samedi 30 mars 2013
Compte rendu du café philo du 28 mars 2013
Nous
étions 29 participants à ce café philo du vendredi 29 mars 2013 au centre
culturel de Bouffémont (Val d’Oise) pour débattre du thème « La compétition est-elle le seul moyen de se
dépasser ? » La séance était préparée et animée par Catherine
Delaunay, Danielle Roslagadec et Pierre Haller.
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La compétition est-elle une composante idéologique au
service d’ l’ordre social ou bien est-elle inscrite dans la nature ?
La compétition relève de la société, tandis que le
dépassement semble concerner plutôt l’individu.
La compétition s’exerce dans de nombreux domaines : les
idées, les égalités. On parle d’égalité des chances lorsque tout le monde peut concourir.
La compétition donnerait une chance égale de devenir inégal.
Le dépassement permet de changer de plan, d’ordre, de
paradigme. Pascal
(1623-1662) considère trois ordres : la chair, l’esprit et le cœur. Le dépassement consisterait à
intégrer ces trois ordres dans le comportement et l’action. Pour Nietzsche (1844-1900) se
dépasser, c’est construire ses propres valeurs. Les textes du christianisme proposent une éthique de
bienveillance envers autrui et de pauvreté. Gandhi (1869-1944) a été un
théoricien de la résistance à l'oppression à l'aide de la désobéissance civile
de masse fondée sur la non-violence. Il a contribué à conduire l'Inde à
l'indépendance.
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Texte de Danielle
Roslagadec
Qu’est ce que la
compétition ?
• Recherche
simultanée par deux ou plusieurs personnes
d’un même poste, d’un même titre ou d’un même avantage (Larousse)
• Epreuve
sportive opposant 2 ou plusieurs concurrents ou plusieurs équipes (Larousse)
championnat, coupe, critérium, match dont découle l’esprit de compétition
• Concours,
concurrence, conflit, rivalité
• Mise en
concurrence marchande ou économique dont découle le terme de compétitivité
Qu’est-ce que se
dépasser ?
• Progression,
évolution, être plus, faire plus
que, aller au-delà de l’attendu, au-delà
du possible ou de l’imaginable, au-delà des limites
• L’emporter
sur quelque chose, sur quelqu’un ou sur
soi même
• Réussir ce
qui était inaccessible, aller parfois jusqu’à se surpasser
• Ou tout
simplement se révéler à soi même et aux autres ?
La compétition est elle un moteur de progression et de
dépassement?
Oui, pour les adeptes, c’est incontestable par l’émulation
qu’elle suscite.
La compétition est non seulement inhérente à la vie mais
c’est un important moteur de croissance.
Elle peut aussi se transformer en inspiration et en stimulation, c’est
l’incitation à progresser pour battre l’autre, le dépasser qui est moteur pour
aller toujours plus haut, plus vite, plus fort.
L'interaction intense que provoque une émulation entre
partenaires égaux permet à chacun de dépasser ses limites habituelles. Chacun
apporte à l'autre une inspiration nouvelle à travers ses efforts pour le
dépasser et tous deux en sortent grandis.
La compétition c’est l'expression naturelle du désir
d'exceller. C’est une des façons importantes de concrétiser le désir
d'épanouissement. Elle aide l'enfant à grandir, elle contribue chez l'adulte à
la création de nouvelles ressources et elle permet à l'espèce de s'adapter et
de survivre lorsque les conditions deviennent difficiles.
Mais, la conception même de l’excellence est partagée :
• Pour Homère:
c’est la grandeur, la gloire, la vertu morale.
• Pour
Aristote: c’est la juste mesure, la sagesse
Pour les détracteurs, non, ce n’est pas une source de
dépassement, car elle entraîne des excès, des perversions, des tricheries,
voire des souffrances.
La rivalité
semble aujourd’hui remise en question, tant par les scientifiques, que dans le
sport, et même dans le monde du travail.
Dans sa théorie de l’évolution Darwin lui-même dit que la
sélection naturelle n’est pas la voie exclusive de transformation de l’espèce.
