mardi 29 mai 2012
Des Parisiens sur le Chemin du philosophe
Devant le Château de la chasse de l'ONF
dimanche 27 mai 2012
Compte rendu du café philo du 25 mai 2012
Nous
étions quarante-cinq ce vendredi 25 mai 2012 au centre culturel de Bouffémont
(Val d’Oise) pour débattre du sujet : « Peut-on
rire de tout ? ». Afin de ne pas rester dans les trop sérieux
discours de nombreux philosophes sur le rire, la soirée a été étayée de
quelques histoires drôles.
L’image
de « La
vache qui rit » pourrait résumer la teneur des débats. Le rire est
une mise en abyme de notre condition humaine et il permet de supporter les
vacheries de la vie pour la trouver après tout tendrement bonne.
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On
rit sur des faits, parfois à partir de clichés, notamment pour stigmatiser des
catégories de gens. Les régimes totalitaires organisent collectivement le rire
et les larmes, comme récemment en Corée du Nord. Les débats se sont bâtis
autour de trois aspects : 1) Qu’est-ce le rire ? De quoi
rit-on ? Qu’est-ce qui est risible ? 2) L’ambiguïté du rire. 3)
Pourquoi la loi fixe-t-elle des limites au rire ?
Le
rire a connu bien des vicissitudes dans l’histoire. Platon a condamné le rire au
motif qu’il se réalise aux dépens des autres. Pour Cicéron, il ne faut pas
rire de la misère des autres. Au Moyen-âge, le rire est péché et diabolisé. Saint Thomas d’Aquin
élabore une casuistique du rire. Il cite la Bible : « Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez » (Lc 6,25). (Mais l’Evangile
dit aussi : « Heureux vous qui
pleurez maintenant, car vous rirez » (Lc 6,21 ;o)). Thomas cite
également Saint Jean
Chrysostome, pour qui « ce n’est pas Dieu, mais le diable qui inspire de
jouer ». Saint
Ambroise commente : «Je pense donc
qu’il faut s’abstenir non seulement de l’excès, mais même de tout usage de la
plaisanterie ». A la Renaissance, le prêtre catholique Rabelais
réhabilite le rire. Aux 17è et 18è siècles, les philosophes Spinoza, Descartes ou Voltaire attribuent au rire
des vertus positives. Au 20è siècle, Freud, considère que l’humour est
une part entière de l’activité psychique dans « Le trait d'esprit et sa relation à l'inconscient »
(1905).
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La gélotologie est la
science qui étudie très sérieusement le rire. Plusieurs pays, financent des
chaires universitaires, des programmes de recherches, des colloques, des
universités d’été et de savantes publications sur le sujet.
Voici
quelques éléments de gélotologie glanés dans la littérature.
Le mot humour apparaît en France au 18è
siècle importé par d’Angleterre par les philosophes des Lumières.
Contrairement à l’affirmation de Rabelais
que le rire est le propre de l’homme, certains animaux, des primates et des
rats rient également. Les rats « s’éclateraient la rate » quand
on leur chatouille le ventre, selon
Ratoupédia. Certains psychologues comportementaux objectent que le vrai
rire nécessite la conscience de soi ou l'aptitude à s'identifier à autrui, et
qu'en conséquence les animaux ne rient pas vraiment de la même manière que
l'humain. Le rire humain se rapporte à l’humour qui est inaccessible aux
animaux.
D’après
Marina
Davila Ross, de l’université de Portsmouth, les humains riraient depuis 10 à 16 millions d’années. La partie du
cerveau responsable du rire serait plus ancienne dans l’évolution de l’espèce
que celle de la parole. Le rire et le sourire impliquent de montrer
amicalement les dents et constitue une inversion de sens des expressions de
peur, de douleur ou d’agression communes chez les animaux. Montrer les dents en riant signifie qu’on appartient au même groupe
et permet aussi de montrer qu’on a les dents saines (et donc le reste le serait
aussi).
Les
modalités expressives émotionnelles primitives, comme le bâillement, les pleurs
et le rire, sont contagieux, c'est le rire qui est le plus communicatif. Leur
fonction biologique réside primordialement dans la synchronisation émotionnelle
d'un groupe social. Le rire peut donc
aussi signifier l’exclusion de ceux qui n’appartiennent pas au groupe. C’est
une arme d’humiliation et de déshonneur (blagues racistes). Les blagues
racistes fonctionnent toutes selon des registres similaires (puanteur, paresse,
couardise, malhonnêteté, mœurs dépravées, etc.). A cet égard il est intéressant
de noter que certains pays font les mêmes genres de blagues sur les Français que
ceux-ci en font sur d’autres nations (avec certes davantage de
talent ;o)). La signification sociale de l’action hostile du rire est tout
aussi importante que celle qui unit le groupe.
Un rire solitaire répétitif est
généralement considéré comme anormal (comportement histrionique).
Le rire est souvent une menace pour les
détenteurs du pouvoir qui vont donc chercher à détourner ou à canaliser ce
rire par la ritualisation, celle du carnaval par exemple.
D’année en année Mayence ou de Bâle organisent des carnavals garants du
consensus social rhénan. Le carnaval de Rio, quant à lui, est un puissant
antidote à la misère sociale dans les favelas.
Le
rire aurait de nombreuses vertus
médicinales pour l’individu et de bien-être social. Des clowns
interviennent avec profit dans des hôpitaux pour enfants ou en gériatrie. Le rire
diminue le stress et la douleur ; il renforce le système
immunitaire ; il stimule les muscles, les poumons, le cœur, le système
hormonal. Le rire active 17 muscles du visage et 80 dans l’ensemble du corps. L’air
circule à 100 km/h dans les poumons lors d’un éclat de rire. Il détend aussi
les muscles de la vessie d’où l’expression « se
pisser dessus de rire ». Rire aux larmes constitue un phénomène que
les scientifiques ne s’expliquent pas bien. Les larmes comme le rire
serviraient à indiquer à l’entourage un état d’émotion. Le rire est
l’expression corporelle d’un état mental marqué par de l’humour.
L’humour est une des conséquences de la
capacité de réflexivité du système cognitif humain. L’homo sapiens sapiens,
sait qu’il sait. Il est capable de produire une pensée et un sentiment sur son
comportement et celui de l’autre. L’humour peut être mis en abyme. On peut rire
à des degrés différents comme l’image en abyme de la « Vache qui
rit » sur les boites de fromage.
Sigmund Freud a écrit en
1905 un traité sur « Les mots d’esprits et ses rapports avec
l’inconscient ». L’humour en dit davantage sur ses auteurs que son contenu
propres.

L’autocensure appartient aux stratégies
d’adaptation voire de survie, un moyen de
rire sous cape quand on n’en pense pas moins, dans les environnements
contraignants ou totalitaires.
Il
est vivement recommandé de rire lorsque le chef ou le prof fait volontairement
de l’humour et de surtout ne pas rire lorsque son humour est involontaire.
