Nous
étions vingt-huit personnes à participer à ce café philo, le vendredi 25
octobre 2013, au centre culturel de Bouffémont, sur le thème : " Le
corps est-il un instrument ou un obstacle à notre liberté ?"
Outre
les contributions habituelles de Catherine Delaunay et Pierre Haller, Patrick
Liautaud a récité un texte de circonstance de Xavier Durringer extrait
de « Histoires
d’hommes ». Jeannine Dion-Guérin et Arlette Coutin ont partagé de
courts poèmes de leur composition. Ces textes sont reproduits à la fin de cet
article.
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Contribution de Pierre Haller
L’histoire de la vie est celle des
organismes et des corps.
Le
fonctionnement du corps de chacun d’entre nous est tributaire d’un ordre
naturel cosmique qui permet la structuration de la matière vivante sur terre. Cet
ordre se déploie de l’infiniment petit, entre autres, depuis les propriétés
singulières du noyau de carbone jusqu’à l’infiniment grand tel que l’existence
du soleil à bonne distance de la terre. Notre corps est le résultat de
l’évolution et de la complexification du vivant.
La
terre a 4,5 milliards d’années, la vie unicellulaire est apparue il y a 3,5
milliards d’années.. L’explosion du Cambrien il y a 500 millions d’années, est
celle des êtres multicellulaires. Tout se passe comme si les êtres
multicellulaires constituaient nouvelle stratégie de meilleure économie des
ressources énergétiques et donc de survie. Les pré-humains se différencient des
chimpanzés il y a 7 millions d’années. L’homo
sapiens-sapiens, qui sait qu’il sait, apparaît il y a 200.000 ans ;
l’agriculture, il y a 10.000 ans ; les villes il y a quelque 5000 ans. Les
transformations physiologiques des corps ont radicalement changé les modes de
vie des organismes. Les êtres multicellulaires peuvent mieux gérer l’énergie
que les unicellulaires. Les animaux, qui peuvent se déplacer contrairement aux
plantes, utilisent de nouvelles stratégies pour la recherche de nourriture et
de partenaires sexuels ainsi que pour se protéger des aléas du climat. La station debout des hominidés permet
le développement du cerveau et libère la main, qui participe à l’intelligence
artisanale. Elle transforme aussi les comportements sexuels et favorise la vie
familiale, donc une éducation longue des enfants, donc une transmission de la
culture. Elle modifie le regard sur le monde et sur le visage de l’autre ainsi
que l’image de soi renvoyée par l’autre. L’homo sapiens associe des sentiments
aux regards. Le corps humain est capable de prouesses associant le corps et
l’esprit, telles que jongler, parler, chanter, jouer d’un instrument de
musique, écrire, dessiner. L’homme et le chien sont les seuls animaux en mesure
de s’adapter à tous les climats sur terre. L’homo
faber a commencé à transformer significativement la terre il y a 10.000 ans
par l’agriculture.
Les techniques agricoles, artisanales,
industrielles, l’écriture, l’imprimerie, le développement des villes, des
sciences et techniques ou des institutions ont des impacts directs et indirects
sur les corps en termes de santé, d’espérance de vie, de développement
intellectuel, de développement humain. Ces technologies façonnent les rapports
au corps à travers les âges. Elles ont joué un rôle important dans
l’émancipation des esclaves, des
serfs, des ouvriers. L’explosion de la démographie à l’ère industrielle
aura probablement des effets positifs sur le développement de l’intelligence
collective et du savoir humain. La stabilité des sociétés humaine ou des
écosystèmes est beaucoup moins sûre...
La consommation d’énergie du corps de l’animal
vivant à l’état naturel est environ son propre poids d’énergie en
équivalent-pétrole par an (75 kilos d’équivalent-pétrole par an pour un homme
de 75 kg consommant une puissance de 100 watts). L’homme technologique européen, consomme autour de 5 Tep (tonne
d’équivalent-pétrole), l’américain, plus de 10 Tep Cet homme technologique
produit annuellement un poids de déchets
du même ordre de grandeur que le poids en équivalent pétrole. En France, c’est
5,3 tonnes par habitant/an dont 3% sont dangereux et seulement 8 % proviennent
des ménages. Ces déchets technologiques ne sont de loin pas tous recyclés,
alors que le vivant « naturel » recycle la quasi totalité de ses
déchets.
Il
est vraisemblable qu’un jour les besoins en énergie et la production des
déchets pour les corps des hommes technologiques et les pénuries en ressources
vitales deviennent de sérieux obstacles à leurs libertés.
Les rapports corps-esprit
Quelle
relation la conscience entretient-elle avec le corps ? Nul ne sait ce que sont
exactement la conscience, l’esprit ou l’âme.
Différentes
conceptions sont avancées.