3 exemples d’observation scientifique qui mettent en doute
l’idée que la compétition permette à l’espèce de s’adapter et de survivre dans
les conditions difficiles :
• Chez l'humain : Dans le cerveau les
zones de la récompense seraient stimulées par les plaisirs artistiques,
musicaux etc.. ainsi que dans les situations de coopération. Alors que les
zones du dégoût elles, seraient activées face à l'injustice, et dans les
situations de compétition.
Des scientifiques ont mis en évidence que ce que nous
croyions la grande compétition à l’origine de toutes nos vies, c. à d. la
course des spermatozoïdes qui donne gagnant le plus rapide, le
meilleur, le plus vigoureux est
aujourd’hui ébranlée par l’observation faite que certains (peut être plus
courtois) cèdent le passage et que d’autres (solidaires) feraient la courte
échelle.
• Dans le monde végétal : Lorsque les
grands arbres empêchent les petits d’émerger, on a découvert que leurs racines
sont interconnectées par des Mycéliums qui leur permettent de communiquer entre
eux et mieux, de transférer des nutriments aux plus jeunes…
• Dans le monde animal : Chez les
primates, on a observé que des macaques, soumis au choix entre « manger, mais
faire souffrir un congénère », ou s’abstenir de manger, choisiront
l’abstention.
Pour Albert Jacquard : La compétition,
c'est « je ». Je cours contre vous, vous courez plus vite que moi. Cela me
désole. Comme je veux arriver premier, j'emploie tous les moyens, y compris la
tricherie. C'est vouloir vaincre et l'emporter sur l'autre.
L'émulation, c'est je cours avec vous, vous arrivez plus
vite que moi et loin d'en être désolé, j'en suis tout heureux car vous avez des
leçons à me donner sur ma façon de courir. C'est être content d'être dépassé
par l'autre dans l'espoir qu'il vous ouvre des possibilités nouvelles. C'est
l'exact opposé de la compétition.
Quels sont les domaines où nous pouvons observer les effets
de la compétition sur le dépassement de soi ?
• Au cours des
études, examens, classements,
concours, évaluations.
La réussite scolaire et plus tard la réussite sociale sont
souvent définies en terme de performance, de prestige méritocratique. Encore
que la dernière ait tendance à être
doublée par les richesses matérielles au mépris des richesses
intérieures.
• Combats, Conflits, les rivalités.
La rivalité a jalonné l'évolution humaine. Dans la compétition c’est l'action qui occupe toute
la place dans le cerveau. La conscience passe
au second rôle. Les choses alors
s'accélèrent et s'affolent comme dans n'importe quel combat. Ce fut le cas à
l'époque des grandes conquêtes de la renaissance. Ce fut également le cas pour
l'ère industrielle du XIXe siècle. De nouvelles puissances en compétitions, un
marché plus ouvert avec peu de contraintes. L’apothéose étant la mondialisation
et l’état d’urgence permanent auquel nous sommes soumis.
• Sport
Encore selon Albert Jacquard : la compétition n’est pas
constitutive du sport. Ce mot anglais signifierait qu'il s'agit de s'améliorer
soi-même tout au long de la vie.
Pour certains historiens, les coureurs ou les sportifs Grecs
de l’antiquité essayaient de donner le meilleur d'eux-mêmes. Il n'apparaît pas
évident qu'ils allaient jusqu'à employer les moyens de tricher, comme c'est
devenu courant dans l'approche du sport contemporain. L'enjeu de civilisation
contenu dans les jeux grecs était supérieur. Il visait à éviter la guerre. La
vraie finalité n'était pas d'être le premier, le meilleur, mais de participer à
la paix.
Au-delà du dopage, et des tricheries auxquels nous assistons
aujourd’hui, le sport peut devenir aussi une drogue, un comportement
pathologique. L’addiction à l’effort fabrique des endorphines et provoque des
sensations de plaisir mais aussi des souffrances.