L’autodérision sert à affirmer
l’identité de la personne ou du groupe. Il apparaît que le succès de Bienvenue chez les
Chtis s’explique essentiellement par la célébration des valeurs de
solidarités populaires.
Le rire est instrumentalisé en marketing
pour rendre les cerveaux réceptifs à la
publicité, notamment à la télévision.
La
perception de l’humour d’un humoriste se bonifie parfois comme le vin avec le
temps et la notoriété. Par exemple, Molière, Louis de Funès, Brassens, le film « Le
père Noël est une ordure » et d’autres étaient considérés comme
vulgaires par certaines élites. Ils appartiennent aujourd’hui au patrimoine
culturel et sont des trésors nationaux. Inversement certains types d’humour (sur
les homosexuels, les hommes efféminés, les juifs, les arabes, les Allemands,
les militaires, les prostituées) sont de moins en moins politiquement corrects
sauf dans quelques milieux. L’almanach Vermot ou les chansonniers pétomanes, qui
ont pu faire rire avec leur humour peu raffiné, sont quelque peu passés de mode.
Aujourd’hui il faut franchir le second voire au troisième degré de l’abyme du
rire pour en sourire encore.
La satire améliore les mœurs en faisant
rire est une pratique vieille comme le monde. « Castigat ridendo
mores», la comédie châtie les mœurs en riant, selon le proverbe latin. Le mot κωμῳδία /
kômôidía est formé de κῶμος / kỗmos « fête en l’honneur de Dionysos », et ᾠδή /
ôidế « chant ». Le guignol, le clown, les écrits, les graffiti, les slogans
(mai 68), la presse satirique, le cinéma sont des vecteurs de la satire.
Aujourd’hui l’humour satirique prend une part significative des programmes des
télévisions et des messageries d’internet.
Si l’on peut rire d’à peu près tout, ce
sont les circonstances et les personnes en présence, qui en déterminent
l’opportunité. Le rire peut être haïssable, de mauvais goût, inapproprié ou
nul même au troisième degré. Il faudrait ne pas rire face à des personnes
concernées directement ou indirectement sur des sujets graves comme la maladie,
le handicap, le racisme, les génocides, l’esclavage ou certaines croyances
religieuses.
On
peut éventuellement rire de la maladie d’Alzheimer (qui permet de se faire
nouveaux amis chaque jour ;o)), mais évidemment pas des personnes
atteintes de cette terrible maladie ou de leur entourage qui en souffre
énormément. On peut rire pour conjurer le désespoir.
A
propos de son film « La
vie est belle », Roberto
Benigni a déclaré :
« Rire nous sauve, voir l’autre côté
des choses, le côté irréel et amusant, ou réussir à l’imaginer, nous aide à ne
pas être réduits en miettes, à ne pas être écrasés comme des brindilles, à
résister pour réussir à passer la nuit, même quand elle s’annonce très très longue.
Dans ce sens, l’on peut faire rire sans blesser personne : l’humour juif est téméraire. »
Le
rire sur les arrogants et les prétentieux est par contre à consommer sans
modération.
Propos entendus
-
Le rire est provoqué par une rupture, un
télescopage de logiques.
-
Le rire naît de l’intrusion de l’anormal dans le
normal.
-
L’attentat contre « Charlie Hebdo » ne
fait pas rire.
-
Il y a des gens qui ne rient jamais.
-
Il devrait y avoir des limites pour rire contre
les religions, afin de ne pas monter les uns contre les autres.
-
Au contraire, il faut se moquer de toutes les
religions.
-
On peut rire ne veut pas dire qu’on en a le
droit.
-
Il appartient aux choses et aux gens de ne pas
être risibles.
-
Le contexte sociétal est déterminant pour ce
droit au rire.
-
On rit sur les comportements et non sur les
personnes.
-
Le rire du petit enfant est innocent.
- Le rire est antérieur au langage. Il souligne le
fait. C’est une interrogation.
-
Il y a le rire passif et le rire actif.
- Dans « Au nom de la rose » d’Umberto
Eco, un moine bibliothécaire brûle tous les livre parce qu’un seul faisait
rire.
-
On peut rire de l’euthanasie.
-
Il faut épingler la bêtise.
-
Faut-il vraiment respecter toutes les
cultures ?
-
Il faut respecter les croyants.
-
L’humour sert à gérer le stress.
-
On peut mettre les rieurs de son côté.
-
Le « harcèlement
jovial » consiste à « balancer des vannes » pour se
rendre intéressant.
-
Ce harcèlement jovial peut s’avérer dévastateur
à l’école, dans le milieu professionnel
dans les familles ou dans n’importe quel groupe.
-
Le harcèlement jovial est produit principalement
par les adolescents et les jeunes adultes. Il constitue une des armes des pervers narcissiques de tout âge et de tout rang social. Il peut se retourner
contre son auteur.
-
La dérision et l’auto-dérision récurrentes sont des pathologies.
-
Rire est l’expression d’un malaise. L’humour est
lié à l’angoisse.
-
Une blague sur sa propre maladie (cancer) peut
mettre l’entourage à l’aise.
-
L’humour permet de prendre du recul par rapport
à la norme.
-
La liberté de rire finit ou commencent les
pleurs de l’autre.
-
Le rire se vend et s’achète dans les médias pour
appartenir à un groupe.
-
L’humour nous fait rester humains.
-
Le droit pose des limites à l’humour :
insulte, diffamation, injure publique, provocation à la discrimination, trouble
à l’ordre public, respect de la vie privée.
-
Je ne ris jamais car j’ai les dents jaunes. Mais
intérieurement je ris de tout.
-
La condition humaine est partagée par tous. Le
rire dépend de l’intention, mais il est indispensable.
-
Il y a le rire involontaire.
-
Selon Marcel Pagnol : « Le rire a été donné aux hommes par
Dieu pour les consoler d'être intelligents»
-
Rire de compassion, d’exorcisme, de bravade,
thérapeutique....
-
Rire contre la bêtise. Rire de résistance.
-
Je ne réfléchis pas quand je ris.
-
Le rire tire d’affaire.
-
Les humoristes de métier me font peu rire.
-
Organiser le rire, c’est manipuler.
-
Distinguons le rire fou du fou-rire.
-
J’aime les pince-sans-rire.
-
Je n’aime pas rire, mais j’aime faire rire.
-
Rire c’est la chose la plus sérieuse du monde.
-
Le Chinois rit dans son bol de riz.
-
La démocratie, c’est le droit de rire.
-
Rire de résistance : rire de la bêtise,
rire du chef.
-
Rire c’est formidable.
-
N’hésitons pas à rire et le miracle
s’accomplira.
-
Les petits enfants ne sourient plus assez.
-
Rire c’est la liberté.
-
Non au rire méchant.
-
Le sourire désarme l’agresseur.
-
Le rire a une fonction métaphysique.
-
C’est un moyen de défense.
-
L’humour, c’est quand on rit quand même.
