Qui sommes-nous ?

PRESENTATION

L’association du Chemin du philosophe comporte trois types d’activités :

1)  L’entretien et l’animation du Chemin du philosophe en forêt de Montmorency.

2)  L’organisation de cafés philos, de conférences, d’ateliers de lecture, de sorties à thèmes en forêt.

3)  La maintenance de ce blog qui tient à jour le programme des activités et qui les archive depuis 2008.

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+ La participation aux activités de l'association implique une éthique de neutralité et de tolérance ainsi qu'une étiquette de courtoisie. L’accès est libre à la plupart des activités.

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Station "L'homme et le cosmos"

Station "L'homme et le cosmos"
Cadran solaire analemmatique - juin 2014

Programme

Programme des activités à venir (cliquez sur le lien)


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mardi 1 mai 2012

Compte rendu du café philo du vendredi 27 avril 2012





Nous étions vingt-cinq en cette période de vacances scolaires et de début de pont du 1er mai au centre culturel de Bouffémont pour débattre du sujet « La sobriété peut-elle être heureuse ? »  Catherine Gay, Catherine Delaunay et Pierre Haller ont introduit le thème. Mais auparavant nous avons choisi les sujets des cafés philo des quatre  prochains mois. Voir les programmes en tête du blog. Après les présentations et avant le débat, Patrick Liautaud nous a servi un poème de notre amie Jeannine Dion-Guérin ainsi que les paroles de « Avoir et être » d’un auteur inconnu.

Poème de Jeannine Dion Guérin extraits des « Sabots de bois vert » lu par Patrick Liautaud.



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Intervention de Catherine Gay