• Travail
De nos jours dans
l’entreprise : la compétition est fortement présente, non seulement dans
la gestion économique et la concurrence entre sociétés, mais aussi à
l’intérieur même, par l’évaluation des salariés, les nouvelles techniques de management comme le benchmarker : c’est le point de
référence, l’évaluation comparative qui permet d’étalonner. Ce concept est né
dans les années 80 dans la société Xérox aux EU pour concurrencer les japonais
qui avaient eux même déjà un mot (dantotsu) pour dire le meilleur des
meilleurs.
La concurrence, la confrontation permanente, la course à la
réussite, la compétition y semblent autant d’obstacles à l’ « humanité » des
rapports interpersonnels et entraîne, la souffrance au travail, la dépression,
voire le suicide.
• La compétition fiscale est aujourd’hui
mise en scène avec les évènements Chypriotes, grecques, espagnole et ce n’est hélas sans doute pas
terminé.
• Dans les jeux bien sûr puisqu’il s’agit là
de gagner et de l’emporter sur les autres. On voit de plus en plus dans les
médias se multiplier les occasions de se mesurer aux autres (sport, culture, le
people, le domaine culinaire est devenu très à la mode…etc…) sans parler des
situations extrêmes qui ont fait l’actualité des jours derniers.
Existe- t-il d’autres
moyens de se dépasser ?
• Connaissance de soi, autonomie,
émancipation.
Ne pas chercher à être meilleur que l'autre, mais à 'être
meilleur que moi-même, pour cela je dois me connaitre et connaitre mes limites.
Ne pas m’opposer aux autres mais m’enrichir de ce que je peux échanger avec
eux.
• L’art, la créativité, l’imaginaire.
On peut considérer
que le but d'une vie d’humain, c'est de se créer, d’inventer, de
construire.
Les plus grands artistes ne sont pas les gagnants d’un
concours ou d’une course. Ils inventent, c’est le regard de l’autre sur l’œuvre
qui les reconnait comme talentueux. C’est le regardeur qui est touché par
l’œuvre.
Bien que, là aussi des perversions s’insinuent puisque dans
notre société contemporaine, désormais le marché de l’art s’interpose entre les
deux et fausse les repères et les appréciations.
• Dans le travail par la coopération, le
partage, l’entraide, les gestes qui
préservent ou sauvent. L'esprit de partage n’est pas compatible avec la
compétition. Est-ce que nous nous dépassons
plus dans l’adversité que dans la
coopération ?
• Dans le sport Il est possible
substituer au culte de la performance la notion de beau jeu. Il suffit de
changer les règles. Cette confusion entre sport et compétition a été exacerbée
par la société d'aujourd'hui, qui ne cherche de source de dépassement de
soi-même qu'à travers la confrontation avec l'autre. On peut se sentir meilleur
que l'autre mais ne pas en faire le moteur de toute notre activité.
Bernard
Moitessier (1925-1994) qui, en 1968, était arrivé premier d’une course en
solitaire, mais avait refusé de franchir la ligne d'arrivée du vainqueur. Les
courses à la voile, sont d’ailleurs les rares épreuves qui nous font admirer le
dernier presqu’au même titre que le vainqueur. C’est sans doute les qualités
des concurrents, la compétence, l’endurance, la persévérance, la passion qui
sont admirées plus encore que la performance.
La marche, ou
toute autre épreuve choisie, solitaire ou collective qui invite à aller au-delà
de ce que l’on pouvait imaginer. De multiples exemples de marcheur : Théodore
Monod a pu traverser le désert avec quelques litres d'eau, sans en faire une
source de gloire, mais d'entraînement. Stevenson, H.D. Thoreau, Jean Jacques
Rousseau, et tant d’autres marcheurs et
pèlerins se sont lancés sur les chemins en quête d’eux même et de sens.
• La méditation, la spiritualité, l’ascèse
L’accomplissement de soi plutôt que l’excellence ou la
performance. Il semble que nous sommes à une période charnière de remise en
cause de systèmes de pensée qui ont atteint leurs limites. Un sociologue
faisait récemment l’observation d’un croisement qui est en train de s’opérer
entre orient et occident. L’orient, par le développement économique, se
précipite dans la consommation, la compétition , l’individualisme, alors que
l’effet de l’effet de la récession qui est infligée à l’occident le porterait à
se tourner vers les disciplines plus proches des sagesses orientales.