-
L’épiphénoménisme
est une doctrine qui soutient que l’esprit est produit par le corps. L’individu
est essentiellement une machine et accidentellement une conscience. Friedrich Engels
(1820-1895): « Notre conscience, notre
pensée, si transcendants qu’ils paraissent ne sont que le produit d’un organe
corporel, le cerveau » Le livre du neurobiologiste Jean-Pierre Changeux
(né en 1936 à Domont) « L’homme
neuronal », va dans le même sens. « Le
cerveau de l’homme est une formidable machine chimique où l’on retrouve les
mêmes mécanismes moléculaires à l’œuvre chez la mouche drosophile ou le poisson
torpille », selon Stanislas
Dehaene (né en 1965 à Roubaix) dans sa leçon inaugurale au Collège de France
en 2006 « Vers une science
de la vie mentale ». La vie mentale est affaire de chimie,
d’algorithmes et d’architecture du cerveau. « Nous
portons en nous un univers d’objets mentaux dont les lois imitent celles de la
physique et de la géométrie ». Le sens du nombre, de l’espace et du
temps sont hérités de l’évolution, y compris chez certains animaux.
-
Le
dualisme est une doctrine qui soutient que la réalité comporte non une,
mais deux substances, à savoir l’esprit et la matière. Il n’est pas possible de
réduire l’un à l’autre. Cette doctrine a été soutenue par René Descartes
(1596-1650) dans les « Méditations
Métaphysiques » : « le
corps est substantiellement uni à l’âme ».
-
Le
parallélisme est une doctrine qui soutient qu’il n’y a pas de relation
réelle entre le corps et l’esprit, mais que chacun d’eux interagit sur lui-même
parallèlement à l'autre. Gottfried
Leibniz (1646-1716), dans son « Système nouveau de la nature et de la communication des substances,
aussi bien que de l’union qu’il y a entre l’âme et le corps » de 1695,
compare la séquence des événements matériels et la séquence des événements
spirituels à deux horloges qui marqueraient la même heure.
-
Le
spiritualisme consiste à voir dans la matière un épiphénomène de
l’esprit. Parce que le corps est en relation avec l’univers, alors l’esprit est
aussi en relation avec tout l’univers. Plotin (205-270) : « Chacun de nous est un monde intelligible
et nous touchons aux choses inférieures par le corps, nous touchons aux choses
supérieures par l’essence intelligible de notre être »
Pour
Lanza del Vasto
(1901-1981), le corps est le nœud de toutes choses. « L'esprit n'est pas contenu dans le corps. Comment serait-il
contenu dans le corps celui qui s'étend par-delà les étoiles? Celui dont le
ciel est le globe de l'œil n'est pas contenu dans le corps. Mais le corps, au
contraire est en lui contenu comme l'image, petite, dans la pupille. Le corps
de l'homme est l'image du monde dans l'œil de l'esprit. » Dans cette
lignée s’inscrivent Gandhi
(1869-1948), le poète Ralph
Waldo Emerson (1803-1882), Henry
David Thoreau (1817-1862) ou George Berkeley (1685-1753).
-
L’incarnation.
Le corps véritable n’est pas un objet, mais sujet-objet à la fois. A
travers son vécu chacun découvre, non pas le corps-objectif de la science, mais
le corps-subjectif de ses sensations. Les enseignements de l’Ayurveda, du pranayama, du hatha-yoga, du
yoga des asanas, et les pratiques de la respiration et des postures du corps,
cherchent à réguler les flux de l’énergie vitale, le prana, circulant dans le corps.
« Le corps quantique » est
un ouvrage de l’endocrinologue indien-américain Deepak Chopra (né en
1946). Il note le développement et le fonctionnement intelligent et coordonné
de l’ensemble de l’univers et notamment du corps humain à ses différents
niveaux d’organisation. Il existe une intelligence globale du corps qui
s’exprime parfois à travers des guérisons (ou des maladies) inexplicables.
Le
corps n’est pas une simple machine. La plupart des processus vitaux complexes
échappent à notre conscience. Les cellules sont capables d’intelligence.
Tout
se passe comme si la réalité de l’atome au cosmos en passant par le vivant,
était structurée en entités imbriquées douées d’intelligences spécifiques à
chaque niveau d’organisation.
Les codes corporels
Le corps support de l’identité. Chaque
corps est semblable et différent. Ses caractéristiques propres et ses atours,
sont l’objet de normes qui permettent de caractériser la personne et de la
classer, à bon ou mauvais escient, à partir de sa race, sa taille, son genre,
son style, sa voix, son regard, son habillement, sa classe sociale. La
célébrité d’une personne est tributaire de son aspect (look) facilement
reconnaissable.