La sobriété peut-elle être heureuse ?
C’est une question qui est dans l’air du temps et qui va se poser de plus en plus.
Je vais commencer par citer deux personnes qui ne se sont pas contentées d’écrire à ce sujet, mais qui mènent une vie en accord avec ce qu’elles proposent.
D’abord  Pierre Rabhi, auteur de « Vers la sobriété heureuse »  
 Il nous dit : «  Difficile de définir la sobriété telle que je la ressens ;  c’est une forme de résistance à la consommation outrancière ; elle peut être justifiée par le besoin de contribuer à l’équité dans un monde où surabondance et misère cohabitent ; le monde religieux en a fait une vertu, une ascèse ; c’est un peu tout cela, mais plus que cela. Quelque chose de subtil inspire cette posture et fait advenir en nous cette gratitude qui, en s’épanouissant au plus profond de notre être, donne la plénitude de leur valeur à tous les présents de la vie ; elle donne à notre présence au monde une légèreté singulière, celle de la sobriété tranquille et heureuse. »
Pierre Rabhi fait référence à ces peuples qui, malgré l’abondance, restent modérés ; le peuple Sioux, lors des grandes chasses de buffles surabondants, n’en prélevait que le nombre leur permettant de vivre ; rien des animaux sacrifiés ne devait être dilapidé, tout gaspillage était prohibé. Cette sobriété dans l’abondance est une leçon de noblesse. L’Indien Seattle disait notamment au président des USA qui lui proposait d’acheter le territoire de son peuple : « Je suis un sauvage et je ne connais pas d’autre façon de vivre. J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur une prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait ».
Si l’on veut instaurer sur notre planète une équité inspirée par les impératifs moraux, on est amené à dire que, tant que l’ensemble des êtres humains n’a pas accès aux ressources vitales, il y a spoliation. Tant qu’un seul enfant nait dépourvu de ce qui lui revient légitimement en tant qu’être vivant, il y a usurpation car les biens venus de la terre sont dédiés à tous les êtres vivants qu’elle héberge et non à ceux qui par la loi du marché, les finances ou les armes, s’en attribuent la légitimité ; un tel hold-up est aujourd’hui entériné par des lois qui en font une norme. Misère et richesse cohabitent sur notre planète et créent des hiérarchies de l’avoir et du pouvoir débouchant sur toutes les répressions. Consommer, au risque de toutes les obésités physiques et psychiques, est de fait une sorte de devoir civique. L’exemple du Qatar est édifiant ; ce pays est l’un des plus riches du monde ; son PIB/habitant est le plus important après le Luxembourg. C’était un peuple de bédouins se nourrissant essentiellement de quelques dattes séchées, ce qui ne les empêchait pas de sillonner à pied des montagnes de sables et de cailloux ; aujourd’hui la moitié sont obèses, beaucoup sont diabétiques ; il y a deux fois plus d’obèses et de diabétiques qu’aux USA !...Robert Kennedy a écrit peu de temps avant sa mort « Le PIB mesure à peu près tout, sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue ».
Face à ces défis, nous devons trouver une façon d’habiter la planète et d’y inscrire notre destin d’une manière satisfaisante pour le cœur, l’esprit et l’intelligence ; ce réenchantement du monde sera accompagné par la beauté qui s’épanouit en générosité, équité et respect. Les évolutions climatiques, écologiques et sociales, prévisibles comme imprévisibles, nécessitent une créativité sans précédent.  La sobriété heureuse ne peut se réduire à une attitude personnelle, repliée sur elle-même ; nous sommes impérativement invités à travailler à la sobriété du monde, à mettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations. Alors on se surprend à rêver à des rencontres au sommet de toutes les nations, enfin conscientes que la planète Terre n’est pas un gisement de ressources à épuiser, mais une très précieuse oasis de vie.
« Seulement après que le dernier arbre aura été coupé, que la dernière rivière aura été empoisonnée, que le dernier poisson aura été capturé, alors seulement vous découvrirez que l’argent ne se mange pas ».
L’initiation à la modération peut être source de joie car elle rend plus accessible la satisfaction, abolissant la frustration que produit le « toujours plus », entretenue par une publicité au talent pernicieux.
Extraits de la « charte internationale pour la terre et l’humanisme » proposée par Pierre Rabhi et son association :
« Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Quels enfants laisserons-nous à la planète ? »
La planète Terre est à ce jour la seule oasis de vie que nous connaissons au sein d’un immense désert sidéral. En prendre soin, respecter son intégrité, tirer parti de ses ressources avec modération, y instaurer la paix et la solidarité entre les humains, dans le respect de toute forme de vie, est le projet le plus réaliste, le plus magnifique qui soit.
La sobriété heureuse : face au « toujours plus », qui ruine la planète au profit d’une minorité, la sobriété est un choix conscient inspiré par la raison ; elle est un art et une éthique de vie, source de satisfaction et de bien-être ; elle représente un positionnement politique et un acte de résistance en faveur de la terre, du partage et de l’équité.

Je citerai ensuite Jean Baptiste de Foucauld qui nous propose un concept dans la ligne de la sobriété heureuse, « L’abondance frugale ».
Pas n’importe quelle frugalité, car il s’agit de persuader et de partager, non de contraindre. Il n’est pas question évidemment de favoriser la pauvreté ; mais bien au contraire de mettre de l’abondance là où il y a la misère et la pauvreté sous toutes leurs formes (matérielles, relationnelles, spirituelles …), et de mettre plus de frugalité là où il y a excès de richesse ; pas question de renoncer à l’abondance, mais à condition d’en convertir le sens ; impossible d’échapper à une certaine frugalité, mais il ne s’agirait pas d’un appauvrissement, car ce dont nous serions privés procure des satisfactions de plus en plus marginales. A bien y regarder, c’est d’un retour aux sources qu’il s’agit : le stoïcisme visait la communion avec le monde et Epicure était frugal. Abondance et frugalité vont cheminer ensemble et s’étayer l’une l’autre
L’abondance frugale et solidaire est le moyen de remettre l’économie à sa place, de la mettre au service du développement personnel de chacun, solidaire du développement de tous et de la société dans son ensemble.

