ainsi que le rôle autorégulateur du marché.
+ Critique morale : (Jacques Ellul
(1912-1994) professeur et théologien protestant marxisant.
Il démystifie le communisme :
« Dans l’État communiste, l’homme ne
reçoit pour idéal que la production économique et son accroissement. Toute
liberté individuelle est supprimée pour la production sociale. Tout le bonheur
de l’homme est résumé en deux termes: d’une part “produire plus”, d’autre part
le confort ».
« Dans l'État capitaliste, l'homme est moins opprimé
par les puissances financières que par un idéal bourgeois de confort, de
sécurité et d'assurance. (...) C'est cet idéal qui donne leur importance aux
puissances financières. »
« L'organisation industrielle, comme la «
post-industrielle », comme la société technicienne ou informatisée, ne sont pas
des systèmes destinés à produire ni des biens de consommation, ni du bien-être,
ni une amélioration de la vie des gens, mais uniquement à produire du profit.
Exclusivement. »
« La liberté-prétexte est le fondement de toute
notre société, c’est celle du libéralisme économique, qui autorise le plus fort
à écraser autrui, et celle du libéralisme politique, qui permet à la classe
bourgeoise de justifier sa domination sur la classe ouvrière. »
« Je ne veux pas dire que Dieu interviendra
directement sur la technique, comme à la Tour de Babel, pour la faire échouer.
Mais c'est avec l'appui de la révélation du Dieu biblique que l'homme peut
retrouver une lucidité, un courage et une espérance qui lui permettent
d'intervenir sur la technique. Sans cela, il ne peut que se laisser aller au
désespoir. »
+ Critiques écologistes : (Ralph
Nader (né en 1934) homme politique
américain et candidat présidentiel en tant qu'écologiste, il milite pour
l'agriculture biologique et la protection de l’environnement face au
tout-économique.
+ Critiques « radicales » : Ivan
Illich (1926-2002), prêtre catholique
et penseur de l'écologie politique est une figure importante de la critique de
la société industrielle. A
partir du moment où la société industrielle, par souci d'efficacité,
institutionnalise un moyen (outil, mécanisme, organisme) afin d'atteindre un
but, ce moyen tend à croitre jusqu'à dépasser un seuil où il devient dysfonctionnel
et nuit au but qu'il est censé servir. Ainsi l'automobile nuit au transport,
l'école nuit à l'éducation et la médecine nuit à la santé. L'institution
devient alors contre-productive en plus d'aliéner l'être humain et la société
dans son ensemble.
«Lorsqu'une activité
outillée dépasse un seuil défini par l'échelle ad hoc, elle se retourne d'abord
contre sa fin, puis menace de destruction le corps social tout entier»
(Il décède en 2002 des suites
d'une tumeur qu'il a volontairement choisi d'assumer jusqu'au bout sans vouloir
l'opérer, considérant que les cancers étaient un exemple de maladie traitée de
manière contre-productive, par la médecine ; « le patient meurt de guérir ». Il aura survécu vingt
ans avec sa tumeur.)
+ Critiques philosophiques : Jean Baudrillard (1929-2007)
philosophe français. Ses thèses présentent une critique de La
Société de consommation (1970) et
du « système des objets ». Il reprend la critique de la société
du spectacle entamée par Guy Debord ;
celle-ci repose sur l'analyse de la « disparition du réel », auquel
se substitue une série de simulacres qui ne cessent de s'auto-engendrer. « La séduction représente la maîtrise
de l'univers symbolique, alors que le pouvoir ne représente que la maîtrise de
l'univers réel. »
La consommation
de masse. Dans cette approche, la consommation n’est plus, pour chaque
individu, le moyen de satisfaire ses besoins (théorie
des besoins) mais plutôt de se
différencier.