Citations
- «Le rire et les pleurs sont
cousins». Goethe
- « Il ne suffit pas d’être juste, il
faut être prudent ». Aristote
- « Pour Baudelaire, le rire naît
du choc entre deux infinis, celui qui sépare l'homme de Dieu et celui qui le
sépare de l'animal. Mais l'homme est lui-même l'entrechoc fugace de ces deux
infinis ». Daniel Sibon
- « L'humour est la politesse du
désespoir. » selon Oscar
Wilde, « L’humour, que l’on dit la politesse du désespoir, est également la
pollution de l’espoir. »
- « L’humour est une machine à changer
le malheur en plaisir, mais il arrive que le malheur se venge. » Anonyme
- « Ironiser, c’est s’absenter » Jankelevitch
- «
L’humour : monde de pensée tendant à l’épargne de la dépense nécessitée
par la douleur. » André
Breton.
- « Si Dieu existe, j’espère qu’il
a une excuse. » Woody
Allen
- « Le démon de midi survient
souvent à quatorze heures ». Pierre Dac
- « Heureux le fêlés car ils
laissent passer la lumière » Michel Audiard
- « L’alcool ne résoudra aucun de
vos problèmes. Cela dit, le lait non plus. » Sammy Davis Jr
- Le gars qui arrive au goulag. -T’as
pris combien ? - 3ans. - T’as fait quoi ? - Rien. - Pas possible, rien c’est 5
ans.
- La tartine ne tombe pas toujours du
côté beurré. Ça dépend de la valeur du tapis.
- Pourquoi Jésus était juif ? C’était un
dieu pour sa mère. Sa mère était vierge. A 30 ans il habitait chez les parents.
Il a monté une multinationale. (Coluche)
- Le condamné trébuche en montant à
l’échafaud : « la semaine commence mal ! », dit-il.
- Pour faire fortune : acheter un Français
au prix qu’il vaut et le revendre au prix qu’il se croit valoir. (Histoire de
Belges)
- Question à radio Erevan (Arménie du temps
de l’URSS) : "Est-ce qu'un petit fonctionnaire peut critiquer un grand
fonctionnaire ?" Réponse : "En principe oui, mais une seule
fois."
- Différence entre un diplomate et une
femme. Pour un diplomate, oui c’est peut-être, peut-être c’est non. Il ne dit
jamais non. Pour une femme, non c’est peut-être, peut-être c’est oui. Une femme
ne dit jamais oui.
- Une femme voilée va se faire opérer.
Le chirurgien s’approche avec le bistouri. Vous ne m’anesthésiez pas ? Non
aujourd’hui j’opère halal.
- La différence entre Berlusconi et
Dieu ? Dieu ne se prend pas pour Berlusconi.
- Un Ukrainien est convoqué au KGB.- Comment
cela se fait-il que vous receviez régulièrement des colis d'Israël?- Pendant la
guerre j'ai caché un juif.- Et vous, un Ukrainien soviétique, n'avez pas honte
de recevoir des colis de ces sionistes ? Avez-vous songé à votre avenir?- Oui,
j'y ai songé. Actuellement, je cache un Chinois.
Anecdotes tragi-comiques
- L'effet contagieux du rire peut amener
à des «épidémies de rire ». L'épidémie de rire qui a touché en 1962 la
Tanzanie, et qui s'est étendue jusqu'en Ouganda, a affecté environ un millier
de personnes et fut la plus sévère de toutes. L'épidémie se propagea, ce qui
obligea à fermer les écoles plusieurs fois et sur plusieurs mois. De nombreuses
personnes sévèrement atteintes durent être hospitalisées. Certains auteurs ont suspecté
une psychose de masse sous-jacente.
- Au Kansas, une loi récemment signée
par le gouverneur Sam Brownback autorise désormais les pharmaciens à non
seulement refuser de vendre à une femme les contraceptifs prescrits par son
médecin, mais en plus de ne pas lui rendre l’ordonnance afin de l’empêcher
d’aller dans une autre pharmacie pour les obtenir. Les pharmaciens n’ont qu’à
invoquer leurs convictions religieuses.
« Chaque goutte de sperme est sacrée », Monthy Python.
Bridget Kyoto explique "Comment réussir sa fin du monde"
Graffiti antiques dans les ruines romaines
«
Cornelia Helena est la maîtresse de Rufus », « J'ai baisé ici le 19 et le 13
des calendes de septembre », « Pyrrhus salue son confrère Chius. J'ai de la
peine d'avoir appris que tu étais mort. Alors adieu », « Si tu as compris ce
que peut l’amour, si tu as conscience d’être humain, prends pitié de moi,
permets-moi de venir ; Fleur de Vénus… », « Tu es une charogne, tu es un
rien du tout », « Mur, je suis surpris que tu ne te sois pas effondré sous le
poids des bêtises de tous ceux qui ont écrit sur toi ».
Slogans mai 68
À
bas le réalisme socialiste. Vive le surréalisme.
Jeunesse
Marxiste Pessimiste
Abolition
de l'aliénation.
Aimez-vous
les uns sur les autres.
"Amnistie
: acte par lequel les souverains pardonnent le plus souvent les injustices
qu'ils ont commises." (Ambrose Bierce)
Arrêtez
le monde, je veux descendre.
Attention
les cons nous cernent.
La
barricade ferme la rue mais ouvre la voie.
La
vie contre la survie.
Consommez
plus, vous vivrez moins.
"Dans
la révolution, il y a deux sortes de gens : ceux qui la font et ceux qui en
profitent." (Napoléon)
Déboutonnez
votre cerveau aussi souvent que votre braguette.
Élections
pièges à cons.
Godard
: le plus con des Suisses pro-chinois !
"Il
faut porter en soi un chaos pour mettre au monde une étoile dansante."
(Nietzsche)
Ils
pourront couper toutes les fleurs, ils n'empêcheront pas la venue du printemps.
J'emmerde
la société et elle me le rend bien.
Millionnaires
de tous les pays, unissez-vous, le vent tourne. (C’est ce qu’ils ont fait
depuis 40 ans, mais le vent n’a pas tourné.)
Les
murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs.
Bibliographie
Le Rire par Henri
Bergson, sur Wikisource
samedi 26 mai 2012
Panneaux dédiés à Jean-Jacques Rousseau
Pour la célébration du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, nous avons renouvelé aujourd'hui les panneaux installés sur le Chemin du philosophe. Nous avons illustré les thèmes des onze stations (L'homme et le cosmos, Passage, L'homme et l'histoire, L'homme et la nature, etc.)°par des extraits appropriés de l’œuvre de Rousseau. Catherine Delaunay et Annick Gondard ont effectué la recherche de ces textes. Pierre Lortet a conçu les panneaux et le musée JJ Rousseau de Montmorency a mis gracieusement à disposition les reproductions de l’herbier de JJ Rousseau. Ces panneaux sont téléchargeables ICI.
samedi 19 mai 2012
Deuil la Barre sur les pas de Jean-Jacques Rousseau
A l'occasion de la Nuit européenne des musées, les affaires culturelles de la mairie et l'association pour l'histoire et le patrimoine de Deuil la Barre (Val d'Oise) ont eu l'excellente idée de programmer une sortie ce samedi après-midi 19 mai 2012 sur les pas de Jean-Jacques Rousseau sur notre Chemin du philosophe en forêt domaniale de Montmorency. Catherine Delaunay a commenté des textes choisis de JJ Rousseau en rapport avec les thèmes du Chemin.