Quelle abondance pour répondre à quel besoin ? Parmi les besoins il faut distinguer le vital, le nécessaire, l’essentiel et le superflu.
Le « vital » permet de survivre (manger, se vêtir, se loger, se soigner), il est à peu près commun à chacun et l’on sait qu’il n’est pas assuré à tous.
Le « nécessaire »dépend du lieu, du climat, du développement atteint ; il fait l’objet d’une description sociale pour un pays donné.
L’« essentiel » ne recouvre que partiellement le nécessaire ; ce qui est jugé socialement nécessaire n’est pas essentiel pour chacun et, en revanche, la plupart d’entre nous ont des besoins essentiels très variés ; c’est ce quelque chose de plus qui donne sel et sens à la vie ; une habitude, un luxe, une esthétique, un environnement, un objet…
La vraie forme d’abondance serait que chacun puisse accéder à ce qui, pour lui, est essentiel ; cela n’a rien à voir avec le « superflu », qui peut se définir comme ce qui n’est ni nécessaire ni essentiel, voire comme tout ce qui n’est pas essentiel et auquel on assimile, trop souvent, et à tort, l’abondance.

Au niveau individuel, l’éthique de l’abondance frugale invitera chacun à définir ce qui lui est vraiment essentiel, puis à s’efforcer de l’obtenir, tout en contrôlant maîtrisant le superflu ; la frugalité est ici la condition de la solidarité : le superflu doit être mobilisable pour autrui ou pour l’environnement. A chacun de trouver sa définition de l’essentiel, qui peut être plus ou moins exigeante ; à chacun de mettre fin à cette course à la consommation, à la richesse et à l’argent ; à chacun de déterminer l’équilibre entre abondance et frugalité, entre épanouissement et solidarité sociale, entre temps de travail et temps libre, entre augmentation de patrimoine et redistribution volontaire… C’est à la conscience bien informée de chacun d’orienter sa production, sa consommation, son épargne et la redistribution. Il s’agit de détecter les richesses qui créent une accoutumance, une dépendance, un emprisonnement, et trouver les moyens de s’en libérer ; la richesse recherchée selon la logique du toujours plus ne peut être assimilée à l’abondance, car cette richesse crée des pauvretés inconscientes ou invisibles. La frugalité ne doit pas être imposée mécaniquement et indistinctement à tout le monde, car chacun a droit à sa forme particulière de luxe, voire d’excès, à sa part de rêve qui lui est essentielle. Le droit à l’abondance n’est pas un droit à toutes les abondances, à tous les luxes ; l’abondance totale pour tous est une démagogie dans un monde où la rareté domine.
L’abondance frugale permet de répartir équitablement, en respectant les différences de chacun, la relative abondance existante ; il importe donc de revenir aux besoins essentiels, matériels, relationnels et spirituels, et mettre de l’abondance là où il y a de la pauvreté, et de la frugalité là où il y a fallacieuse richesse .
Si on cherche une image pour représenter l’abondance frugale, c’est peut-être l’image du jardin qui convient le mieux, car il rassemble la fertilité et l’imagination, mais aussi l’ordre, la rigueur, un minimum d’économie de moyens pour laisser place à l’espace, à la rêverie et à l’imagination.

Pierre Rabhi nous a rappelé que nous habitions sur une planète dont les ressources étaient limitées. Il nous met en face de nos responsabilités ; avons-nous conscience de notre devoir de partager équitablement ces ressources entre les hommes ?
On peut aussi citer Gandhi : « Il y a suffisamment de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais il n’y en a pas assez en revanche s’il s’agit de satisfaire le désir de possession, l’avidité, la cupidité, même de quelques-uns ».
Un exemple : le territoire français ne peut pas nourrir tous les animaux nous permettant de manger de la viande tous les jours et parfois deux fois par jour. Pour nourrir ces animaux il faut importer d’énormes quantités de soja du Brésil ; conséquences, des milliers de paysans sont expropriés, la déforestation augmente…Savez-vous que de ce fait chaque français accapare 60m2 de terre au Brésil. ? Pour être équitable vis à vis de la planète il ne faudrait pas manger de la viande plus de 2 ou3 fois par semaine. Personnellement c’est ce que je fais, je me porte bien et j’en suis heureuse. Notre consommation excessive de viande, non seulement pille la planète, mais entraine chez nous de graves problèmes de santé, obésité, diabète, cancer…(Qatar)
Comme le prône J.B.Foucauld chacun peut choisir son essentiel en abondance et être frugal, sobre pour le superflu.
La sobriété heureuse c’est de placer l’homme au cœur de nos préoccupations, de nos comportements, c’est plus de liberté ; c’est de placer l’être avant l’avoir, c’est une éthique de vie.
Le temps est venu de savoir où nous voulons aller et quelle vie nous voulons vivre pour que notre passage sur terre ait un sens.
  
