Nous
étions quarante au centre culturel de Bouffémont (Val d’Oise) ce vendredi 29
juin 2012 pour débattre du sujet : « Puis-je décider de mon identité ? Le débat a été préparé et animé par Catherine Delaunay et Pierre
Haller.
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La problématique : Notre identité
nous est-elle donnée à la naissance par nos gènes, par notre famille, par notre
époque, par notre milieu social ? Serions-nous en partie
prédéterminés ? Ou bien sommes nous libres de la construire y compris en
totale opposition avec ce que la nature ou la société ont fait de nous à la
naissance ? Quelles sont les parts du déterminisme et du libre
arbitre ?
En
apparence l’identité semble donnée à la naissance. Pourtant chacun est en quête
de son identité tout au long de sa vie. Certaines personnes décident même de changer d’identité sexuelle. Le débat
autour du « genre », né aux Etats-Unis, concerne les différences non
biologiques (psychologiques, mentales, sociales, économiques, démographiques,
politiques…) distinguant les hommes et les femmes. Le genre désigne le rapport,
dans la société, des identités entre les
personnes de chaque sexe y compris les situations d’ambiguïtés sexuelles.
Complexité de la notion d’identité
« Identité »
vient du latin « idem » qui veut dire même. C’est aussi ce qui ne
change pas. Au 18 è siècle on commence à parler d’identité personnelle,
c’est-à-dire du caractère permanent de l’individu.
Au
sens philosophique, l’identité représente la personnalité dans son unicité, sa
singularité, son originalité. L’être véritable émane d’une essence. « Deviens
ce que tu es » (Nietzsche). Le paradoxe est que l’identité s’inscrit aussi
dans la temporalité de l’histoire de chacun. Par ailleurs, l’identité comporte
des parts conscientes et inconscientes. Avec la psychanalyse, on n’a jamais
fini d’examiner son inconscient. Il est donc difficile de connaître l’identité
et de la définir sans la figer.
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L’identité d’une personne est la
résultante de multiples caractéristiques entrainant une infinité de
combinaisons possibles. Celles-ci font qu’il n’existe pas deux personnes
identiques.
Ces
caractéristiques de chacun sont déterminées par son patrimoine génétique, les
hasards de la vie, son histoire, son environnement culturel, social, familial,
son éducation, sa santé, et un peu par son libre-arbitre et par sa volonté
propre. L’homme a en principe la capacité de s’auto-corriger. Pouvoir vouloir
ou vouloir vouloir changer son identité ou son destin n’est pas toujours possible.
On
ne parlera pas du signe astral, du Karma ou d’autres explications ésotériques et
religieuses qui proposent des explications des identités et destins individuels.
L’universalité du concept d’Identité
L’Identité
s’inscrit dans un processus générique du cosmos. Le sens de l’Identité est immanent au Réel. L’identité des choses
et des êtres émerge de la combinaison d’atomes, de molécules et de cellules et
de leurs interactions avec leurs environnements. Les cellules souches
embryonnaires sont indifférenciées et acquièrent leurs spécificités au cours de
leurs multiplications au sein d’un organisme. L’identité des choses nait, se développe et se décompose dans des
cycles immuables. Ces cycles régissent la matière à toutes les échelles de
temps et de tailles, de l’atome à l’univers. Pour les Hindouistes, Vishnou est
le dieu qui construit et qui détruit. L’identité des choses et des êtres leur
permet d’interagir, d’exister un certain laps de temps et de participer à
l’évolution du cosmos.
Pour le Bouddhisme ou l’hindouisme, le
moi et l’identité sont des illusions sans substance qui se réduisent à des
mots. L’identité des choses et des personnes est peut-être plus vaste que ce
que nous en percevons. Les mots aussi possèdent une identité qui naît et qui
s’évanouit. L’impermanence est le sort de toute identité.
Construction des identités
Pour
Arthur Rimbaud : « Je est un autre ».
Un autre moi-même ou un autre que moi ?
L'identité
repose non seulement sur des critères objectifs, mais aussi sur un arrière-fond
de sensations et d’interprétations. Le choix des mots sert à définir une
identité.
La culture façonne la psyché des individus.
« Ce qui m'attachait au judaïsme n'était
pas la foi... mais... la claire conscience d'une identité intérieure, le
sentiment intime d'une même construction psychique. » Sigmund Freud. Les
religions ne fonctionnent pas seulement sur la foi mais aussi sur des identités
psychiques qui se construisent de générations en générations.