Le corps et le statut social
Deux
épidémiologistes britanniques, Richard Wilkinson
(né en 1943) et Kate
Pickett, explorent les conséquences physiologiques et psychologiques des
différences de statut social dans leur livre « Pourquoi l’égalité est meilleure pour
tous », Les Petits Matins-Institut Veblen, 502pages, 20euros. « Le bien-être de nos sociétés
développées, a beaucoup à voir avec le niveau d’égalité qui y règne, et
beaucoup moins avec leur richesse globale. Qu’on mesure l’état de la santé
physique et mentale des individus, l’espérance de vie, la réussite scolaire,
l’empreinte écologique, la toxicomanie, le taux d’incarcération, la prévalence
de l’obésité ou celle des maternités précoces…, le livre montre que les
sociétés démocratiques les plus égalitaires sont aussi celles qui sont les plus
humainement développées. »
«Une partie importante des maladies mentales
provient de la recherche de progression dans l’échelle hiérarchique, qui
produit des comportements antisociaux, psychopathes ou sociopathes, avec une
composante manipulatrice». (Article
du Monde du 25/10/2013)
Les pulsions sexuelles sont
inscrites génétiquement et sont actionnées à travers le système
endocrinien qui agit sur le cerveau. La sexualité sert en premier lieu à
perpétuer l’espèce. Chez les humains, elle est fortement conditionnée par la
culture et son rôle va au-delà de la reproduction. Elle appartient normalement
au domaine de l’intimité de chaque personne. Elle permet la rencontre intime de
deux êtres, elle fonde la vie familiale. Comme la sexualité humaine
fonctionne toute l’année, la société lui impose des normes de bienséance, de
rapports humains ou vestimentaires Ces normes sont multiples et diverses selon
les cultures. La sublimation de la sexualité par l’amour et la spiritualité en
limite la tendance à l’ensauvagement. Les normes sont explicites ou implicites.
Elles constituent des facteurs de régulation sociale, voire de pouvoirs. Ces
normes sont rarement appliquées dans leur intégralité. La transgression et la
culpabilisation participent au processus de régulation. La pornographie et la prostitution sont des
phénomènes universels. Douze pour cent de tous les sites web sont des sites
pornographiques. Le Web compte 4.2 millions de sites pornographiques. 420
millions de pages web pornographiques sont l’objet de 25% de toutes les
requêtes de recherche sur Internet. L’industrie de la pornographie sur le Web a
rapporté 97 milliards en 2006. Alexandre Soljenitsyne (1918-2008) pensait
que « on asservit bien mieux les
peuples avec la pornographie qu'avec les miradors ». La prostitution,
quant à elle, engendrerait un chiffre d'affaires mondial annuel de 60 milliards
d'euros. En 1998, l'Organisation des Nations unies estimait que, chaque année,
quatre millions de personnes se prostitueraient, ce qui générerait entre 5 et 7
milliards de $/an de profits aux groupes criminels. Le marché des armes est,
quant à lui, de 1000 milliards de $/an dans le monde.
L’exploitation des corps
La «
non-soumission à l’autorité d’autrui » est un des fondements de la démocratie.
Le respect et l’intimité du corps. Des
lois laïques dans les démocraties définissent les limites légales des pratiques
de respect des personnes et de leurs corps. Mais elles autorisent aussi
l’intrusion ou la domination, sans réciprocité, par certaines autorités sur
l’intimité du corps des personnes, pour de bonnes raisons parfois détournées :
hôpitaux, policiers, douaniers, tribunaux, maisons de retraite, internats,
milieux sportifs. Les châtiments corporels à but soi-disant éducatif ont
toujours cours. Au nom de la lutte contre le terrorisme ou simplement de
l’ordre public, certains Etats autorisent implicitement ou explicitement la
torture.
Contrairement
aux préjugés, les interdits des lois religieuses sont souvent moins explicites
que ceux des traditions des sociétés patriarcales et masculines qui les
instrumentalisent.
Les rituels traditionels. Certaines religions ou certains peuples marquent les corps des individus en signe
d’appartenance et d’allégeance des individus : rites initiatiques,
circoncision, excision, scarification, tatouages, pieds bandés et déformés des
chinoises.
L’histoire
de la lignée religieuse judéo-chrétienne indique une symbolisation croissante au cours des âges des rites impliquant le
corps humain. Abraham sacrifie un agneau à la place de son fils. Le Christ
remplace l’agneau pascal. Les sacrements et rites deviennent de simples gestes
symboliques.
Le bouc émissaire
change de visage au cours et en fonction de l’histoire.
En
Europe, la
chasse aux sorcières entre 1580 et 1630, a fait selon les historiens et
entre 50.000 et 100.000 victimes. La dernière sorcière à être exécutée en
Europe fut Anna Göldin,
en 1782 dans le canton protestant de Glaris, Suisse. Cette pratique a encore
lieu dans certains pays d'Afrique et du Moyen-Orient appliquant la Charia qui interdit la
sorcellerie, la magie noire, ou la prédiction de l'avenir, pratiques considérées
comme polythéistes.
Aujourd’hui
150 pays sur 198 ont aboli la peine de mort en droit ou
en fait. Hamida
Djandoubi a été le dernier guillotiné en France, et au monde, dans la
prison des Baumettes à Marseille en 1977.
Les Etats s’arrogent le droit de
la conscription de soldats, dont des enfants, à fin d’utiliser leurs corps
comme armes de combat. Le lavage de cerveau idéologique permet d’utiliser les
personnes comme kamikazes volontaires. Les massacres, les emprisonnements de
masse et les viols sont des droits que s’arrogent les belligérants
unilatéralement encore souvent malgré les lois censées réguler la guerre.