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Intervention de Pierre Haller

Définition
La simplicité volontaire ou sobriété heureuse est un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation en vue de mener une vie davantage centrée sur des valeurs "essentielles". Il s’agit d’un engagement personnel et/ou associatif accordant la priorité aux valeurs familiales, communautaires et/ou écologiques voire spirituelles.

Histoire
La valorisation de l’ascétisme remonte à l’antiquité où il était prôné par les mystiques juifs, grecs, hindous, taoïstes ou bouddhistes. Les philosophes grecs, stoïciens, cyniques ou épicuriens, invitaient à discerner le nécessaire du superflu, le naturel de l’artificiel et à revenir vers la simplicité et la liberté intérieure. Les communautés monastiques en occident et en orient ont choisi volontairement la frugalité. Saint-François d’Assise (1181-1226) en Italie et Gandhi (1869-1948) en Afrique du Sud et en Inde, sont les figures emblématiques de ce concept de la simplicité volontaire. Gandhi a été très marqué par les béatitudes du sermon sur la montagne de Jésus « Heureux les pauvres de cœur  (ou d’esprit, selon les traducteurs), le Royaume des Cieux est à eux. ». La simplicité volontaire de Gandhi, au service de l’action politique aux côtés des parias et des intouchables, s’est exprimée à travers la non-violence, le végétarisme, le jeûne fréquent, les vêtements dépouillés, la chasteté, de longues marches à pied, les exercices spirituels, l’appel à la transcendance.
On peut trouver les traces de la simplicité volontaire en Europe dans les écrits du Russe Léon Tolstoï (1828-1910) et du Britannique John Ruskin (1819-1900), et en Amérique du Nord dans les écrits de Henry David Thoreau (1817-1862), auteur de « Walden ou la vie dans les bois ».
Au 20è siècle, Henri Bergson  (1859-1941) a posé dans son dernier livre Les deux sources de la morale et de la religion (1932) un diagnostic de la surconsommation : « Jamais, en effet, les satisfactions, que des inventions nouvelles apportent à d'anciens besoins, ne déterminent l'humanité à en rester là ; des besoins nouveaux surgissent, aussi impérieux, de plus en plus nombreux. On a vu la course au bien-être aller en s'accélérant, sur une piste où des foules de plus en plus compactes se précipitaient. Aujourd'hui, c'est une ruée ».
Ivan Illich (1926-2002) et Jacques Ellul (1912-1994) sont considérés comme deux des pères de l'idée de décroissance et de simplicité volontaire. Illich a critiqué dès les années 1960 les systèmes de transports basés sur l’automobile, ainsi que les systèmes scolaires et médicaux, sans que ceux-ci aient connu depuis lors la moindre inflexion dans leur course en avant.
Référence majeure de la contreculture, « La Société de consommation » est un ouvrage du sociologue français Jean Baudrillard datant de 1970. L'auteur y explique que, dans les sociétés occidentales contemporaines, les relations sociales sont structurées par la consommation de masse. La consommation n’est plus, pour chaque individu, le moyen de satisfaire ses besoins mais plutôt de se différencier. La société de consommation repose sur son propre mythe : « Si la société de consommation ne produit plus de mythe, c’est qu’elle est elle-même son propre mythe. À un Diable qui apportait l’Or et la Richesse (au prix de l’âme) s’est substituée l’Abondance pure et simple. Et au pacte avec le Diable, le contrat d’Abondance. »
On peut ajouter parmi les voix actuelles de cette pensée, Pierre Rabhi, agroécologiste et écrivain né en 1938 en Algérie, Jean-Baptiste de Foucauld (1943-), haut fonctionnaire et engagé associatif,  André Gorz  (1923-2007) philosophe et journaliste, Jean-Marie Pelt (1933-), pharmacien, botaniste, écologiste.