Conclusion
Il me semble que le culte de la performance et du
dépassement de soi qui s’impose à tous aboutit à un clivage entre ceux qui
suivent le rythme qu’elle implique et ceux qui n’y parviennent pas, ou qui le
refusent. Là aussi, me semble-t-il un changement s’opère qui porte les uns et
les autres à se rassembler, à réfléchir ensemble. Dans nos activités, nous
apportons un modeste, mais précieux exemple pour y contribuer.
ooooooooooooooooooo
Texte de Pierre Haller
La compétition semble profondément inscrite dans la nature dans la lutte pour un territoire, les
aliments, les partenaires sexuels, le rang social. L’observation des plantes,
des animaux et des humains individuellement ou collectivement confirme
partiellement cette tendance. Elle crée de la distance entre les individus et
entre les espèces assurant ainsi la diversité et une certaine dynamique.
Cependant cette compétition n’est pas le
seul facteur de régulation sociale des espèces vivantes. On observe
également des phénomènes de symbiose
entre espèces fondés sur l’intérêt mutuel, des comportements altruistes,
notamment vis-à-vis de la protection des enfants chez les animaux. Cette
contribution de l’individu au comportement collectif participe à la stratégie
la plus payante pour la survie de l’espèce. La compétition n’est qu’un des
principes organisateur de la nature. La coopération
est facteur de stabilité. Des millions d’espèces vivent sans se faire
concurrence et, bien au contraire, chacune apporte sa contribution aux cycles
de la vie. Notre organisme abrite 100 milliards de bactéries, virus et prions
autant que le nombre de nos cellules. La masse de matière vivante sous la
surface du sol est aussi importante qu’au-dessus (sauf dans les champs couverts
de pesticides). Si la compétition existe à ces niveaux d’organisation du
vivant, elle sert essentiellement à la survie de l’ensemble des espèces.
« La forêt est le triomphe d’espèces mutuellement dépendantes »,
selon Edouard Goldsmith
(1928-2009) dans le « Tao de l’écologie ».
Dans la plupart des
sociétés humaines, la compétition entre les individus et les groupes
participe à l’ordre et à la hiérarchie sociale. La compétition humaine s’exerce
dans les domaines les plus divers : scolarité, reconnaissance sociale,
argent, pouvoir, gloire, sex-appeal, symboles du statut social, profession.
Les avantages et
inconvénients de la compétition. La compétition est facteur d’émulation et
de motivation à progresser tant pour les individus, à l’école ou dans la
profession, que pour les groupes en matière économique ou technologique. “Competition brings out the best in
products and the worst in people.” « La compétition apporte le
meilleur pour les produits et le pire pour les gens. » David Sarnoff,
fondateur de RCA.
Cependant la solidarité, l’accès aux services d’intérêt général, le droit, la justice, les valeurs
morales participent au développement humain et ne font en principe pas l’objet
de compétition. En principe, ils devraient être exclus de l’économie
marchande.
La mise en concurrence des services publics fondamentaux (énergie, transports, santé,
éducation, propreté, information, culture, sécurité) avec le marché semble cependant
nécessaire pour une saine régulation. Réguler, c’est s’assurer que le marché compétitif
contribue à l’intérêt public et, inversement, que l’intérêt public assume une
certaine dose de concurrence, pour qu’il n’y ait pas sclérose des structures,
des économies de rente et ce que les économistes appellent allocation
suboptimale des ressources. Cet équilibre entre intérêts privé et général devrait
chercher à protéger l’intérêt général.