L’identité
personnelle a une probabilité d’être fortement différente selon le pays de
naissance riche ou pauvre, selon la capacité de lire et d’écrire, selon les aléas de la vie.
L’homme est ce qu’il fait, mais n’est-il que cela ?
Notre identité dépend de celui qui nous la
donne : l’Etat (état civil, fisc, police), la religion, le milieu
professionnel, les assurances, les banques, les publicistes, facebook,
l’e-commerce, les sociologues, les amis,
le public, la famille, nous-mêmes. Chacune de ces instances sélectionne ses
critères propres pour définir l’identité d’une personne. Chacune a une vision
partielle de la personne.
L’identité institutionnelle
La
plupart des institutions, dans l’exercice de leur pouvoir ont tendance à
réduire la complexité des identités des personnes à des critères simples voire
uniques : numéro, sexe, profession, compte en banque, religion, etc. Le
goût pour la réduction à une étiquette ou pour la dépersonnalisation de l’autre
pour des motifs soi-disant nécessaires est une tendance, voire une perversion,
assez répandue de la nature humaine. L’imposition de l’uniforme, les défilés
militaires, la numérotation des assujettis aux services, les segmentations des
populations par le marketing, la notation des élèves ou des collaborateurs,
jusqu’au tatouage des prisonniers, flattent bien des zones troubles des personnalités
investies d’un pouvoir. Les technologies de l’information (moteurs de
recherche, croisement de fichiers) facilitent le traçage et la réduction des
identités individuelles et collectives et constituent probablement une grande
menace pour l’humanité et l’humanisation. La
barbarie est au fond la projection sur la personne humaine d’une identité
réductrice à l’extrême. L’identité réductrice légitime le racisme, les
guerres, les génocides, le bombardement des villes.
Identité et psychanalyse
Chaque personne a des zones d’ombres
.
Certaines sont conscientes et elles relèvent de son intimité. D’autres sont
inconscientes et néanmoins déterminantes pour les comportements individuels et
collectifs également. Gustav
Jung a traité de cette question. Il parle d’archétypes et d’inconscient
collectif : « Nous ne résoudrons pas
le fond de la névrose et de la psychose sans la mythologie et l'histoire des
civilisations »
Représentation conique de la structure de la psyché selon la psychologie analytique de
Jung :
1. le Moi ;
2. le conscient ;
3. l'inconscient personnel ;
4. l'inconscient collectif ;
5. la partie de l’inconscient collectif qui ne peut être connue, dite
« inconscient archaïque »69.
Carl
G. Jung considère toutefois qu’il ne
faut pas attribuer à l'inconscient la psychologie du conscient.
« Il ne faut pas attribuer à tort à
l'inconscient une psychologie du conscient. L'inconscient possède une mentalité
instinctive; il ne connaît pas de fonctions différenciées; il ne pense pas
ainsi que nous entendons l'action de penser ».
Identité et neurosciences
Certaines
lésions neuronales ou troubles psychiatriques conduisent à des altérations de
l’identité La psychopathologie cognitive
se référant aux neurosciences s’intéresse aux relations de la mémoire, des émotions
et de l’identité. Les neurosciences tentent de décrypter les supports biologiques
de la conscience de soi.
La psychogénéalogie est une théorie
développée dans les années 1970 par le Pr Anne
Ancelin Schützenberger (Université de Nice) selon laquelle les événements,
traumatismes, secrets, conflits vécus par les ascendants d'une personne conditionneraient
son identité, ses troubles psychologiques, ses maladies, et ses comportements
étranges ou inexplicables.
Les
guerres, les génocides, l’esclavage, le colonialisme, tout comme les drames
familiaux laissent des traces sur plusieurs générations.
Le conditionnement statistique de notre
identité
Toutes
les sociétés comportent un spectre de personnalités de dominants et de dominés,
de prédateurs et d’altruistes, de respectueux de l’ordre et de délinquants, d’intelligents
et d’imbéciles, de gens en bonne santé et de malades. La sociométrie tente de
classer les populations en grandes catégories dans lesquelles chacun peut
éventuellement se retrouver. Ces catégories identitaires varient lentement dans
le temps et l’espace. Le libre arbitre de l’individu est limité à l’intérieur
de ces catégories. La dynamique sociale fonctionne selon ces catégories. Chacun
se positionne dans ces catégories en fonction
de son conditionnement génétique, social ou culturel en se plaçant dans une
de ces catégories. Le libre-arbitre devrait en principe permettre de choisir sa
catégorie. Notre identité est aussi une question de statistiques qui montrent
que les facteurs sont incitatifs mais non déterminants. Dans notre modernité,
le chic consiste à se classer dans la catégorie des inclassables.