+ Critiques de la finance
-
ATTAC :
La mondialisation financière a créé son propre État, avec ses appareils, ses
réseaux d'influence et ses moyens d'actions, mais c'est un État complètement
dégagé de toute société, elle désorganise les économies nationales, méprise les
principes démocratiques qui les fonde, presse les États à s'endetter, exige des
entreprises qu'elles leur reversent des dividendes de plus en plus élevés, et
fait régner partout l'insécurité. ATTAC propose d'établir une taxe sur toutes
les transactions financières, la taxe Tobin.
-
Naomi
Klein (journaliste canadienne née en
1970) : « Au cœur des
enseignements sacrés de l'école de
Chicago figurait la conviction suivante : les forces
économiques - l'offre et la demande, l'inflation et le chômage - s'apparentent
aux forces de la nature, fixes et immuables. Au sein du libre marché absolu
imaginé dans les cours et les manuels de l'école de Chicago, ces forces sont en
équilibre parfait, l'offre influant sur la demande à la manière dont la Lune
attire les marées. »
-
Joseph Stiglitz, (né en 1943), économiste américain, prix Nobel d’économie en 2001
parle de « fondamentalisme
marchand ».
-
Jérôme Kerviel
ancien trader de la Société Générale condamné pour fraude, revenant de Rome à
pied après une entrevue avec le Pape François, (aujourd’hui en prison) déclare
au « Monde des Religions » en
mai 2014 : « il faudrait
vraiment enseigner l’éthique aux étudiants en finance » ; « il faut en premier lieu déjà
appliquer les règles qui existent » ; «
je croise régulièrement des traders. Ils me disent que rien n’a changé et que
c’est au contraire reparti de plus belle »
-
« Le Loup de Wall Street » : est un film à succès de Martin Scorsese
de 2013 illustrant les excès de la finance. « Certains
s’amuseront peut-être que l’Amérique du cinéma récupère le thème de la critique
du capitalisme pour en faire un produit commercial parmi d’autres, comme s’il y
avait un marché de l’antimarché ».
-
« Deux jours et une nuit » : le récent film de Jean-Pierre et Luc Dardenne
stigmatise le capitalisme cynique et engoncé dans ses propres règles du jeu. La
violence aveugle de ce capitalisme jette des pans entiers de la population dans
la précarité et la peur permanente du déclassement social. Sandra, l’héroïne de
ce film, par la prise en main de son destin, semble réussir à surmonter sa
dépression et à ressouder des liens de solidarité que l’entreprise a détruits.
Ce film fait aussi apparaitre combien la consommation détermine le classement
social et à laquelle il est pratiquement impossible d’échapper.
-
« Maps to the Stars », le dernier film de Cronenberg emporte le spectateur dans l’abîme du
cynisme hollywoodien, qui se contemple et se consomme narcissiquement dans son
luxe effréné, ses réseaux et ses vanités jusqu’à la folie meurtrière. Ce film,
comme « Le Loup de Wall Street » qui dénonce la perversité du
tout-argent, en est une mise en abyme. Cronenberg s’enrichit en argent et en
notoriété hollywoodienne en dénonçant cet univers qui indigne et fascine le
spectateur, spectateur qui contribue à son tour à la pérennité de ce monde
artificiel.
Critique de la critique de la consommation
+ La critique de la société
de consommation est souvent militante, utopique et parfois hypocrite. Le
discours est parfois éloigné de la manière de vivre de celui qui le produit.
+ Le capital social
(éducation, santé, services publics) et le capital culturel (sciences,
recherche internationale, arts, littérature) sont directement et indirectement
liés à la consommation de biens et de services.
+ La plupart d’entre nous
n’ont probablement pas vécu ou simplement aperçu la précarité qui touche des
sociétés entières où la consommation des produits de première nécessité est un
problème quotidien : approvisionnement d’aliments, de médicaments,
services publics déficients, etc. Les déficiences des systèmes de consommation
entrainent la prolifération de systèmes maffieux. Le recours à l’économie
souterraine devient un facteur de survie.