La société de consommation
Le système de consommation contemporain est issu de la révolution technologique née au 17è siècle avec l’utilisation de la machine à vapeur ainsi que des principes du libéralisme économique du 18è siècle, dit des Lumières. Avec ce système, les inégalités entre les nations et au sein d’un même pays se creusent. 20 % des gens consomment 80 % des ressources.
L’empreinte écologique est un indicateur qui mesure la quantité de ressources naturelles utilisée par l’être humain en unité de surface de bio productives de la planète. L’empreinte écologique mondiale a dépassé la bio capacité de la planète depuis la fin des années 1980. En 2005, l’humanité utilisait déjà l’équivalent de 1,3 planète chaque année. Ainsi la Terre aurait besoin d’un an et quatre mois pour régénérer ce que l’homme utilise en une année. En 2050, cette empreinte écologique de l’humanité sera de deux planètes Terre.
Cette démesure dans la conduite de l'homme, les Grecs l’appelaient « hubris » et représentait  tout ce qui était considéré par les dieux comme orgueil, et appelait leur vengeance.

La croissance ne serait pas source de bien-être et accroîtrait l’aliénation
La simplicité volontaire questionne plusieurs types de rapports.

Le rapport à soi 

La simplicité volontaire est un choix de vie délibéré qui repose plutôt sur des initiatives individuelles qu'organisées. C’est une démarche psychologique, éthique et spirituelle, propre à chaque individu. Ainsi chaque personne détermine ses besoins et ses valeurs pour tendre vers le bonheur. Le matérialisme porte les individus vers l’intense et l’éphémère.

Selon l’économiste français Serge Latouche, (1940-), penseur de la décroissance, la simplicité volontaire repose sur deux grands principes : décoloniser l’imaginaire et désirer autrement.

Le rapport à la société

La simplicité individuelle s’inscrit dans une société et prône l’évolution de nouvelles relations entre les individus. Les initiatives collectives sont diverses : échanges non monétaires de biens et de services, création de lieux alternatifs de rencontres et de réflexion, remise en cause des rapports au travail et aux loisirs, choix professionnels, remise cause du rapport au temps et donc à la vitesse. Ces initiatives correspondent à une évolution de la conscience citoyenne et planétaire. Or la modernité impose des modes de vie auxquels il est pratiquement impossible d’échapper. Le marché européanisé et mondialisé est tout puissant. C’est le Léviathan.

Le rapport à l’environnement et aux générations futures

Comme il ne peut y avoir de croissance infinie dans un monde fini, la simplicité dans la consommation contribue à préserver les ressources de la Terre et à limiter les déchets pour les générations futures. La notion de développement durable prend une place de plus en plus importante dans les économies, bien que celle-ci serve encore souvent d’habillage cosmétique. Selon Hans Jonas (1903-1993), le principe de responsabilité implique que les êtres humains ne devraient entreprendre aucune action qui pourrait mettre en danger soit l’existence des générations futures ou la qualité de l’existence future sur terre.
Or le phénomène anthropique d’atteinte à la nature est mondial.

L’action collective

La simplicité volontaire n’implique pas nécessairement d’action collective.  Cependant si elle reste individuelle, elle n’aura pas beaucoup d’impact. L’adhésion à un mouvement collectif ne doit en aucun cas être forcée. La démarche éthique repose sur le volontariat et la diversité des approches.
Lors de fausses manifestations anti-écolo à Lyon, Marseille ou Paris, des militants, pleins d’humour, ont défilé depuis le début de l'année aux cris de "Gaspillons tant que nous pouvons" ; "Monsanto président !" ; "CO2, j'en veux !" ; "L'effet de serre, c'est nécessaire !" ; "Gaz de schiste, résiste ! Prouve que tu existes !" et "Les engrais, c'est le progrès !"

OUI MAIS...

Il est permis de douter des actions symboliques qui donnent simplement bonne conscience. Le risque est aussi d’imposer des utopies pires que le mal qu’elles combattent.