Avoir ou être une identité
Les
objets, les vêtements, les lieux d’habitation, les réseaux sociaux participent
à l’identité de l’individu. La publicité, qui veut vendre des objets ou des services
dont les gens n'ont pas vraiment besoin, les persuade que ceux-ci ajouteront
quelque chose à l’image qu’ils se font d’eux-mêmes ou que les autres se font. Par
le biais de l’objet chacun peut se donner une identité et de l’importance.
L’identité est une histoire narcissique
L’identité
de chacun se confond avec son histoire personnelle. Cette histoire est un récit
vrai ou fantasmé. Le narcissisme est une auto-définition qui constitue une
dérive de la passion pour sa propre histoire. « Parlez-moi de moi, il n’y
a que ça qui m’intéresse. » (Guy Béart). Le narcissisme identitaire enferme l’individu ou les groupes dans leur
auto-image et empêche la quête de la vérité qui se situe toujours dans un
au-delà de soi.
La
douleur ou la victimisation peut être utilisée comme composante de l’identité
pour se faire reconnaître par autrui. Le ressassement de la mémoire exprime une
inquiétude identitaire. La mémoire réassurée dans les commémorations, permet
de ressouder une communauté et de lutter
contre l’oubli de son identité.
Identités partagées
Amin Maalouf, (1949-) dans
Les Identités meurtrières écrit ceci
: «
Grâce à chacune de mes appartenances, prises séparément, j’ai une certaine
parenté avec un grand nombre de mes semblables ». « Qui d’entre nous peut prétendre être français, espagnol,
anglais, etc. à cent pour cent ? La pureté
de sang, cela ne veut rien dire. Avec chaque être humain, j’ai quelques
appartenances communes ; mais aucune personne au monde ne partage toutes mes
appartenances. En tant qu’individu, je suis tout à fait unique le seul de mon
espèce ; mais en tant qu’homme, je partage mes caractéristiques avec des
milliers, des millions, des milliards d’êtres humains. »
Les identités meurtrières
Dans les périodes de tensions sociales,
de crise économique la différence se transforme en inimitié, l’inimitié en
aversion et l’aversion dégénère en terrorisme ou en guerre civile. L’autre devient le bouc émissaire, le
responsable des difficultés économiques, des calamités naturelles et l’ennemi.
Les sociétés ont besoin d’une anti-identité sous forme d’un axe du mal ou d’un
grand Satan pour fonder leur propre identité. La vertu a besoin du vice pour
s’en différencier.
Le droit à l’identité
Il
n'est nullement coupable de revendiquer une manière de vivre et de penser
différente de toutes les autres, ou d'éprouver peu d'attirance vers certains
genres de vie, respectables en eux-mêmes. Cette incommunicabilité relative
n'autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu’on ne fait pas
siennes.
La tolérance permet à l’ego de préserver
son identité. C’est aussi une façon de l’obliger à relativiser ses vues
très arrêtées, en l’invitant à admettre qu’un point de vue différent du sien
est parfaitement possible. Et qu’il est aussi légitime qu’il puisse s’exprimer.
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Poème d’Arlette Coutin
Mon
identité est un lieu bien caché
Celle
que je donne je ne peux m'y dérober
Celle
que je montre est celle que je veux donner
Celle
que je construis est celle de vérité
Car
l'homme même dans l'adversité peut choisir
Son
esprit et son cœur le font réfléchir
Il a
besoin des autres pour se reconnaître
Et
trouver en lui l'essence de son être
C'est
ainsi que chaque être humain est unique
Sa
personnalité dépasse son physique
Il
choisira ainsi son identité
En
montant les marches de son propre escalier
Citations
«
Cela va vraiment mal lorsque vous commencez à ressembler à votre photo
d'identité. » Anonyme
« Le
moi de l'homme n'est pas réductible à son identité vécue. »
Jacques
Lacan
«
Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. »
Hannah
Arendt
«
Les frontières du moi doivent être durcies avant d'être assouplies. Une
identité doit être établie avant d'être transcendée. »
Scott
Peck
«
L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se
transforme tout au long de l'existence. »
Amin
Maalouf
« La
France se nomme diversité. »
Fernand
Braudel
« Le
meilleur moyen de perdre sa liberté de penser et d'être, c'est d'avoir une
image à défendre coûte que coûte, une image qu'on a chargée d'être notre
identité. »
Alain
Amselek
« Nos
peurs nous paralysent et nous handicapent énormément. Elles doivent être
éliminées afin de nous redonner notre vraie identité. »
« Notre
besoin inné de se comparer aux autres nous éloigne trop souvent de notre vraie
identité. »
Daniel
Desbiens
« L'identité
sera convulsive ou ne sera pas. »
Max Ernst
Propos entendus
L’identité
et la différenciation sont liées à la vie en collectivité.