Une trentaine de personnes ont participé à cette promenade printanière de 2 h 30 fort instructive qui s'est terminée par un goûter au Château de la chasse de l'ONF. Un quizz ludique a été proposé aux participants. Il a donné lieu à une distribution de prix dans la soirée.
dimanche 13 mai 2012
Sur les pas de Jean-Jacques Rousseau sur le Chemin du philosophe
Faisant suite à celle d'hier, la promenade d'aujourd'hui, qui a également rassemblé dix-huit personnes, nous a conduits sur les pas de la pensée de JJ Rousseau à travers les onze thèmes (l'homme et le cosmos, et la nature, et la société, etc.) qui jalonnent notre Chemin du philosophe. Catherine et Annick avaient réalisé un important travail de relecture de Rousseau pour trouver des extraits pouvant illustrer nos thèmes. Ces textes sont reproduits sur les panneaux téléchargeables. Ceux-ci ne sont pas encore installés sur le Chemin à cause de problèmes de délais de fabrication indépendants de notre volonté, comme on dit. Catherine Delaunay a toutefois brillamment réussi à nous montrer l'actualité (ou la permanence) de la pensée de Rousseau dans bon nombre de domaines de notre vie personnelle ou politique.
Le petit goûter a contribué à renforcer la convivialité de cette belle matinée.
samedi 12 mai 2012
Sur les pas de Jean-Jacques Rousseau à Montmorency
Pour célébrer l'année du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, le Chemin du philosophe a programmé plusieurs activités. Aujourd'hui, nous étions dix-huit "sur les pas de JJ Rousseau à Montmorency". Par un temps magnifique et en trois heures d'explications passionnantes, Christine Seeboth nous a conduits à travers la ville sur les lieux historiques du séjour de JJ Rousseau à Montmorency : le Mont-Louis, l'abbatiale, l'Ermitage, la Châtaigneraie. Catherine Delaunay a agrémenté le pique-nique de l'histoire amoureuse de Rousseau avec Madame d'Houdetot. Cette balade a permis à beaucoup d'entre nous de découvrir les charmes des ruelles de la ville de Montmorency ainsi que la Châtaigneraie dont les vieux arbres remarquables ont probablement connu JJ Rousseau.
Dans la rue de la Châtaigneraie, devant la maison où avait résidé le poète allemand Heinrich Heine dans les années 1830, notre amie Hermine Oswald a déclamé de manière impromptue, et en VO, son fameux poème Lorelei. "Ich weiss nicht was soll es bedeuten...."
Dans la rue de la Châtaigneraie, devant la maison où avait résidé le poète allemand Heinrich Heine dans les années 1830, notre amie Hermine Oswald a déclamé de manière impromptue, et en VO, son fameux poème Lorelei. "Ich weiss nicht was soll es bedeuten...."
jeudi 3 mai 2012
mardi 1 mai 2012
Compte rendu du café philo du vendredi 27 avril 2012
Nous étions vingt-cinq en cette période de vacances scolaires et de début de pont du 1er mai au centre culturel de Bouffémont pour débattre du sujet « La sobriété peut-elle être heureuse ? » Catherine Gay, Catherine Delaunay et Pierre Haller ont introduit le thème. Mais auparavant nous avons choisi les sujets des cafés philo des quatre prochains mois. Voir les programmes en tête du blog. Après les présentations et avant le débat, Patrick Liautaud nous a servi un poème de notre amie Jeannine Dion-Guérin ainsi que les paroles de « Avoir et être » d’un auteur inconnu.
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Intervention de Catherine Gay
La sobriété peut-elle être heureuse ?
C’est une question qui est dans l’air du temps et qui va se poser de plus en plus.
Je vais commencer par citer deux personnes qui ne se sont pas contentées d’écrire à ce sujet, mais qui mènent une vie en accord avec ce qu’elles proposent.
Il nous dit : « Difficile de définir la sobriété telle que je la ressens ; c’est une forme de résistance à la consommation outrancière ; elle peut être justifiée par le besoin de contribuer à l’équité dans un monde où surabondance et misère cohabitent ; le monde religieux en a fait une vertu, une ascèse ; c’est un peu tout cela, mais plus que cela. Quelque chose de subtil inspire cette posture et fait advenir en nous cette gratitude qui, en s’épanouissant au plus profond de notre être, donne la plénitude de leur valeur à tous les présents de la vie ; elle donne à notre présence au monde une légèreté singulière, celle de la sobriété tranquille et heureuse. »
Pierre Rabhi fait référence à ces peuples qui, malgré l’abondance, restent modérés ; le peuple Sioux, lors des grandes chasses de buffles surabondants, n’en prélevait que le nombre leur permettant de vivre ; rien des animaux sacrifiés ne devait être dilapidé, tout gaspillage était prohibé. Cette sobriété dans l’abondance est une leçon de noblesse. L’Indien Seattle disait notamment au président des USA qui lui proposait d’acheter le territoire de son peuple : « Je suis un sauvage et je ne connais pas d’autre façon de vivre. J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur une prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait ».
Si l’on veut instaurer sur notre planète une équité inspirée par les impératifs moraux, on est amené à dire que, tant que l’ensemble des êtres humains n’a pas accès aux ressources vitales, il y a spoliation. Tant qu’un seul enfant nait dépourvu de ce qui lui revient légitimement en tant qu’être vivant, il y a usurpation car les biens venus de la terre sont dédiés à tous les êtres vivants qu’elle héberge et non à ceux qui par la loi du marché, les finances ou les armes, s’en attribuent la légitimité ; un tel hold-up est aujourd’hui entériné par des lois qui en font une norme. Misère et richesse cohabitent sur notre planète et créent des hiérarchies de l’avoir et du pouvoir débouchant sur toutes les répressions. Consommer, au risque de toutes les obésités physiques et psychiques, est de fait une sorte de devoir civique. L’exemple du Qatar est édifiant ; ce pays est l’un des plus riches du monde ; son PIB/habitant est le plus important après le Luxembourg. C’était un peuple de bédouins se nourrissant essentiellement de quelques dattes séchées, ce qui ne les empêchait pas de sillonner à pied des montagnes de sables et de cailloux ; aujourd’hui la moitié sont obèses, beaucoup sont diabétiques ; il y a deux fois plus d’obèses et de diabétiques qu’aux USA !...Robert Kennedy a écrit peu de temps avant sa mort « Le PIB mesure à peu près tout, sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue ».