Le
travail physique ou intellectuel rémunéré peut être considéré d’une
certaine manière comme une exploitation du corps.
Esclavage
moderne. Selon le rapport
(en anglais) d'une fondation australienne citée par le Washington Post, 29,8 millions de personnes sont
aujourd'hui victimes d'esclavage (enfants soldats, prostituées, mariages
forcés…). La carte publiée montre que la Mauritanie est le pays le plus touché
: 4 % de sa population, soit une personne sur 25.
Les exploitations commerciales du
corps sont financièrement très profitables dans notre société de consommation
et de spectacle : le luxe, le sport spectacle (foot, JO...), culte du
corps par le sport, le matériel sportif, les salles de sports, l’industrie
pharmaceutique, les produits cosmétiques, la médecine esthétique et ses
cliniques, les médecines parallèles, les instituts de beauté, le tourisme
balnéaire, le naturisme, le tatouage et le piercing, la publicité, la presse,
la mode, le luxe, les miss quelque chose, etc.
Les
atours et bijoux ou l’esthétique des corps sont des marqueurs de positions
sociales mais aussi des sentiments de bien-être. La lingerie fine des
sous-vêtements permet, semble-t-il, de se sentir bien même si personne d’autre
que soi ne les voit.
Le sport permet dépassement de
soi dans l’effort ou l’esthétique des mouvements. L’effort sportif génère la
production d’endorphines et entraine parfois des phénomènes d’addiction.
La douleur. La douleur est avant
tout un moyen d’alerte de l’organisme. Mais bien des douleurs infligées par la
nature ou par des humains à d’autres humains n’ont pas ce sens d’alerte. Le dolorisme religieux considère que la
douleur est une voie vers la transcendance divine. Le philosophe contemporain Denis Moreau analyse
la course à pied chez saint Paul, notant l’ambivalence du plaisir sportif et de
la douleur. « Dans ces moments
d’exception que procure l’effort d’endurance, un chrétien trouvera donc comme
une jouissance anticipée du corps de gloire que sa foi lui promet pour l’autre
vie. Et plus prosaïquement, il est envisageable qu’une pratique effective de la
course d’endurance ait fourni à Paul son concept de corps glorieux et certains
des éléments qui le constituent ».
Les flagellants du
Moyen-âge expiaient leurs péchés à coups de fouets.
Le bien-être zen du corps semble
devenir le refuge où s’enferme l’humain pour se protéger des malheurs du monde.
Même si l’hédonisme est
une philosophie déjà ancienne, le corps peut être considéré aujourd’hui comme
le nouvel «opium du peuple » et une icône du capitalisme marchand.
Mon corps n’appartient-il qu’à
moi ? Cette question se
pose dans un certain nombre de domaines et de situations, où la société
veut disposer du corps ou poser des limites à la libre disposition de son corps
par chacun. La conscription forcée pour défendre la nation, le casque pour les
motocyclistes, la ceinture de sécurité dans les voitures, la normalisation des
pratiques sexuelles, le port du voile, le suicide, l’euthanasie,
l’expérimentation médicale sont des domaines qui mettent en cause la libre
disposition du corps. L’Etat, assurant la protection des personnes, se donne et
impose des droits sur leurs corps. Les religions stipulent que le corps
appartient au Dieu qu’elles représentent.
Le corps soumis et libéré. Les
religions, les princes, les polices imposent des postures corporelles
d’humilité, voire d’humiliation à genoux, à quatre pattes, aplatis par terre,
entravées. Les historiens ont noté que l’émancipation des femmes des milieux
populaires est corrélé au développement des fourneaux au 19ème
siècle qui a permis la station debout pour préparer la cuisine. Au paravent les
femmes passaient une grande partie de leurs vies accroupies devant l’âtre au
sol. Cette émancipation progressive du corps de la femme est corrélée à
l’évolution des libertés politiques pour tous. Elle apparaît dans les peintures de la Renaissance
et s’est poursuivie au 20ème siècle par les représentations du corps féminin au
cinéma et dans la presse. Le contrôle des naissances par la contraception est
une révolution de civilisation. Karl Marx (1818-1883): « Der gesellschaftliche Fortschritt
lässt sich exakt messen an der gesellschaftlichen Stellung des schönen
Geschlechts (die Hässlichen eingeschlossen). » « Le progrès social se mesure précisément à la position sociale du
beau sexe (y compris les moches). »
Le corps aujourd’hui et demain
Le
corps impose des limites par l’espérance de vie, la maladie ou les possibilités
physiques et intellectuelles.
Le corps instrumenté les outils
technologiques censés servir l’humain sont en passe d’en devenir les maîtres.
Les technologies médicales.