La sobriété est un luxe, quand on a déjà le superflu. Si nous sommes intellectuellement honnêtes, nous devons reconnaître que nous participons tous à la prédation de la planète, y compris les plus vertueux. La civilisation et la complexification en général ont un coût énergétique et environnemental énorme.

Bien des aspects de la société de consommation, souvent stigmatisés, ont des répercussions positives.
La publicité permet le financement des journaux et d’internet. Les 32 milliards d’euros de pub en France (la moitié de la défense nationale ou de l’éducation nationale…) ne servent donc  pas seulement à occuper les cerveaux disponibles par des désirs toujours nouveaux. L’information, la culture et l’éducation, bien qu’apparemment immatérielles coûtent cher à la collectivité en énergie et en capitaux à travers les infrastructures nécessaires et le fonctionnement quotidien. Les neurosciences, certaines sciences humaines se sont alliées aux publicitaires à travers le neuromarketing pour manipuler les masses et pousser les individus à consommer toujours plus. Les enfants sont des cibles privilégiées de ces techniques.
« Je fais ce que je veux de mon empreinte carbone. Et je roule en 4 × 4 si j'en ai envie. »
Le luxe en impose, il contribue depuis la nuit des temps à l’ordonnancement des positions sociales et à la constitution de patrimoines culturels et artistiques (temples, cathédrales, châteaux, monuments, musées, technologie de pointe).
L’industrie du luxe résiste bien à la crise et crée beaucoup d’emplois et d’exportations (notamment vers les pays pauvres). Le client est demandeur de singularité. Chaque type de voiture offre des dizaines de modèles différents. Acheter un objet de marque mythique crée souvent de la jubilation et un sentiment d’appartenance à une élite différenciée du commun. L’acte d’achat d’un objet de luxe est chargé d’érotisme.

Le pétrole est de loin la principale source d'énergie mondiale. Il n'est extrait industriellement que depuis 1859, soit depuis un peu plus de 150 ans. Durant cette période, relativement courte d'un point de vue historique, l'afflux continu d'énergie bon marché a fondamentalement transformé notre monde. Dans les pays industrialisés, la prospérité a fait un bond inouï. Celle-ci s’est accompagnée de la progression des démocraties et de l’éducation. La population mondiale est passée de un à sept milliards de personnes entre 1900 et aujourd’hui.

Énergie et développement humain



IDH en fonction de la consommation d'énergie moyenne par habitant dans chaque pays. (Tep = tonne d’équivalent pétrole)

L'indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde. L'IDH se fonde sur trois critères majeurs : l'espérance de vie, le niveau d'éducation et le niveau de vie. La relation, très marquée au début, sature à partir d'environ 2 Tep par habitant. Est-ce à dire qu’une société peut vivre confortablement avec 2 Tep  par personne et par an et qu’au-delà, c’est du gaspillage ?

La mesure du bonheur
World Happiness Report : comment déterminer le bonheur d'un pays?
Selon ce rapport, paru en2012, les pays les plus heureux de la planète sont les pays d’Europe du Nord (le Danemark, suivi de la Norvège, de la Finlande et de la Hollande). A contrario, les pays les moins heureux sont les pays pauvres de l’Afrique subsaharienne : le Togo, le Bénin, la République du Centre Afrique et le Sierra Leone. Les instabilités politiques dans ces pays, souvent attisées par les intérêts des multinationales pour leurs ressources, contribuent à leurs malheurs.
En 1971, le Français moyen consommait en huit jours l’électricité qu’un Togolais consommait en un an. Aujourd’hui, cinq jours suffisent. (AIE, Agence Internationale de l’Energie)
Mais aussi aujourd’hui, encore un milliard de personnes souffrent de la faim, deux fois plus de sous-alimentation et trois fois plus de carences alimentaires ; ces chiffres sont quasi inchangés depuis 1970. Un milliard n’ont pas accès à l’eau salubre et 2 à 3 fois plus à de l’eau potable. Mais aussi aujourd’hui, encore un milliard de personnes souffrent de la faim, deux fois plus de sous-alimentation et trois fois plus de carences alimentaires ; ces chiffres sont quasi inchangés depuis 1970. Un milliard n’ont pas accès à l’eau salubre et 2 à 3 fois plus à de l’eau potable.
D'après l'OMS (Organisation mondiale de la santé), les solutions de fortune utilisées aujourd'hui par les plus défavorisées seraient la cause de près de 2 millions de décès prématurés par an essentiellement à cause des émissions relatives aux mauvaises conditions de combustion de la biomasse traditionnelle. On peut aussi voir Jean Ziegler à l'ONU : 100 000 morts de faim par jour