Face à ces défis, nous devons trouver une façon d’habiter la planète et d’y inscrire notre destin d’une manière satisfaisante pour le cœur, l’esprit et l’intelligence ; ce réenchantement du monde sera accompagné par la beauté qui s’épanouit en générosité, équité et respect. Les évolutions climatiques, écologiques et sociales, prévisibles comme imprévisibles, nécessitent une créativité sans précédent. La sobriété heureuse ne peut se réduire à une attitude personnelle, repliée sur elle-même ; nous sommes impérativement invités à travailler à la sobriété du monde, à mettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations. Alors on se surprend à rêver à des rencontres au sommet de toutes les nations, enfin conscientes que la planète Terre n’est pas un gisement de ressources à épuiser, mais une très précieuse oasis de vie.
« Seulement après que le dernier arbre aura été coupé, que la dernière rivière aura été empoisonnée, que le dernier poisson aura été capturé, alors seulement vous découvrirez que l’argent ne se mange pas ».
L’initiation à la modération peut être source de joie car elle rend plus accessible la satisfaction, abolissant la frustration que produit le « toujours plus », entretenue par une publicité au talent pernicieux.
Extraits de la « charte internationale pour la terre et l’humanisme » proposée par Pierre Rabhi et son association :
« Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Quels enfants laisserons-nous à la planète ? »
La planète Terre est à ce jour la seule oasis de vie que nous connaissons au sein d’un immense désert sidéral. En prendre soin, respecter son intégrité, tirer parti de ses ressources avec modération, y instaurer la paix et la solidarité entre les humains, dans le respect de toute forme de vie, est le projet le plus réaliste, le plus magnifique qui soit.
La sobriété heureuse : face au « toujours plus », qui ruine la planète au profit d’une minorité, la sobriété est un choix conscient inspiré par la raison ; elle est un art et une éthique de vie, source de satisfaction et de bien-être ; elle représente un positionnement politique et un acte de résistance en faveur de la terre, du partage et de l’équité.
Je citerai ensuite Jean Baptiste de Foucauld qui nous propose un concept dans la ligne de la sobriété heureuse, « L’abondance frugale ».
Pas n’importe quelle frugalité, car il s’agit de persuader et de partager, non de contraindre. Il n’est pas question évidemment de favoriser la pauvreté ; mais bien au contraire de mettre de l’abondance là où il y a la misère et la pauvreté sous toutes leurs formes (matérielles, relationnelles, spirituelles …), et de mettre plus de frugalité là où il y a excès de richesse ; pas question de renoncer à l’abondance, mais à condition d’en convertir le sens ; impossible d’échapper à une certaine frugalité, mais il ne s’agirait pas d’un appauvrissement, car ce dont nous serions privés procure des satisfactions de plus en plus marginales. A bien y regarder, c’est d’un retour aux sources qu’il s’agit : le stoïcisme visait la communion avec le monde et Epicure était frugal. Abondance et frugalité vont cheminer ensemble et s’étayer l’une l’autre
L’abondance frugale et solidaire est le moyen de remettre l’économie à sa place, de la mettre au service du développement personnel de chacun, solidaire du développement de tous et de la société dans son ensemble.
Quelle abondance pour répondre à quel besoin ? Parmi les besoins il faut distinguer le vital, le nécessaire, l’essentiel et le superflu.
Le « vital » permet de survivre (manger, se vêtir, se loger, se soigner), il est à peu près commun à chacun et l’on sait qu’il n’est pas assuré à tous.
Le « nécessaire »dépend du lieu, du climat, du développement atteint ; il fait l’objet d’une description sociale pour un pays donné.
L’« essentiel » ne recouvre que partiellement le nécessaire ; ce qui est jugé socialement nécessaire n’est pas essentiel pour chacun et, en revanche, la plupart d’entre nous ont des besoins essentiels très variés ; c’est ce quelque chose de plus qui donne sel et sens à la vie ; une habitude, un luxe, une esthétique, un environnement, un objet…
La vraie forme d’abondance serait que chacun puisse accéder à ce qui, pour lui, est essentiel ; cela n’a rien à voir avec le « superflu », qui peut se définir comme ce qui n’est ni nécessaire ni essentiel, voire comme tout ce qui n’est pas essentiel et auquel on assimile, trop souvent, et à tort, l’abondance.
Au niveau individuel, l’éthique de l’abondance frugale invitera chacun à définir ce qui lui est vraiment essentiel, puis à s’efforcer de l’obtenir, tout en contrôlant maîtrisant le superflu ; la frugalité est ici la condition de la solidarité : le superflu doit être mobilisable pour autrui ou pour l’environnement. A chacun de trouver sa définition de l’essentiel, qui peut être plus ou moins exigeante ; à chacun de mettre fin à cette course à la consommation, à la richesse et à l’argent ; à chacun de déterminer l’équilibre entre abondance et frugalité, entre épanouissement et solidarité sociale, entre temps de travail et temps libre, entre augmentation de patrimoine et redistribution volontaire… C’est à la conscience bien informée de chacun d’orienter sa production, sa consommation, son épargne et la redistribution. Il s’agit de détecter les richesses qui créent une accoutumance, une dépendance, un emprisonnement, et trouver les moyens de s’en libérer ; la richesse recherchée selon la logique du toujours plus ne peut être assimilée à l’abondance, car cette richesse crée des pauvretés inconscientes ou invisibles. La frugalité ne doit pas être imposée mécaniquement et indistinctement à tout le monde, car chacun a droit à sa forme particulière de luxe, voire d’excès, à sa part de rêve qui lui est essentielle. Le droit à l’abondance n’est pas un droit à toutes les abondances, à tous les luxes ; l’abondance totale pour tous est une démagogie dans un monde où la rareté domine.
L’abondance frugale permet de répartir équitablement, en respectant les différences de chacun, la relative abondance existante ; il importe donc de revenir aux besoins essentiels, matériels, relationnels et spirituels, et mettre de l’abondance là où il y a de la pauvreté, et de la frugalité là où il y a fallacieuse richesse .
Si on cherche une image pour représenter l’abondance frugale, c’est peut-être l’image du jardin qui convient le mieux, car il rassemble la fertilité et l’imagination, mais aussi l’ordre, la rigueur, un minimum d’économie de moyens pour laisser place à l’espace, à la rêverie et à l’imagination.
Pierre Rabhi nous a rappelé que nous habitions sur une planète dont les ressources étaient limitées. Il nous met en face de nos responsabilités ; avons-nous conscience de notre devoir de partager équitablement ces ressources entre les hommes ?
On peut aussi citer Gandhi : « Il y a suffisamment de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais il n’y en a pas assez en revanche s’il s’agit de satisfaire le désir de possession, l’avidité, la cupidité, même de quelques-uns ».