+ La critique radicale de la
consommation relève de l’utopie car l’humanité ne fera jamais marche arrière,
du moins volontairement, dans cette course en avant du toujours plus de
« bien-être ». Même si cette course conduit souvent au
« mal-être ».
+ L’empire de la consommation
devrait être capable de s’adapter à ses propres engendrements. Sinon, comme
tous les empires, il mourra de sa propre logique interne par l’épuisement des
ressources et par la part grandissante des ressources nécessaires pour faire
face à ses effets pervers tels que la révolte des exclus.
+ La consommation
ostentatoire régule l’ordre social. « Tant
que les riches s’amuseront, les pauvres auront du travail et à manger », dit,
parait-il, un proverbe russe.
+ Les régulations sociales du
passé basées sur la religion ou le patriotisme n’ont pas été sans défaut non
plus quant au respect des valeurs démocratiques. Loin s’en faut.
+ La Bible fait allusion 2804
fois à l’argent, 215 fois à la foi, 208 fois au salut. (Le Monde des Religions,
mai 2014).
+ Il convient de reconnaître
les bienfaits en termes de valeurs démocratiques et humaines de la
consommation-production de biens et de services. L’utilisation de l’énergie
mécanique a libéré des pans entiers de la population de la vente de leur force
physique, voire de l’esclavage ou du servage. Elle a notamment contribué à
l’évolution
du statut de la femme dans nos sociétés. La diffusion des biens
culturels et de l’éducation s’appuie sur des infrastructures, des objets et sur
leur marchandisation. La plupart des journaux, acteurs majeurs de la
démocratie, vivent de la publicité et souvent de produits de luxe, symboles de
la futilité pour certains. L’industrie du luxe, (5.000 PME-PMI et TPE
françaises qui travaillent dans le secteur de la mode et du luxe) des voyages
d’agrément ou en première classe, des sports, etc. participe au bien-être de
ceux qui en bénéficient, aux rêves de ceux qui les désirent et fournit du
travail à des milliers de citoyens. (Un billet d’avion transatlantique en
première classe coûte 9000 euros et 300 euros en low cost).
+ La complexification de
notre société humaine est inscrite dans ses gènes ; elle ne pourra pas se
passer de ressources énergétiques croissantes. Selon l’astrophysicien Eric Chaisson,
le cosmos en général et notre société humaine en particulier va irrémédiablement
vers une complexité et une production d’information croissantes. Cette
complexité demande une énergie exponentiellement croissante. E. Chaisson a
calculé, par exemple, que notre cerveau est traversé par un flux d’énergie en
erg/seconde/gramme 100.000 fois supérieur à celui du soleil et nos ordinateurs
un milliard de fois plus. Notre système économique permet la mise à disposition
de l’énergie indispensable à la complexification de notre monde et de la
civilisation.
Les voies du progrès
+ La civilisation humaine
mondialisée devrait se fixer comme objectifs de réduire les inégalités, de préserver
l’environnement, de développer des modes de fonctionnement économes de
ressources et d’énergie tout en ne renonçant pas à la complexification de la
culture.
+ La démocratie est l’affaire
de citoyens prenant conscience des influences qu’ils subissent et de la
possibilité de s’y soustraire. La dignité de la personne est de pouvoir assumer
ses besoins fondamentaux de nourriture, de logement, de sécurité et
d’instruction, mais également de gérer raisonnablement le surplus utile au
bien-être. « Un minimum de
bien-être est nécessaire à la pratique de la vertu » , disait,
parait-il, Saint Thomas d’Aquin.
+ Le défi de l’humanité est
de maîtriser le système des objets. Ce système fonctionne selon sa propre
logique et a tendance à échapper au contrôle des hommes. La logique du marché
des objets est fondamentalement darwinienne ; elle favorise les forts et
maintien les autres au seuil de la survie en s’en servant comme d’un moyen et
non comme d’une fin. Cette maîtrise passe par le comportement individuel du
citoyen, du bas vers le haut, et par l’intervention des institutions d’Etat et
de la société civile, du haut vers le bas.