Le sport spectacle
(foot, JO, etc.) constitue un fonds de commerce qui brasse des milliards
d’euros à travers le monde. Il s’auréole souvent de vertus humanistes qu’il
instrumentalise. Il est le nouvel opium des peuples. Cependant les championnats
transcendent les conflits entre les groupes et les nations. Le sport spectacle
est source de richesse et d’emplois. L’idéologie sportive cache les coûts des
dommages collatéraux. Selon l’étude
datant de 2008, le sport cause chaque année de l’ordre de 1 million d’accidents
en France. Une autre étude
consacrée au ski rapporte 150.000 accidents par saison dont 25 % de fractures. Par contre l’Organisation
Mondiale de la Santé souligne que la sédentarité est une cause majeure de
maladies cardiovasculaires, de diabète et d’obésité. Elle entraînerait plus de
2 millions de décès par an.
La compétition permet l’émergence d’une élite basée sur le mérite et moins sur l’héritage social comme dans
les sociétés anciennes. Cette élite basée sur le mérite se constitue également
à son tour en castes à travers ses concours, ses codes sociaux, ses réseaux,
faussant ainsi l’égalité des chances.
La compétition peut susciter des réserves sous bien des
aspects. Chacun prend sa place dans l’échelle sociale selon ses succès mais aussi
et surtout en fonction de ses échecs.
Le phénomène de frustration s’opère
à tous les niveaux de la société. La course aux concours ou à la sélection
sportive peut être traumatisante à vie pour ceux qui n’ont pas réussi et dont
les efforts n’ont pas été couronnés du succès escompté.
Selon un dossier du journal Le Monde du 16 mars 2013, l’évaluation des salariés s’est
frénétiquement généralisée et industrialisée dans les entreprises. Elle
exacerbe la compétition entre les personnes et détruit les liens d’amitié. La
réduction des êtres à des critères mathématisables est cause de blessures et de
souffrances au travail. « Toutes
les pathologies de la solitude que l'on observe aujourd'hui dans le monde du
travail, le plus souvent des dépressions et des réactions paranoïaques, sont
une grande nouveauté », selon Christophe Dejours
(1949-), médecin, ergonome, psychiatre et psychanalyste. Sans doute faut-il
réévaluer l’évaluation des humains et des entreprises.
L’externalisation massive
des activités des entreprises, au nom de la compétitivité, précarise le statut
des employés, porte atteinte à leur besoin de reconnaissance et exacerbe la
compétition. La croissance exponentielle des salaires aux plus hauts échelons
de la hiérarchie (les rapports des salaires iraient de 1 à 70) est démobilisatrice
pour le reste des 99 % des employés.
Le traitement humain
des sportifs de haut niveau est parfois peu compatible avec la dignité
humaine (dopage, maladies, abandon, renvoi à la pauvreté lorsqu’ils ne sont
plus rentables).
La compétition se base le plus souvent sur des critères simplistes des performances
sportives, des connaissances normalisées et livresques, de la maitrise de codes
sociaux ou de langage. L’appartenance à des réseaux sociaux, à de clans ou le
népotisme constituent des modes de compétitions encore bien en vogue dans la
plupart des sociétés.
La compétition exacerbe les
rivalités au détriment de l’empathie.
La compétition peut devenir
une fin en soi et constitue une forme de narcissisme. Le narcissisme est le
renfermement sur soi, l’incapacité à s’identifier à l’autre, et menace autant
les individus que les sociétés qui finissent par investir toute leur énergie
dans leur image de soi au détriment de l’autre.
La tricherie dans
les compétitions, notamment sportives, scolaires ou professionnelles constitue
des entorses morales et conduisent parfois à des délits ou à des crimes. Les règles
du jeu cependant s’affichent toujours publiquement frappées du coin de la
morale et de la probité. La France
est souvent montrée du doigt pour ses castes d’élites qui bloquent les
évolutions sociales et contribuent à un climat de défiance vis à vis de ces
élites et des institutions qu’elles phagocytent.
Le monde la finance
montre qu’aujourd’hui la compétition échappe aux compétiteurs et à leur
démesure (hybris). Selon
l’ouvrage dont le titre est « 6 », éditeur Zones sensibles, les vrais
maîtres de la Bourse ne sont pas des financiers sans scrupules mais des algorithmes sans âme agissant à la
vitesse de l’éclair dans des ordinateurs abrités dans des hangars de banlieues
et prenant le pouvoir sur les humains. Ce n’est pas de la science fiction. « Les marchés ne sont plus qu’un
réseau de machines impénétrables... Les technologies, la structure des marchés
et les nouveaux produits financiers ont évolué plus rapidement que notre
capacité à les comprendre et à les contrôler. Le système tout entier est
désormais un jeu truqué. » (Le Monde du 20 mars 2013.) La compétition
moderne est technologique.