Un exemple : le territoire français ne peut pas nourrir tous les animaux nous permettant de manger de la viande tous les jours et parfois deux fois par jour. Pour nourrir ces animaux il faut importer d’énormes quantités de soja du Brésil ; conséquences, des milliers de paysans sont expropriés, la déforestation augmente…Savez-vous que de ce fait chaque français accapare 60m2 de terre au Brésil. ? Pour être équitable vis à vis de la planète il ne faudrait pas manger de la viande plus de 2 ou3 fois par semaine. Personnellement c’est ce que je fais, je me porte bien et j’en suis heureuse. Notre consommation excessive de viande, non seulement pille la planète, mais entraine chez nous de graves problèmes de santé, obésité, diabète, cancer…(Qatar)
Comme le prône J.B.Foucauld chacun peut choisir son essentiel en abondance et être frugal, sobre pour le superflu.
La sobriété heureuse c’est de placer l’homme au cœur de nos préoccupations, de nos comportements, c’est plus de liberté ; c’est de placer l’être avant l’avoir, c’est une éthique de vie.
Le temps est venu de savoir où nous voulons aller et quelle vie nous voulons vivre pour que notre passage sur terre ait un sens.
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Intervention de Pierre Haller
Définition
La simplicité volontaire ou sobriété heureuse est un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation en vue de mener une vie davantage centrée sur des valeurs "essentielles". Il s’agit d’un engagement personnel et/ou associatif accordant la priorité aux valeurs familiales, communautaires et/ou écologiques voire spirituelles.
Histoire
La valorisation de l’ascétisme remonte à l’antiquité où il était prôné par les mystiques juifs, grecs, hindous, taoïstes ou bouddhistes. Les philosophes grecs, stoïciens, cyniques ou épicuriens, invitaient à discerner le nécessaire du superflu, le naturel de l’artificiel et à revenir vers la simplicité et la liberté intérieure. Les communautés monastiques en occident et en orient ont choisi volontairement la frugalité. Saint-François d’Assise (1181-1226) en Italie et Gandhi (1869-1948) en Afrique du Sud et en Inde, sont les figures emblématiques de ce concept de la simplicité volontaire. Gandhi a été très marqué par les béatitudes du sermon sur la montagne de Jésus « Heureux les pauvres de cœur (ou d’esprit, selon les traducteurs), le Royaume des Cieux est à eux. ». La simplicité volontaire de Gandhi, au service de l’action politique aux côtés des parias et des intouchables, s’est exprimée à travers la non-violence, le végétarisme, le jeûne fréquent, les vêtements dépouillés, la chasteté, de longues marches à pied, les exercices spirituels, l’appel à la transcendance.
On peut trouver les traces de la simplicité volontaire en Europe dans les écrits du Russe Léon Tolstoï (1828-1910) et du Britannique John Ruskin (1819-1900), et en Amérique du Nord dans les écrits de Henry David Thoreau (1817-1862), auteur de « Walden ou la vie dans les bois ».
Au 20è siècle, Henri Bergson (1859-1941) a posé dans son dernier livre Les deux sources de la morale et de la religion (1932) un diagnostic de la surconsommation : « Jamais, en effet, les satisfactions, que des inventions nouvelles apportent à d'anciens besoins, ne déterminent l'humanité à en rester là ; des besoins nouveaux surgissent, aussi impérieux, de plus en plus nombreux. On a vu la course au bien-être aller en s'accélérant, sur une piste où des foules de plus en plus compactes se précipitaient. Aujourd'hui, c'est une ruée ».
Ivan Illich (1926-2002) et Jacques Ellul (1912-1994) sont considérés comme deux des pères de l'idée de décroissance et de simplicité volontaire. Illich a critiqué dès les années 1960 les systèmes de transports basés sur l’automobile, ainsi que les systèmes scolaires et médicaux, sans que ceux-ci aient connu depuis lors la moindre inflexion dans leur course en avant.
Référence majeure de la contreculture, « La Société de consommation » est un ouvrage du sociologue français Jean Baudrillard datant de 1970. L'auteur y explique que, dans les sociétés occidentales contemporaines, les relations sociales sont structurées par la consommation de masse. La consommation n’est plus, pour chaque individu, le moyen de satisfaire ses besoins mais plutôt de se différencier. La société de consommation repose sur son propre mythe : « Si la société de consommation ne produit plus de mythe, c’est qu’elle est elle-même son propre mythe. À un Diable qui apportait l’Or et la Richesse (au prix de l’âme) s’est substituée l’Abondance pure et simple. Et au pacte avec le Diable, le contrat d’Abondance. »
On peut ajouter parmi les voix actuelles de cette pensée, Pierre Rabhi, agroécologiste et écrivain né en 1938 en Algérie, Jean-Baptiste de Foucauld (1943-), haut fonctionnaire et engagé associatif, André Gorz (1923-2007) philosophe et journaliste, Jean-Marie Pelt (1933-), pharmacien, botaniste, écologiste.
La société de consommation
Le système de consommation contemporain est issu de la révolution technologique née au 17è siècle avec l’utilisation de la machine à vapeur ainsi que des principes du libéralisme économique du 18è siècle, dit des Lumières. Avec ce système, les inégalités entre les nations et au sein d’un même pays se creusent. 20 % des gens consomment 80 % des ressources.
L’empreinte écologique est un indicateur qui mesure la quantité de ressources naturelles utilisée par l’être humain en unité de surface de bio productives de la planète. L’empreinte écologique mondiale a dépassé la bio capacité de la planète depuis la fin des années 1980. En 2005, l’humanité utilisait déjà l’équivalent de 1,3 planète chaque année. Ainsi la Terre aurait besoin d’un an et quatre mois pour régénérer ce que l’homme utilise en une année. En 2050, cette empreinte écologique de l’humanité sera de deux planètes Terre.
Cette démesure dans la conduite de l'homme, les Grecs l’appelaient « hubris » et représentait tout ce qui était considéré par les dieux comme orgueil, et appelait leur vengeance.
La croissance ne serait pas source de bien-être et accroîtrait l’aliénation
La simplicité volontaire questionne plusieurs types de rapports.
Le rapport à soi
La simplicité volontaire est un choix de vie délibéré qui repose plutôt sur des initiatives individuelles qu'organisées. C’est une démarche psychologique, éthique et spirituelle, propre à chaque individu. Ainsi chaque personne détermine ses besoins et ses valeurs pour tendre vers le bonheur. Le matérialisme porte les individus vers l’intense et l’éphémère.
Selon l’économiste français Serge Latouche, (1940-), penseur de la décroissance, la simplicité volontaire repose sur deux grands principes : décoloniser l’imaginaire et désirer autrement.
Le rapport à la société
La simplicité individuelle s’inscrit dans une société et prône l’évolution de nouvelles relations entre les individus. Les initiatives collectives sont diverses : échanges non monétaires de biens et de services, création de lieux alternatifs de rencontres et de réflexion, remise en cause des rapports au travail et aux loisirs, choix professionnels, remise cause du rapport au temps et donc à la vitesse. Ces initiatives correspondent à une évolution de la conscience citoyenne et planétaire. Or la modernité impose des modes de vie auxquels il est pratiquement impossible d’échapper. Le marché européanisé et mondialisé est tout puissant. C’est le Léviathan.