+ Agissons, pendant que le Big
Brother , chef d’orchestre de la
consommation, laisse encore quelques espaces de liberté.
ooooooooooooooooo
Conclusion de Catherine Delaunay
Ce sujet tel qu'il est posé,
présuppose que notre bien le plus précieux c'est la démocratie, et que la
consommation constitue un mal, qui corrompt ce qui nous est le plus cher. A
bien faire, il aurait fallu exercer notre réflexion critique en nous
interrogeant sur l'état de nos démocraties. Ces dernières ne se portent pas
bien, elles accusent des dysfonctionnements, comme le chômage, la corruption,
la faiblesse de la croissance et de la prospérité, l'exclusion des laissés pour
compte, etc.
Ce serait un sujet en soi que
de se demander si la démocratie est un modèle indépassable.
Nous l'avons donc laissé de
côté et comme la démocratie risque toujours d'être piétinée par les dictatures,
nous avons considéré que c'est tout de même le meilleur des régimes en place.
Comme gouvernement du peuple par le peuple c'est un Etat de droit qui poursuit
les idéaux de liberté, égalité, sécurité, tolérance, solidarité, fraternité.
C'est par rapport à ces idéaux que nous nous sommes demandé si la consommation
produit des effets pervers sur la démocratie.
La problématique a consisté à
mettre en parallèle un certain modèle économique de satisfaction des besoins,
qui met au premier rang la consommation avec un modèle politique, la démocratie
indirecte parlementaire, avec ses mécanismes et ses valeurs.
Est ce que la place
considérable prise par la consommation sur le plan économique a des effets désastreux
sur le plan politique au niveau des institutions ? Ou encore, est ce que
le consommateur n'altère pas le citoyen que nous sommes censés être ?
Cette consommation prend
place dans une société de consommation, qui est née après la deuxième guerre
mondiale : les Américains se trouvaient face à un problème de
surproduction. De manière systématique et délibérée, ils ont entrepris de
susciter des désirs, des envies, des appétits, bien au delà des besoins stricts
et usuels pour que les simples consommateurs deviennent insatiables.
Cette politique de l'offre articulée à l'innovation technologique et à
l'inventivité illimitée en matière de communication, a été le moteur du
développement économique des trente glorieuses. Ce modèle fonctionne encore
aujourd'hui. La société de consommation est une société d'abondance de biens où
l'on fait miroiter que l'on peut acquérir, posséder et utiliser sans limites
les produits matériels et culturels en fonction de nos désirs illimités et en
faisant croire que l'on peut s'accomplir, se réaliser, à travers la jouissance
de ces biens, créés de toute pièce par le marketing et la publicité, alors que
seront engendrées des frustrations considérables si nous sommes privés de ces
biens.
Après ces préliminaires on
peut affirmer :
1)
Que la
consommation fonctionne comme un système en soi, un système total,
englobant, qui désigne non seulement un processus économique de satisfaction
des besoins, mais aussi un modèle d'existence et de relations. Autrement dit,
toute notre vie est influencée et déterminée par ce modèle de consommation.
2)
Or, dans ce
modèle toute notre existence s'investit et se polarise sur le monde des
objets, sur le monde matériel : dans notre désir effréné
d'appropriation, nous existons de plus en plus dans notre relation aux choses,
nous existons à travers ce que nous consommons, nous risquons de nous y isoler.
Or ce qui nous humanise, c'est la relation aux autres êtres humains. La
démocratie c'est un style de vie où le rapport à l'autre est essentiel.
3)
On constate que
la consommation devient une fin en soi alors qu'elle ne devrait être
qu'un moyen. La relation aux choses instrumentalise la relation aux autres et
dans ces conditions,
4)
L'être humain
devient lui même un bien de consommation comme un autre, que l'on peut
jeter quand il ne convient plus, que ce soit dans l'entreprise, dans la vie de
couple, ou dans la vie familiale ; lorsque l'on pousse les enfants dehors
à peine majeurs ou que l'on place le vieillard trop encombrant.