Certains scientifiques cherchent aujourd’hui à dépasser les limites de
l’espérance de vie en modifiant la nature humaine par la technologie grâce aux
possibilités des NBIC (Nanotechnologies, qui opèrent à l’échelle du millionième
de millimètre des cellules, Biologie, Informatique et sciences Cognitives). Ces
technologies et la médecine contribuent déjà à une amélioration radicale des
systèmes physiques et mentaux de notre corps. Tôt ou tard l’intelligence non
biologique des machines fusionnera probablement avec nos cerveaux biologiques.
Certains
rêvent de pousser l’espérance vie jusqu’à mille ans.
Les technologies de l’information
ont des répercussions grandissantes sur les positionnements des personnes dans
la société. L’accès aux savoirs et aux informations remettent en cause les
institutions et les pouvoirs traditionnels. La protection de l’intimité et le droit à l’oubli pour chacun sont
sérieusement mis à mal par ces technologies.
Celles-ci sont en outre des outils de
manipulation et de contrôle de masse. Aujourd’hui nul ne sait qui bricole
quoi avec le « big data ». Le
meilleur comme le pire pour la démocratie et pour chaque personne sont
imaginables.
Selon
le gourou de la high-tech américaine Jaron
Lanier : "Si la technologie
concentre les richesses, elle va devenir l'ennemi de la démocratie." Albert
Einstein disait: "Je crains le jour
où la technologie dépassera les capacités humaines. Le monde risque alors de
voir une génération de parfaits imbéciles ".
Les multiples autres approches du corps :
l’ésotérisme et
les corps subtils, l’alchimie, les corps sociaux,
les inégalités
sociales (8,8 millions de pauvres en France), les épidémies, les génocides, les drogues, les états
modifiés de conscience, la musicothérapie, la psychiatrie, etc. Ce sont
autant de sujets en soi qui impliquent les corps.
Conclusion
Le
corps, comme tout système complexe, fonctionne à l’intérieur de limites. Une
liberté sans limite serait donc incompatible avec sa viabilité. L’esprit quant
à lui qui habite le corps, semble jouir d’une liberté plus grande, mais pas
illimitée non plus.
Voici
les derniers mots Crow-Foot, chef indien de la tribu Blackfoot, sur la
définition la vie,
«Qu’est-ce que la vie ? C'est la lueur d'une
luciole dans la nuit. C'est le souffle d'un buffle en hiver. C'est l'ombre
légère qui court sur l'herbe et se perd dans le coucher de soleil. »
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Contribution de Catherine Delaunay à partir de ses notes
Le
corps est-il un instrument ou un obstacle notre liberté ?
Depuis
15 ans que nous animons des cafés philo, c’est la première fois que nous
évoquons ce thème du corps. J’en suis la première surprise, car enfin notre
corps, c’est important, c’est même essentiel. Le sujet, tel qu’il est formulé,
semble indiquer que le corps peut n’être qu’un instrument, un outil, une chose
mise à notre disposition dont nous pourrions nous servir ou ne pas nous servir.
Le sujet dit même que ce corps peut être un obstacle, une gêne, un empêchement,
une entrave à notre liberté. Pourtant nous ne pouvons pas nous passer du corps.
Est-ce que nous pourrions l’éloigner, le mettre à distance ? Mais
comment ? Etre libre, serait-ce ne plus avoir de corps ? Notre liberté,
c’est quoi ? La philosophie nous répond que c’est le pouvoir de nous
déterminer sans contrainte ; c’est le pouvoir de choisir ce que nous
voulons penser ou faire sans que des facteurs externes nous imposent une
direction ou une autre. La liberté, c’est à la fois l’indépendance, ne pas
dépendre d’autre chose que de nous-mêmes, c’est l’autonomie, nous donner à
nous-mêmes nos propres règles de vie. Bref la liberté, c’est décider de notre
existence. Alors est-ce que le corps ne vient pas parfois entraver notre
liberté ? Cela est vrai, lorsque nous sommes malades, quand nous avons mal
et que la douleur nous fait souffrir, quand nous craignons le pire,
c'est-à-dire la mort. L’histoire de la philosophie a longtemps proclamé que le
corps était le lieu de notre vulnérabilité et de notre faiblesse, de notre
finitude et donc de la servitude.
Pendant
des siècles on a dénigré le corps, on a vu dans ce corps un instrument
d’aliénation mettant notre liberté en péril. C’est d’abord la philosophie de Platon déclarant que le corps
est le tombeau de l’âme. Nos sens sont limités, ils nous induisent souvent en
erreur et donc notre connaissance de la réalité est bien souvent tronquée voire
fausse. Nos appétits, nos désirs, nos passions nous détournent du bien.
Philosopher, ce serait apprendre à mourir à notre corps pour vivre de notre
âme. Le corps nous cause mille difficultés par la nécessité où nous sommes de
le nourrir. Lorsque des maladies surviennent nous sommes entravés. Le corps
nous remplit d’amour, de désirs, de craintes, de chimères de toutes sortes. Les
guerres, les dissensions, c’est le corps seul et ses appétits qui en sont la
cause. Car on ne fait la guerre que pour amasser des richesses à cause du corps qui
nous tient en esclavage. Dans l’antiquité, les Stoïciens reprennent de
ce thème. Epictète
dans son "Manuel" dit que c’est un manque
d’imagination que de donner trop d’importance au corps, à la gymnastique, à la
nourriture, à la boisson, à la défécation, à la copulation ; tout cela
doit être tenu pour accessoire, c’est à l’esprit que doit aller toute
l’attention.