Après le tournant ultra libéral des années 1980 aux
Etats-Unis, l’action de l’État a été
progressivement subvertie par les intérêts privés, les années 2000
constituant l’apogée du processus : dans la santé, l’éducation, le logement, la
défense, les politiques publiques ont de plus en plus consisté à garantir des
rentes à des entreprises privées proches du pouvoir. L’État garant de l’intérêt
général s’est mué en État prédateur soumis à «l’exploitation systématique des
institutions publiques pour le profit privé », selon James K. Galbraith,
(1952-) dans «L’Etat prédateur ».
Se dépasser.
Se dépasser concerne les
individus et les sociétés. Dans les deux cas, l’enjeu est triple : assumer
la vie normale, faire face aux forces de délitement et enfin se mettre au service
de quelque chose de plus grand que soi. Pour l’individu, la vie normale
consiste à maintenir le cap dans les difficultés et tourments de la vie. Les
forces de délitement sont d’une part la maladie et le vieillissement et d’autre
part les péchés capitaux que sont : l'orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, la luxure, la paresse, la gourmandise. Les excès
dans ces domaines sont des formes de narcissisme. Les victoires contre la
maladie, le vieillissement et la mort ne sont que temporaires. La compétition
contre le délitement peut donner du sens à la vie. Le service à quelque chose
de plus grand que soi peut prendre de nombreuses formes : le travail, la famille, l’amitié,
l’amour, l’art, l’étude, les sciences, la philosophie, la spiritualité, la
culture, l’humanitaire, le soin et l’attention aux autres, etc. Beaucoup de
sports, de jeux ou de hobbies peuvent être pratiqués sans esprit de compétition
exacerbé, pour le simple plaisir, par amitié, pour s’autoévaluer et
s’améliorer.
Pour les sociétés
démocratiques, la vie normale devrait être la paix. Les forces de délitement,
les péchés capitaux, sont les excès du
clanisme, du populisme, du consumérisme,
du vedettariat, de la société de spectacle, de la stigmatisation d’ennemis, de la
corruption, du rationalisme compulsif et à court terme dans les domaines
financier et économique. Le service à quelque chose de plus grand c’est leur
devoir de civilisation dans les domaines du contrôle des pouvoirs, de la
justice, de la paix, de l’éducation, des sciences, des lettres et des arts, de
l’environnement naturel et de la biosphère. Le plus grand que soi, c’est
l’ordre émergeant dans les domaines de l’esprit et du cœur pris dans le sens de
Pascal mentionné plus haut. .
Ces enjeux de lutte contre le délitement ou le service au
plus grand que soi ne sont pas uniquement de l’ordre de la compétition. Les prix
littéraires ou scientifiques et aujourd’hui des classements des pays avec des Indices de développement humain (IDH
jugeant les systèmes d’éducation ou de santé, le fonctionnement de la justice,
la protection de l’environnement, les degrés de corruption, etc.) relèvent du
« benchmarking ». Le
« benchmarking » met en exergue des talents, des bonnes pratiques et constitue
une forme d’intelligence collective.
Le journal Le Monde de ce 28 mars 2013 rapporte le
classement des lycées français en fonction de leur taux de réussites au bac. Il est intéressant de noter l’évolution
du critère de classement qui n’est plus le taux de réussite absolu mais la « valeur
ajoutée » qui est la différence entre le taux obtenu et le taux escompté
en fonction du profil social des élèves. Cette valeur ajoutée traduirait donc
la qualité des efforts des équipes enseignantes en vue de la réussite des plus
défavorisés. Les lycées publics d’Argenteuil et de Goussainville dans notre
département du Val d’Oise sont ainsi classés dans les 20 premiers de France.