Quelques statistiques de consommation en France, selon le Credoc
Un Français consomme chaque année 3 Tep (soit le travail de 150 esclaves) dont 0,9 Tep dans son logement.

Les dépenses des ménages en 2006 par postes budgétaires

 Où sont les gisements de simplicité dans ce graphique ?
Si l’addition de toutes les économies possibles sur un an donne un résultat assez significatif, la sanction économique est peu incitative au regard du nombre de gestes que cela implique de changer. À l’exception du chauffage qui représente à lui seul 86 euros d’économies potentielles, l’adoption d’autres gestes pris un à un ne se traduit pas par une économie significative, alors qu’elle peut représenter une contrainte.

Conclusion
L’humanité et la planète Terre sont embarquées dans l’aventure technologique et consumériste apparemment irréversible dont les perspectives sont préoccupantes. En effet, les ressources de la Terre sont nécessairement limitées et l’extinction de masse des espèces vivantes dans la biosphère, initiée par la technosphère humaine, est en cours. La simplicité volontaire est une attitude possible individuellement pour ceux dont les besoins fondamentaux sont assurés. Mais elle ne semble pas praticable dans l’état actuel du monde à l’échelle planétaire. Sauf si une crise majeure en faisait obligation.

L’addiction à l’argent, au pouvoir, au sexe, ou à toute drogue source de plaisir, relève de phénomènes neurologiques chez les individus, qui se répercutent au niveau des institutions. Sans mécanismes de contrôle toutes ces addictions sont mortifères. Ceci est vrai pour l’individu comme pour les sociétés. Il faut savoir maitriser les addictions.

Les replis identitaires sectaires, religieux, communautaires dans nos sociétés actuelles constituent peut-être une réplique à l’individualisme et à l’absence de transcendance du consumérisme.

Joseph Tainter (1949-), anthropologue américain, qui a étudié l’effondrement des anciennes sociétés des Mayas et de l’empire romain, soutient que la croissance de la complexité et la consommation d’énergie vont de paire. Il affirme que la complexité est le facteur décisif qui conduit les sociétés à croître puis à s'effondrer. Les sociétés s’effondrent lorsque leurs investissements dans la complexité sociale et leurs ressources en énergie atteignent un point au-delà duquel le retour marginal sur investissement diminue.
La solution du dilemme entre la croissance économique, la dignité humaine celle des nantis comme celle des pauvres, et la préservation des ressources et de la nature, si elle existe, serait à chercher du côté de l’éthique, de l’innovation et de l’imagination. Peut-être aussi du côté de certaines spiritualités.

Paul Valéry (1871-1945) disait : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».
« Car il n’y a pas un homme juste sur la terre, qui fasse le bien et qui ne pèche pas. » (L’Ecclésiaste)
L’humour peut servir à la prise de conscience. L’humoriste Bridget Kyoto explique "comment réussir sa fin du monde".
« L'humour est la politesse du désespoir. » selon Oscar Wilde.

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L’orientation des débats
Il convient de s’entendre sur la notion de bonheur, qui, selon Kant (1724-1804) est la satisfaction de tous les désirs en nombre et en intensité. Pour la plupart des philosophes, la sobriété est compatible avec le bonheur. Différentes pistes s’offrent à nous : individuelles, collectives (droit, conventions), la capacité d’adaptation permanente du capitalisme, qui cherche toujours son intérêt, les sciences et techniques. Michel Serres (1930-) demande une représentation de la nature dans le droit.