5)
Certes ce modèle
a participé un temps au progrès, à la croissance, à
l'augmentation d'un bien être généralisé qui a profité à l'ensemble de la
population. Certes, ce modèle concourt à notre désir de confort. Certes ce
modèle a accru la liberté de choix jusqu'à l'excès (trop de choix génère de
l'hésitation, du stress, et de la perte de temps parfois). Certes ce modèle a
contribué à l'établissement des démocraties dans de nombreux pays car
les historiens ont montré que le bien être constitue un moteur favorable aux
démocraties.
6)
Néanmoins,
aujourd'hui ce modèle accuse beaucoup de ratés et des effets pervers sur
le fonctionnement de la démocratie.
a) au niveau de la liberté
on nous fait croire que nous pouvons tout acheter mais nous sommes limités
économiquement et d'autre part la publicité dès le plus jeune âge influence
voire conditionne le jugement si ce dernier n'est pas éduqué à l'esprit
critique et n'a pas appris à réguler et à maîtriser ses désirs.
b) au niveau de l'égalité,
la société de consommation accroit la précarité et les disparités sociales, les
mécanismes d'exclusion et de marginalisation. Le sociologue Baudrillard a
montré que les inégalités se reproduisent inexorablement, même au sein d'une
société dite d'abondance. Et même si des individus de classe sociale différente
possèdent une même télévision ou les mêmes livres de poche, la sociologie
montre qu'ils n'en font pas le même usage et que les inégalités interfèrent
dans la pratique et dans l'utilisation des objets consommés.
c) au niveau de la fraternité,
de la solidarité, on constate qu'une véritable lutte pour s'accaparer les
biens, entraine une certaine violence : la profusion des biens aiguise les
appétits, la convoitise, (voir les soldes où les gens se battent).
d) Le citoyen, sujet de
droits et de devoirs, membre de la communauté politique, appelé à
s'exprimer par le suffrage universel, et à participer à la chose publique, se
délite en simple consommateur. Il se désintéresse de la chose publique,
s'abstient de voter (élections européennes) et il en vient même à considérer la
chose publique elle même comme un bien de consommation dont il peut user et
abuser : par exemple il revendique des droits de complaisance sans limites
comme le droit au bonheur, le droit à l'enfant, le droit au silence, le droit
au beau temps pendant ses vacances. Il revendique aussi des prestations
sociales là encore de plus en plus nombreuses. Ce qui est autorisé devient un
dû. Par exemple certains prennent systématiquement leurs « jours de
maladie ».
Le citoyen ne se vit plus
comme « redevable », mais comme un « ayant droit », tout
lui est dû, il veut de nouvelles protections, de nouveaux services de la part
de l'Etat, lui même ne se sent plus responsable mais veut être pris en charge.
Il faut tout de même signaler notre ambivalence à l'égard de cette société de consommation.
Nous sommes conscients de ses
dangers, de ses limites, et en même temps nous ne sommes peut être par prêts à
restreindre nos besoins et nos désirs. C'est là tout le tragique de notre
situation.
ooooooooooooooooo
Propos entendus
-
Il est nécessaire
de s’auto-limiter.
-
Le marketing est
diabolique.
-
Nous gagnons en
liberté et en sécurité, mais l’égalité est perdante.
-
Notre façon de
consommer a changé, elle devient active. Le consommateur est davantage
conscient.
-
Les Restos du
cœur distribuent 130 millions de repas par an en France.
-
Il y a profusion
de bien mais une mauvaise répartition.
-
Avec la crise, en Espagne beaucoup de gens ont été
expulsés de leur appartement. Le marketing a mal fonctionné.
-
La consommation
répond avant tout à un désir. Chacun est acteur de sa consommation. Un besoin
n’est jamais inutile.