En conclusion,
comme on s’y attendait, la compétition n’est pas le seul moyen de se dépasser.
Elle y contribue, mais elle a des effets pervers. Saint Thomas
d’Aquin (1224-1274) disait qu’un minimum de bien-être (donc issu de la
compétition sociale) est nécessaire pour pratiquer la vertu. Confucius (-551 à –479) ne
condamnait pas seulement « la poursuite de l’intérêt mais tout esprit de
compétition vulgaire. L’honnête homme ne cherche qu’à se surpasser lui-même ».
Le bien-être est très inégalement réparti entre les humains en raison de
compétition entre les individus et entre les groupes. Le dépassement de soi est
plus aisé lorsqu’on n’est pas confronté à des problèmes de survie au quotidien.
A contrario, il importe de mettre son bien-être au service d’autre chose que
son narcissisme. Paradoxalement la compétition est à la foi l’alliée et
l’ennemie dans la lutte éternelle de la personne humaine pour sa dignité.
Il faut avoir conscience que dans tout processus
d’évolution, tel que la vie, l’optimum local et immédiat n’est pas l’optimum
global. Le chemin vers le dépassement de soi passe parfois par l’échec.
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Paroles entendues
-
Nous ne sommes pas égaux à la naissance. Mais la
fable de La Fontaine, « Le
lièvre et la tortue » . « La
tortue arriva la première. "Eh bien! lui cria-t-elle, avais-je pas raison
? De quoi vous sert votre vitesse ? »
-
On laisse trop de gens au côté de la route.
-
L’école française favorise trop le travail
individuel.
-
Nous ne sommes pas égaux devant le temps de
l’histoire qui s’accélère.
-
Dans les études, selon le niveau, on favorise
les performances et/ou les efforts. Dans le monde du travail c’est plutôt les
efforts (discutable ...).
-
Dans l’amour d’un couple, il n’y a pas de
compétition.
-
Le monde artistique est un ensemble de talents
et de compétitions.
-
Le vrai sportif assume la compétition. On
rencontre l’amitié dans le sport.
-
La confrontation avec un apprentissage, par
exemple celui d’un instrument de musique, est source de bonheur.
-
En alpinisme, on est capable grâce aux autres. Au
départ tous sont pareils.
-
En économie, c’est chacun pour soi.
-
Les morts de la guerre économique, ce sont les
chômeurs.
-
Le classement des lycées en fonction des
résultats du bac est contestable. Certains bons chiffres sont obtenus au prix
de trois redoublements en six ans. Certaines écoles privées obligent les élèves
douteux à se présenter en candidats libres.
-
Selon Bourdieu (1930-2002),
tout le monde n’a pas les mêmes chances dans la vie. A Saint-Denis (9-3), bien des
jeunes, garçons ou filles, n’ont pas d’autre horizon mental que celui de la rue des
Francs-Moisins.
-
Les concours ne sélectionnent pas les meilleurs.
Cela dépend des critères.
-
Les performances sportives gagnées à centième de
seconde près n’ont pas de sens.
-
Les entreprises ne travaillent pas pour le bien du pays.
-
En vieillissant nous choisissons d’autres
challenges.
-
La compétition est horizontale, individuelle et
matérielle. Le dépassement est rationnel, spirituel et sert aux autres.
-
La compétition saine est celle qui sert à tous.
-
L’émulation est saine. Le travail en groupe
donne envie de réussir ensemble. Voir les expériences pédagogiques du collège
Aristide Briand de Domont (95).
-
L’alpinisme c’est l’expérience de l’inutile qui
permet la découverte de soi.
-
Dans le compagnonnage, l’apprentissage est un
dépassement de soi.
-
Il y a aussi des querelles de compagnons.
-
La désobéissance est un moyen de se dépasser.
-
« Rien ne fonctionne si les opérateurs sont
strictement obéissants », selon le psychiatre, psychanalyste Christophe Dejours
(1949-).
-
L’estime de soi est importante.
-
Je ne sais pas ce que veut dire « se
dépasser ».