Le rapport à l’environnement et aux générations futures
Comme il ne peut y avoir de croissance infinie dans un monde fini, la simplicité dans la consommation contribue à préserver les ressources de la Terre et à limiter les déchets pour les générations futures. La notion de développement durable prend une place de plus en plus importante dans les économies, bien que celle-ci serve encore souvent d’habillage cosmétique. Selon Hans Jonas (1903-1993), le principe de responsabilité implique que les êtres humains ne devraient entreprendre aucune action qui pourrait mettre en danger soit l’existence des générations futures ou la qualité de l’existence future sur terre.
Or le phénomène anthropique d’atteinte à la nature est mondial.
L’action collective
La simplicité volontaire n’implique pas nécessairement d’action collective. Cependant si elle reste individuelle, elle n’aura pas beaucoup d’impact. L’adhésion à un mouvement collectif ne doit en aucun cas être forcée. La démarche éthique repose sur le volontariat et la diversité des approches.
Lors de fausses manifestations anti-écolo à Lyon, Marseille ou Paris, des militants, pleins d’humour, ont défilé depuis le début de l'année aux cris de "Gaspillons tant que nous pouvons" ; "Monsanto président !" ; "CO2, j'en veux !" ; "L'effet de serre, c'est nécessaire !" ; "Gaz de schiste, résiste ! Prouve que tu existes !" et "Les engrais, c'est le progrès !"
OUI MAIS...
Il est permis de douter des actions symboliques qui donnent simplement bonne conscience. Le risque est aussi d’imposer des utopies pires que le mal qu’elles combattent.
La sobriété est un luxe, quand on a déjà le superflu. Si nous sommes intellectuellement honnêtes, nous devons reconnaître que nous participons tous à la prédation de la planète, y compris les plus vertueux. La civilisation et la complexification en général ont un coût énergétique et environnemental énorme.
Bien des aspects de la société de consommation, souvent stigmatisés, ont des répercussions positives.
La publicité permet le financement des journaux et d’internet. Les 32 milliards d’euros de pub en France (la moitié de la défense nationale ou de l’éducation nationale…) ne servent donc pas seulement à occuper les cerveaux disponibles par des désirs toujours nouveaux. L’information, la culture et l’éducation, bien qu’apparemment immatérielles coûtent cher à la collectivité en énergie et en capitaux à travers les infrastructures nécessaires et le fonctionnement quotidien. Les neurosciences, certaines sciences humaines se sont alliées aux publicitaires à travers le neuromarketing pour manipuler les masses et pousser les individus à consommer toujours plus. Les enfants sont des cibles privilégiées de ces techniques.
« Je fais ce que je veux de mon empreinte carbone. Et je roule en 4 × 4 si j'en ai envie. »
Le luxe en impose, il contribue depuis la nuit des temps à l’ordonnancement des positions sociales et à la constitution de patrimoines culturels et artistiques (temples, cathédrales, châteaux, monuments, musées, technologie de pointe).
L’industrie du luxe résiste bien à la crise et crée beaucoup d’emplois et d’exportations (notamment vers les pays pauvres). Le client est demandeur de singularité. Chaque type de voiture offre des dizaines de modèles différents. Acheter un objet de marque mythique crée souvent de la jubilation et un sentiment d’appartenance à une élite différenciée du commun. L’acte d’achat d’un objet de luxe est chargé d’érotisme.
Le pétrole est de loin la principale source d'énergie mondiale. Il n'est extrait industriellement que depuis 1859, soit depuis un peu plus de 150 ans. Durant cette période, relativement courte d'un point de vue historique, l'afflux continu d'énergie bon marché a fondamentalement transformé notre monde. Dans les pays industrialisés, la prospérité a fait un bond inouï. Celle-ci s’est accompagnée de la progression des démocraties et de l’éducation. La population mondiale est passée de un à sept milliards de personnes entre 1900 et aujourd’hui.
Énergie et développement humain
IDH en fonction de la consommation d'énergie moyenne par habitant dans chaque pays. (Tep = tonne d’équivalent pétrole)
L'indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde. L'IDH se fonde sur trois critères majeurs : l'espérance de vie, le niveau d'éducation et le niveau de vie. La relation, très marquée au début, sature à partir d'environ 2 Tep par habitant. Est-ce à dire qu’une société peut vivre confortablement avec 2 Tep par personne et par an et qu’au-delà, c’est du gaspillage ?
La mesure du bonheur
World Happiness Report : comment déterminer le bonheur d'un pays?
Selon ce rapport, paru en2012, les pays les plus heureux de la planète sont les pays d’Europe du Nord (le Danemark, suivi de la Norvège, de la Finlande et de la Hollande). A contrario, les pays les moins heureux sont les pays pauvres de l’Afrique subsaharienne : le Togo, le Bénin, la République du Centre Afrique et le Sierra Leone. Les instabilités politiques dans ces pays, souvent attisées par les intérêts des multinationales pour leurs ressources, contribuent à leurs malheurs.
En 1971, le Français moyen consommait en huit jours l’électricité qu’un Togolais consommait en un an. Aujourd’hui, cinq jours suffisent. (AIE, Agence Internationale de l’Energie)
Mais aussi aujourd’hui, encore un milliard de personnes souffrent de la faim, deux fois plus de sous-alimentation et trois fois plus de carences alimentaires ; ces chiffres sont quasi inchangés depuis 1970. Un milliard n’ont pas accès à l’eau salubre et 2 à 3 fois plus à de l’eau potable. Mais aussi aujourd’hui, encore un milliard de personnes souffrent de la faim, deux fois plus de sous-alimentation et trois fois plus de carences alimentaires ; ces chiffres sont quasi inchangés depuis 1970. Un milliard n’ont pas accès à l’eau salubre et 2 à 3 fois plus à de l’eau potable.
D'après l'OMS (Organisation mondiale de la santé), les solutions de fortune utilisées aujourd'hui par les plus défavorisées seraient la cause de près de 2 millions de décès prématurés par an essentiellement à cause des émissions relatives aux mauvaises conditions de combustion de la biomasse traditionnelle. On peut aussi voir Jean Ziegler à l'ONU : 100 000 morts de faim par jour
Quelques statistiques de consommation en France, selon le Credoc
Un Français consomme chaque année 3 Tep (soit le travail de 150 esclaves) dont 0,9 Tep dans son logement.
Les dépenses des ménages en 2006 par postes budgétaires
Où sont les gisements de simplicité dans ce graphique ?
Si l’addition de toutes les économies possibles sur un an donne un résultat assez significatif, la sanction économique est peu incitative au regard du nombre de gestes que cela implique de changer. À l’exception du chauffage qui représente à lui seul 86 euros d’économies potentielles, l’adoption d’autres gestes pris un à un ne se traduit pas par une économie significative, alors qu’elle peut représenter une contrainte.