L’identité
revêt un aspect juridique.
On
change d’identité parce qu’on n’est pas satisfait de la sienne.
On
peut changer d’identité par amour.
Vivant
plus longtemps que nos ancêtres, nous sommes davantage sujets au changement
d’identité.
Nous
partageons une identité commune à toute l’humanité.
L’identité
est physique et psychologique, individuelle et collective, opératoire et
profonde.
Il
existe une identité profonde qu’on ne peut changer.
La
psychanalyse cherche à atteindre l’identité profonde.
Il y
a une identité rêvée.
On
peut jouer mais est-on encore dans l’authenticité ?
L’être
existentiel est différent de l’être essentiel.
L’être
essentiel est le départ du chemin de formation de l’identité.
On
est ce qu’on est à chaque instant. L’être essentiel est une quête sans fin. Je cherche
un art de vivre et une sagesse.
Le
comédien sur scène change-t-il d’identité ?
L’identité
est révélée par l’action. Mais il y a une part irréductible.
Les
grands changements d’identité sont la conversion religieuse, une nouvelle
nationalité ou l’adoption pour un enfant.
Etre
dans l’illégalité sans papiers est une situation traumatisante.
L’identité
a besoin d’intimité.
Il
n’est peut-être pas souhaitable de maîtriser entièrement son identité.
Le
changement de sexe va au-delà du changement d’apparence.
La
résurgence de la revendication identitaire religieuse peut s’avérer
totalitaire.
On
peut se mentir à soi-même.
Les
humains se sécurisent dans l’entre soi.
Nous
avons besoin d’exister dans le regard des autres.
Le
tatouage répond au besoin d’identité.
La
maladie peut transformer l’identité d’une personne, en bien comme en mal.
L’épreuve
peut révéler la vraie identité.
On
cache sa personnalité derrière son identité sociale.
L’identité
personnelle doit résister à l’identité
sociale.
Nous
avons tous progressivement une identité numérique.
Nous
ne sommes pas que notre génome.
L’identité
est un sujet inépuisable.
Le
passeport européen ne suffit pas pour se sentir européen. L’identité ce n’est
pas seulement une étiquette.
Nos
identités sont soit données, soit choisies.
Il
est des identités honorables ou honteuses de quitter ou d’acquérir.
On
ne choisit pas ses aptitudes.
L’identité
sociale s’attarde sur le visuel. La découverte de la vraie identité demande du
temps.
La femmes
change d’identité quand elle se marie, divorce ou devient veuve.
En
Chine, qui impose l’enfant unique, une multitude de puinés ne sont pas déclarés
et donc n’ont pas d’existence officielle.
Mon
identité m’est donnée par Dieu.
Il
faut chercher à être le plus vrai possible, être en adéquation avec soi-même.
Deviens ce que tu es.
Dans
le Bouddhisme, l’identité est comme un fleuve changeant.
L’identité
s’acquiert par les autres. Elle nous protège.
Il
faut être Stoïcien et ne pas s’occuper de l’opinion des autres.
L’identité
se construit à notre insu.
Les
animaux domestiques ressemblent à leur maître.
L’identité
essentielle c’est comme les racines d’un arbre, l’existentielle, comme le
feuillage.
Le
rôle sert d’identité.
Chassez
le naturel, il revient au galop.
L’identité
c’est complexe, flou et changeant.
Je
suis aussi ce que je ne suis pas.
« On
n’ose plus paraître ce que l’on est » JJ Rousseau.
L’identité
est une recherche d’harmonie psychologique et morale.
L’identité
fait que la personne est une valeur en soi.
On
est près à la transgression et à la subversion pour affirmer son identité.
On
cherche à imiter et à changer.
La
vie est un changement permanent.
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