Descartes, au 17e
siècle, accentue cette distinction entre l’esprit et le corps. Il ramène le
corps à une machine dotée d’autonomie et fonctionnant selon les lois de la
mécanique. Il compare le corps à une horloge qui serait capable de se remonter
toute seule. Le corps est visible, étendu dans l’espace et matériel, tandis que
l’âme est immatérielle, invisible, une et indivisible. L’âme, c’est le lieu de
la liberté ; nos paroles, par
exemple, sont imprévisibles, personne ne peut savoir ce que je vais dire à
l’instant suivant ; le corps, au
contraire, c’est le lieu de la nécessité, du déterminisme car il est contraint
de se nourrir, de respirer, de boire, etc. Descartes a été particulièrement sensible
à l’union de l’âme et du corps. Il est clair que l’âme agit sur le corps et que
le corps agit sur l’âme. « La nature
m'enseigne aussi par ces sentiments de douleur, de faim, de soif etc. que je ne
suis pas seulement logé dans mon corps ainsi qu'un pilote en son navire, mais,
outre cela, que je lui suis joint très étroitement, et tellement confondu et
mêlé que je compose comme un seul tout avec lui. »
Au
fond tous les philosophes spiritualistes ont eu tendance à se méfier du corps
alors qu’ils ont survalorisé l’esprit et vu dans le corps l’entrave à notre
liberté. Inversement les philosophes matérialistes ont réhabilité le corps
comme seul support de notre existence et certains sont allés jusqu’à nier
l’existence de l’esprit. Par exemple les philosophes grecs présocratiques,
c'est-à-dire avant Socrate, ne séparaient pas vraiment le corps de l’âme. Démocrite puis et Epicure diront que l’âme comme
le corps sont constitués d’atomes. Certes l’âme serait façonnée avec des atomes
le plus subtils et parfaitement sphériques tandis que le corps serait constitué
d’atomes grossiers et irréguliers.
Au
17e siècle, Spinoza
répond à Descartes que l’âme et le corps, si on peut les séparer par la pensée,
sont en réalité deux modes d’expressions symétriques de la réalité humaine. Il
y a isomorphisme, parallélisme entre l’expression physique et l’expression
psychique. Il n’y a pas de causalité. Et il convient de ne pas les
hiérarchiser. Tout ce qui est bon pour le corps est bon pour l’âme et
inversement. C’est une vraie philosophie matérialiste dont les biologistes
contemporains se réclament, par exemple Jean-Pierre Changeux
qui affirme : « Je n’ai que
faire de l’esprit ».
Au
19e siècle
Nietzsche va plus loin encore, il fait l’apologie du corps, car il y voir
le véritable support et même la cause suprême de la conscience et de nos
facultés mentales les plus éminentes. A notre insu, ce sont nos appétits, nos
instincts qui se manifestent dans notre corps.
« Je suis tout entier corps, et rien d’autre
; l’âme est un mot qui désigne une partie du corps. Le corps est une grande raison, une
multitude unanime, un état de paix et de guerre, un troupeau et son berger.
Cette petite raison que tu appelles ton esprit, ô mon frère, n’est qu’un
instrument de ton corps, et un bien petit instrument, un jouet de ta grande
raison. » « Ainsi
parlait Zarathoustra ».
Aujourd’hui
les neurosciences disent clairement qu’on a que faire de l’esprit, que le
cerveau est l’unique siège et le créateur de la pensée et que donc le corps
suffit à tout expliquer y compris la vie psychique la plus éminente, la plus
haute, la littérature, les arts, la philosophie les sciences, la morale, etc.
Tout cela n’est finalement qu’une affaire de connexions entre les synapses des
neurones, qu’une affaire d’hormones, qu’une affaire de conduction électrique et
chimique au cœur du cerveau. Beaucoup de biologistes aujourd’hui professent une
théorie que l’on appelle « émergentiste » c'est-à-dire qu’à un niveau
de grande complexité du corps, ce qui est le cas du cerveau, émergent des
propriétés nouvelles, des qualités nouvelles, des caractères qui n’existaient
pas à des niveaux inférieurs. Ainsi les propriétés psychiques comme la
rationalité, le raisonnement, la faculté d’imaginer, de mémoriser ou d’être
conscient émergeraient à partir
de l’organisation très complexe des éléments physico-chimiques que l’on retrouve
dans l’ensemble de l’organisme. Mais toute la difficulté demeure d’expliquer
comment émergent ces facultés de l’esprit, comment nous faisons pour prononcer
un jugement moral, politique ou esthétique, par exemple. Et question plus
compliquée encore : Comment du déterminisme de ce corps nait une certaine
marge de manœuvre, une capacité de choix et de liberté ?