-
Le groupe est plus que la somme des individus.
-
On peut s’appeler mutuellement à se dépasser.
-
La famille a un rôle dans la motivation à se
dépasser.
-
Le dépassement est une affaire personnelle.
-
La compétition sert-elle à faire avancer ou
est-ce de l’égoïsme ?
-
Le dépassement peut être de la vanité.
-
Le dépassement peut être une réponse au
sentiment de vide.
-
La construction européenne est un dépassement de
l’histoire.
-
Non, l’Europe, c’est de l’intérêt !
-
Le dépassement peut être négatif (drogue,
anorexie) ; il doit s’appuyer sur des valeurs.
-
Le dépassement c’est se ressourcer en soi.
-
C’est le plaisir qui en résulte.
-
C’est aimer les autres.
-
Le migrant, celui qui se sépare, se dépasse.
-
Sortir c’est se dépasser.
-
Le divorce peut en être.
-
La reconnaissance est indispensable.
-
Un pays doit se dépasser.
-
En entreprise, les objectifs de compétition
peuvent détruire les personnes. La compétitivité c’est la destruction des
rapports humains.
-
Le cerveau crée ses propres drogues.
-
La reconnaissance du groupe est essentielle.
Avec la gentillesse on obtient de bons résultats. Ce qui manque à notre
société, c’est l’écoute mutuelle.
-
Le musicien Olivier Messiaen (1908-1992)
prisonnier au Stalag en 1942, a composé Quatuor pour la fin du Temps (écouter)
-
On est toujours face à soi-même. Les plus belles
victoires sont celles qu’on remporte contre soi-même.
-
Il faut penser au-delà de sa propre
préoccupation.
-
Donner c’est important.
-
On oppose coopération et compétition. Quand on évolue
il faut réguler la compétition. La compétition est un mal nécessaire qu’il faut
réguler.
-
Je préfère le mot challenge.
-
Je préfère émulation.
-
Il faut se transcender par rapport à l’immédiat.
-
Je me dépasse dans la consommation religieuse ou
esthétique.
-
La compétition est une valeur vitale, mais elle
doit être positive.
-
Il y a des dépassements de soi inattendus.
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Confiance, écoute, regard.
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Entraide et désobéissance.
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Grâce au défi on avance.
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Le groupe a été créatif.
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Citations
« Il y a deux genres de personnes, ceux qui font le travail
et ceux qui en prennent le crédit. Tentez d'être du premier groupe ; il y a
moins de compétition. », Indira Gandhi
« Baisser les bras dans une compétition sous prétexte qu'on
ne peut terminer premier est incompatible avec l'esprit du sport. », Eric Tabarly
« Internet accélère l'avènement de la société de marché,
avec une poussée violente de concurrence et de compétition. », Alain Minc
« Celui qui ne court
pas après le record, qui ne cherche pas à être riche, ou n’a pas peur d’être
pauvre, qui n’a pas le moindre intérêt y compris pour lui-même, celui-là est
libre. » Rumi
« L’apprentissage réel intervient lorsque l’esprit de
compétition a disparu. » Jiddu Krishnamurti
« La vie est une course que je ne veux jamais gagner,
je préfère vagabonder et jouir du paysage. » Aditya Chandra
« La compétition apporte le meilleur pour les produits
et le pire pour les gens. » David Sarnoff,
RCA
« Dépasser ses limites, c'est témérité et
présomption. » Emmanuel Kant
« La bienfaisance consiste à dépasser ses devoirs
envers les autres hommes. » Duc de Lévis
« Aimer, c'est se surpasser. » Oscar Wilde
« Dépasser les limites n'est pas un moindre défaut que
de rester en deçà. » Confucius
« S'il existe une réalité qui dépasse le rêve, c'est
ceci : Vivre. » Victor Hugo
« Nous devons apprendre aux enfants à vivre ensemble, dans
un milieu sans compétition. C'est à travers la rencontre de l'autre que nous
nous formons. Sinon, nous ne sommes qu'un vulgaire tas de protons et neutrons.
» Albert Jacquard
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