-
Les responsables
du marketing s’inspirent des techniques de propagande de Goebbels d’aliénation
et de transformation de la pensée.
-
Le marketing
promeut des produits dangereux. Il est pervers par essence.
-
Soyons plus
intelligents que les pervers.
-
Le besoin n’est
pas nécessaire pour consommer.
-
Les grands médias
ne donnent pas d’information sur la consommation.
-
Une fois le
besoin créé, il est difficile de s’en défaire.
-
Aux USA, on
conditionne les petites filles pour en faire des « miss ». On détruit
l’image de la femme.
-
Il y a du chômage
parce qu’il n’y a pas assez de consommation.
-
Le système
économique est complexe. Il n’y a pas de recette miracle.
-
Un progrès en
remplace un autre.
-
Aujourd’hui le
citoyen peut influencer les produits qu’il consomme.
-
Les entreprises
ont des programmes de RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale).
-
La RSE c’est de
la poudre aux yeux, un vernis. Dès qu’elle pose problème les entreprises la
contournent.
-
On ne peut pas
mettre démocratie et consommation sur le même plan.
-
Avec la
cigarette, on ne vend pas de l’addiction mais de la liberté.
-
En France 8,2
millions de gens vivent avec 920 euros par mois.
-
Il faut être
capable de digérer l’information.
-
Le marketing
stimule le cerveau droit du plaisir.
-
Je rêve d’un
marketing humaniste et égalitaire.
-
La consommation
de l’information améliore la consommation.
-
Le sujet de ce
café philo n’est pas un sujet de philo.
Le marketing, c’est fait pour gagner de l’argent.
-
« L’esprit
qui n’est pas libre ignore sa prison ».
-
La liberté se
conquiert. Elle fait appel à la responsabilité de chacun.
-
Pourquoi y a-t-il
tant d’obèse ? Aujourd’hui les riches sont sveltes et les pauvres obèses.
-
De plus en plus
de gens cherchent à sortir du système. Le pouvoir des supermarchés est en
baisse.
-
Il est plus ou
moins facile d’agir selon les professions.
-
Le bien-être est
un objectif de la démocratie. Mais il existe une hypertrophie du bien-être.
Cela dépend de la culture individuelle. En démocratie on peut acheter avec responsabilité.
-
Pour équilibrer
le cerveau droit et gauche, il faut des valeurs, il faut une éducation à la
consommation.
-
On a vu à la télé
que des jus de fruits ont été transportés dans des fûts ayant contenu des
produits toxiques.
-
Il faut contrer
les abus des lobbys.
-
Nous ne sommes
pas en démocratie. Lorsque le peuple vote contre certain traité européen, celui
–ci revient par une porte dérobée. Nous vivons en ploutocratie.
-
La démocratie
n’est pas perturbée par la consommation. La démocratie est un rêve, la
consommation aussi.
-
Les
mécanismes économiques sont très
compliqués. Il y a des effets de bord qui posent problème pour la démocratie,
par exemple la pression sociale exercée sur les enfants.
-
Il y a trop de
résignation. Il reste des marges de manœuvre. Je reste indignée.
-
La consommation
annihile le citoyen, elle porte atteinte aux droits de l’homme. Tf1 achète du
temps de cerveau disponible. Quelle société veut-on ?
-
Je consomme mes
propres productions.
-
Le système est
pervers. Les ressources ne pas illimitées. Les responsables marketing finissent
dirigeants de multinationales plus puissantes que les Etats. Ils s’opposent aux
réformes.
-
Je suis gênée par
le langage du marketing : « se faire plaisir », « je le vaux
bien », etc. On se laisse aller.
-
Il reste des
actes citoyens.
-
On critique le
marketing, mais on achète quand même. C’est la demande qui doit guider le
marketing et non l’offre.
-
L’offre et la
demande, c’est comme l’œuf et la poule.
-
L’homme doit
maîtriser le système des objets.
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