Ici
et il me semble qu’une distinction importante s’impose.
Nous
venons de parler du corps vus par les philosophes et les scientifiques. Mais de
quel corps nous parle le sujet du débat ? Est-ce qu’il n’existe pas
différents points de vue sur le corps ?
« De
quel corps parlons-nous ? » Paul Valéry pose cette
question lors de ses réflexions sur le corps dans « Variété V ». Il
précise que ce qui l’intéresse ce n’est pas le corps en général,
impersonnel, le corps anatomique, le corps disséqué et exposée dans les
traités de médecine. Ce corps objectif est fait d’organes, de tissus, de
muscles, de neurones. Ce n’est pas non
plus le corps vu par les autres, vu du dehors c'est-à-dire le corps social.
C’est le corps vécu du dedans, intime, personnel, ressenti de l’intérieur,
subjectif qui intéresse Paul Valéry. Il précise : « cet objet dont nous parlons comme d’une chose qui nous
appartient alors que nous lui appartenons ». Merleau-Ponty
dira : «Je ne suis pas devant
mon corps, je suis mon
corps ». Sartre :
« J’existe mon corps ».
Valéry
ajoutait qu’il existe un quatrième corps, lieu de toutes les questions
philosophiques telles que la relation de l’âme du corps, la question de la
mort. Est-ce que mon identité se réduit à mon corps ?
En
conclusion, je voudrais dire ceci. Aujourd’hui nous constatons que notre corps
occupe une place de plus en plus importante. Le corps est adulé, choyé,
encensé, on le scrute, on l’expose, on le soigne, on le cajole, on lui voue un
véritable culte. Les exercices physiques, les sports, les régimes alimentaires,
la diététique, les soins de beauté, le fitness, la chirurgie esthétique, tout
est fait pour conserver au corps une éternelle jeunesse. Certains écrivains ont
même décidé d’observer et de décrire leur corps au jour le jour. L’année
dernière, Pennac à publié le
« Journal d’un
corps » où il imaginait que son personnage se met à l’écoute de ses
besoins, de ses humeurs, de ses sensations au fur et à mesure de sa croissance
depuis l’âge de 12 ans jusqu’à sa mort à plus de 80 ans. Mais alors est-ce
qu’aujourd’hui notre corps ne nous obsède pas ? Est ce que nous ne nous laissons pas
gouverner par notre corps, ensorcelé par lui comme Platon le craignait déjà au
4ème siècle av. J-C ? On a parlé de la tyrannie du corps. Est-ce que ce
n’est pas une nouvelle forme d’aliénation ? Est-ce au détriment de notre
liberté ?
Citations :
F. Cheng : « Vivre ne se limite pas au fait
d’exister corporellement. Vivre engage l’être entier composé d’un corps, d’un
esprit et d’une âme. » « Cinq méditations sur la mort. »
B. Razon :
« L’enfer c’est le pur
esprit ». « Palladium ».
M. Proust : « Avoir un corps, c’est la grande
menace pour l’esprit. » « A la recherche du temps perdu ».
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Propos entendus
L’esprit
se construit avec son expérience du corps.
L’âme
est une notion religieuse.
L’esprit
a besoin du monde matériel.
Les
synapses sont des récepteurs.
L’esprit
peut enrayer les maladies.
Le
corps n’a de réalité que par la conscience.
Mon
rapport au corps ne passe pas par de grandes interrogations métaphysiques.
Nos
sens permettent de rejoindre l’esprit.
Quand
on a tout essayé avec l’esprit, il reste l’éros.
Le
cerveau nous pilote parfois à notre insu.
Les
outils améliorent nos sens.
L’homme
s’est développé grâce à la bipédie.
Le
corps est source de beaucoup de métaphores.
Le
corps est un outil de contestation.
L’esprit
prend le chemin du corps.
Le
handisport illustre la force de l’esprit.
Ce qui
ne tue pas rend plus fort.
La
liberté passe par le corps.
L’esprit
passe par la posture.
Les
musiciens ne sont pas des intellectuels.
Nous
sommes de passage sur cette terre.
Le
monde surnaturel a besoin de notre corps pour le développement spirituel de la
matière.
La
santé du corps est importante pour l’esprit et pour l’amour.
En Asie
les employés font des exercices du corps dans le cadre du travail.
L’exercice
permet de se défaire des scories du corps.
La
mode incite à l’anorexie.
En
Afrique le moteur de l’esprit, c’est la danse, la musique et toutes les
expressions du corps.
Il
faut lire « Au nom de tous les hommes » de Martin Gray.
L’âme
est au-delà du corps physique, social ou vécu.
Je n’ai
pas de conflit entre l’esprit et le corps, pas d’amertume pas de haine.
Je
suis émergentiste. L’homme est un animal social. L’homme est déterminé par la
société.
Je
ne sais pas ce qu’est l’esprit.