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Paroles entendues
-         La sobriété ne vise pas que le boire et le manger.
-         La sobriété n’est pas seulement matérielle.
-         La surconsommation compense les frustrations.
-         Il faut éduquer les enfants à affronter les frustrations.
-         Le désir s’éduque.
-         On ne se protège pas assez du matraquage publicitaire.
-         Selon René Girard (1923-), l’homme est programmé pour imiter et désirer. Le marketing repose là-dessus.
-         L’avoir se mesure, l’être, plus difficilement.
-         Les plus belles victoires sont celles que l’on remporte sur soi-même.
-         Le système marchand s’auto-entretient.
-         Les anciens Grecs acceptaient que l’homme ne soit pas tout puissant, ce qui n’était plus le cas après la Renaissance. Aujourd’hui l’homme dépend du monde qu’il a transformé.
-         Le pacte civique se propose d’inventer un futur désirable.
-          L’association Solidarités nouvelles face au chômage fait du beau travail.
-         L’industrie a fait des progrès dans les vingt dernières années en matière d’environnement.
-         Il ne faut pas que la solidarité devienne totalitaire.
-         Seul le vital est essentiel.
-         Le superflu se retourne contre nous.
-         Les Français se disent heureux mais ils sont pessimistes.
-         Le crédit, c’est la satisfaction immédiate.
-         Le stock de nourriture dans nos magasins est de trois jours.
-         Les quarante plus grandes fortunes du monde équivalent au PIB de la Turquie.
-         Le travail de l’esclave de l’Empire romain valait 1 $ par jour, tout comme celui de millions d’humains aujourd’hui.
-         La sobriété est un concept relatif.
-         La vie dans le désert redonne la juste valeur aux choses et fait prendre conscience de l’encombrement des objets superflus dans nos sociétés.
-         Je suis soucieuse pour les générations à venir.
-         Il faut sensibiliser les enfants aux problèmes de la surconsommation.
-         Il faut aussi goûter aux plaisirs de la vie.
-    La sobriété est un art. Elle est une forme de sagesse. C’est une question de morale. Il faut revenir à la sagesse antique.
-         On s’en laisse trop imposer par l’extérieur. Il faut rester soi-même.
-         La simplicité, c’est faire le bonheur de l’autre.
-         Hildegard de Bingen (1098-1179): « Le bonheur, c’est de partager ».
-         A lire « Les sept péchés du capital» de Charles-Henri Filippi « pour ne pas confondre les banques et les marchés financiers ».
-         Je n’ai pas confiance dans la science pour résoudre les problèmes…
-         L’intériorité apporte le bonheur. On s’en rend compte avec l’âge, mais c’est difficile de faire comprendre ce message aux enfants d’aujourd’hui.
-         Le rapport de l’homme à la nature doit changer.
-         Les institutions politiques portent une grande responsabilité.
-     Vieillir, c'est se défaire du superflu, de ses ornements physiques d'abord, puis intellectuels, les plus durs à abandonner sur les côtés de la route. Mais c'est aussi s'appuyer, comme le pavot, sur d'anciens délires délivrant le parfum et l'émerveillement de nouveaux, plus sobres sans doute mais non moins authentiques, délires. 

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Citations
« Malheureux, vous les riches : vous tenez votre consolation » (Luc 6, 24).
« Ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as » (koan zen).
« Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? » (Angelus Silesius).
« Celui qui sait qu’il possède assez est riche » (Lao Tseu).
« Si, au lieu de gagner beaucoup d’argent pour vivre, nous tâchions de vivre avec peu d’argent ? » (Jules Renard).
« Les humbles travaux quotidiens, la simplicité de la vie, les modestes joies qu’on se tisse dans la couleur du temps qui passe, tout cela ressemble étrangement au bonheur » (Ève Belisle).
« La parfaite raison fuit toute extrémité
Et veut que l’on soit sage avec sobriété. » (Molière : Le Misanthrope)
« Tout ce dont le mal a besoin pour triompher, c'est du silence des gens honnêtes », Edmund Burke (1729-1797).

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