Conclusion
L’humanité et la planète Terre sont embarquées dans l’aventure technologique et consumériste apparemment irréversible dont les perspectives sont préoccupantes. En effet, les ressources de la Terre sont nécessairement limitées et l’extinction de masse des espèces vivantes dans la biosphère, initiée par la technosphère humaine, est en cours. La simplicité volontaire est une attitude possible individuellement pour ceux dont les besoins fondamentaux sont assurés. Mais elle ne semble pas praticable dans l’état actuel du monde à l’échelle planétaire. Sauf si une crise majeure en faisait obligation.
L’addiction à l’argent, au pouvoir, au sexe, ou à toute drogue source de plaisir, relève de phénomènes neurologiques chez les individus, qui se répercutent au niveau des institutions. Sans mécanismes de contrôle toutes ces addictions sont mortifères. Ceci est vrai pour l’individu comme pour les sociétés. Il faut savoir maitriser les addictions.
Les replis identitaires sectaires, religieux, communautaires dans nos sociétés actuelles constituent peut-être une réplique à l’individualisme et à l’absence de transcendance du consumérisme.
Joseph Tainter (1949-), anthropologue américain, qui a étudié l’effondrement des anciennes sociétés des Mayas et de l’empire romain, soutient que la croissance de la complexité et la consommation d’énergie vont de paire. Il affirme que la complexité est le facteur décisif qui conduit les sociétés à croître puis à s'effondrer. Les sociétés s’effondrent lorsque leurs investissements dans la complexité sociale et leurs ressources en énergie atteignent un point au-delà duquel le retour marginal sur investissement diminue.
La solution du dilemme entre la croissance économique, la dignité humaine celle des nantis comme celle des pauvres, et la préservation des ressources et de la nature, si elle existe, serait à chercher du côté de l’éthique, de l’innovation et de l’imagination. Peut-être aussi du côté de certaines spiritualités.
Paul Valéry (1871-1945) disait : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».
« Car il n’y a pas un homme juste sur la terre, qui fasse le bien et qui ne pèche pas. » (L’Ecclésiaste)
L’humour peut servir à la prise de conscience. L’humoriste Bridget Kyoto explique "comment réussir sa fin du monde".
« L'humour est la politesse du désespoir. » selon Oscar Wilde.
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L’orientation des débats
Il convient de s’entendre sur la notion de bonheur, qui, selon Kant (1724-1804) est la satisfaction de tous les désirs en nombre et en intensité. Pour la plupart des philosophes, la sobriété est compatible avec le bonheur. Différentes pistes s’offrent à nous : individuelles, collectives (droit, conventions), la capacité d’adaptation permanente du capitalisme, qui cherche toujours son intérêt, les sciences et techniques. Michel Serres (1930-) demande une représentation de la nature dans le droit.
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Paroles entendues
- La sobriété ne vise pas que le boire et le manger.
- La sobriété n’est pas seulement matérielle.
- La surconsommation compense les frustrations.
- Il faut éduquer les enfants à affronter les frustrations.
- Le désir s’éduque.
- On ne se protège pas assez du matraquage publicitaire.
- Selon René Girard (1923-), l’homme est programmé pour imiter et désirer. Le marketing repose là-dessus.
- L’avoir se mesure, l’être, plus difficilement.
- Les plus belles victoires sont celles que l’on remporte sur soi-même.
- Le système marchand s’auto-entretient.
- Les anciens Grecs acceptaient que l’homme ne soit pas tout puissant, ce qui n’était plus le cas après la Renaissance. Aujourd’hui l’homme dépend du monde qu’il a transformé.
- L’industrie a fait des progrès dans les vingt dernières années en matière d’environnement.
- Il ne faut pas que la solidarité devienne totalitaire.
- Seul le vital est essentiel.
- Le superflu se retourne contre nous.
- Les Français se disent heureux mais ils sont pessimistes.
- Le crédit, c’est la satisfaction immédiate.
- Le stock de nourriture dans nos magasins est de trois jours.
- Les quarante plus grandes fortunes du monde équivalent au PIB de la Turquie.
- Le travail de l’esclave de l’Empire romain valait 1 $ par jour, tout comme celui de millions d’humains aujourd’hui.
- La sobriété est un concept relatif.
- La vie dans le désert redonne la juste valeur aux choses et fait prendre conscience de l’encombrement des objets superflus dans nos sociétés.
- Je suis soucieuse pour les générations à venir.
- Il faut sensibiliser les enfants aux problèmes de la surconsommation.
- Il faut aussi goûter aux plaisirs de la vie.
- La sobriété est un art. Elle est une forme de sagesse. C’est une question de morale. Il faut revenir à la sagesse antique.
- On s’en laisse trop imposer par l’extérieur. Il faut rester soi-même.
- La simplicité, c’est faire le bonheur de l’autre.
- A lire « Les sept péchés du capital» de Charles-Henri Filippi « pour ne pas confondre les banques et les marchés financiers ».
- Je n’ai pas confiance dans la science pour résoudre les problèmes…
- L’intériorité apporte le bonheur. On s’en rend compte avec l’âge, mais c’est difficile de faire comprendre ce message aux enfants d’aujourd’hui.
- Le rapport de l’homme à la nature doit changer.
- Les institutions politiques portent une grande responsabilité.
- Vieillir, c'est se défaire du superflu, de ses ornements physiques d'abord, puis intellectuels, les plus durs à abandonner sur les côtés de la route. Mais c'est aussi s'appuyer, comme le pavot, sur d'anciens délires délivrant le parfum et l'émerveillement de nouveaux, plus sobres sans doute mais non moins authentiques, délires.
- Vieillir, c'est se défaire du superflu, de ses ornements physiques d'abord, puis intellectuels, les plus durs à abandonner sur les côtés de la route. Mais c'est aussi s'appuyer, comme le pavot, sur d'anciens délires délivrant le parfum et l'émerveillement de nouveaux, plus sobres sans doute mais non moins authentiques, délires.
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Citations
« Malheureux, vous les riches : vous tenez votre consolation » (Luc 6, 24).
« Ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as » (koan zen).
« Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? » (Angelus Silesius).
« Celui qui sait qu’il possède assez est riche » (Lao Tseu).
« Si, au lieu de gagner beaucoup d’argent pour vivre, nous tâchions de vivre avec peu d’argent ? » (Jules Renard).
« Les humbles travaux quotidiens, la simplicité de la vie, les modestes joies qu’on se tisse dans la couleur du temps qui passe, tout cela ressemble étrangement au bonheur » (Ève Belisle).
« La parfaite raison fuit toute extrémité
Et veut que l’on soit sage avec sobriété. » (Molière : Le Misanthrope)
« Tout ce dont le mal a besoin pour triompher, c'est du silence des gens honnêtes », Edmund Burke (1729-1797).
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