L’esprit
s’est développé par la peur de la mort.
C’est
à travers les mots et le langage que l’on pense.
Nos
capacités de conscience sont prodigieuses.
On
peut dépasser son corps.
Le
corps, le cerveau, le cœur sont indissociables.
La
matière a pour vocation d’aller vers l’esprit et la transcendance à travers le
vivant.
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LE CORPS
Arrivé
à maturité
Mon
corps m'offre toutes ses clefs
Pour
ouvrir mes capacités
Dans
un désir de volonté
Qui
est le maître du navire
Sans
guide celui-ci chavire
Mon
cerveau est le commandant
Il
est le moteur en avant
Mon
corps est un revêtement
Perméable
à mes sentiments
Que
je peux exprimer ainsi
Dans
mes gestes et actes avec lui
Je
dois en prendre tout le soin
Nécessaire
à son entretien
Pour
qu’il grandisse en harmonie
En
équilibre avec l'esprit
Dans
les limites physiques
le
corps n'est pas identique
Il
nous donne nos propres moyens
Pour
avancer dans le chemin
Dans
cette traversée sur terre
Dont
le voyage est éphémère
Je
me frotte à cette matière
Pour
exulter à ma manière
Arlette Coutin
octobre
2013
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EROS
De
son animalité
le
dormeur se défait
il
fait face au réveil
Il
éructe et il grogne
se
plie ou se déploie
sous
l'arc de la Vie
Une
voix guide sa main
l'appel
de la caresse
Alors
le corps cambré
se
rappelle à sa joie
Il
devient cette chair
qui
repousse la bête
Au
bout de son sommeil
Il
aime à gémir de Toi
Jeannine Dion-Guérin
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J’ai
pris pas mal de coups à bien y regarder et avalé pas mal de couleuvres et des
kilos entiers de cachets et de pilules de toutes les formes et de toutes les
couleurs. Des pour dormir et des pour se calmer et des pour se réveiller avec
le sourire et d’autres pour oublier et d’autres pour me stimuler et des
contraceptives et des gelées royales et des racines de ginseng et des vitamines
de a à z et des produits pour la peau et des huiles et des crèmes et des
masques de concombre et de toutes sortes de fruits et de pilling et de pâtes
odorantes et caoutchouteuses, j’ai fait des mouvements respiratoires et des
techniques de relaxation, toutes sortes de yogas et de mantras et de prières et
des phases contemplatives et de la boxe chinoise et du tai chi au bois de
Boulogne, j’ai couru, nagé, pédalé, sauté, escaladé des rochers, fait de la
barre au sol et des souplesses arrières, des étirements et des abdos et des
fessiers et des mini haltères de salon, des régimes d’assouplissement, des
cures de raisin et d’ananas. J’ai lu des bouquins sur l’Orient, je suis allée
écouter des gourous dans des appartements, j’ai visité des églises, des temples
et des mosquées, des synagogues et d’autres temples. J’ai parcouru la bible et
relue les Grecs.
J’ai
cru dans les cartes, les tarots Marseillais et le yi king, j’ai vu des voyantes
et marabouts, croisé des liseuses de bonnes aventures et des gitanes de
passage. J’ai écouté des magiciens et des astrologues et des astronomes et les
étoiles et les comètes et les nova, la théorie de la relativité et du temps et
vu des gens qui avaient vus des soucoupes et d’autres qui sortaient de leurs
corps, le fameux voyage astral. Je me suis adonné à l’hypnose, j’ai plongé dans
le bouddhisme et le Tao. Relu les poètes soufis et le cantique des cantiques.
J’ai
fait des pèlerinages, parcouru des labyrinthes. Je me suis lancée dans la politique,
j’ai croisé des humanistes et des maçons, des éclairés, des initiés. J’ai cru
dans des combats, humanitaires et autres, pour le désarmement, pour la paix,
pour les droits de l’homme, j’ai donné de l’argent, signé des pétitions, collé
des affiches, j’ai couru dans des meetings, j’ai soutenu, j’ai fait la grève,
j’ai pris des cartes, j’ai fait des réunions et les marchés, j’ai parlé des
heures dans des cafés, j’ai marché sur les boulevards, j’ai chanté, scandé,
porté des banderoles, collé des autocollants, j’ai fait des grèves de la faim,
je me suis engagée, désengagée, j’ai rendu des cartes, déchiré des engagements.
Je me suis engueulée, je me suis révoltée, je me suis bâillonnée, j’ai fait la
morte sur la place et l’amour un peu partout. J’ai lu Marx et Kant et Nietzsche
et Jung et Machiavel pour commencer. Je me suis abstenue de faire l’amour
pendant plus d’un an, puis je l’ai fait tous les jours, à deux et à plusieurs,
les hommes et les femmes. J’ai essayé. J’y ai cru. J’ai essayé, vous ne pouvez
pas savoir comme j’ai essayé de comprendre tout ça, d’y voir plus clair. Et là
je suis là à regarder par la fenêtre, à regarder s’il va faire beau.
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