Qui sommes-nous ?

PRESENTATION

L’association du Chemin du philosophe comporte trois types d’activités :

1)  L’entretien et l’animation du Chemin du philosophe en forêt de Montmorency.

2)  L’organisation de cafés philos, de conférences, d’ateliers de lecture, de sorties à thèmes en forêt.

3)  La maintenance de ce blog qui tient à jour le programme des activités et qui les archive depuis 2008.

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+ La participation aux activités de l'association implique une éthique de neutralité et de tolérance ainsi qu'une étiquette de courtoisie. L’accès est libre à la plupart des activités.

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Station "L'homme et le cosmos"

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Programme

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lundi 15 octobre 2012

Compte rendu du café philo du 13 octobre 2012






Nous étions une trentaine de personnes dans la soirée de ce samedi 13 octobre 2012 au théâtre Pierre Fresnay d’Ermont (Val d’Oise) à participer à ce café philo sur le thème « La normalité existe-t-elle ? »  Cet échange s’inscrivait dans le projet « Cap Pas Cap ; l’art fait lien avec le handicap » organisé par la Ville d’Ermont. Après la présentation de la démarche par Jean-Christophe Tailliez, directeur des Théâtres d’Ermont, le sujet a été présenté et animé par Catherine Delaunay et Pierre Haller du Chemin du philosophe ainsi que par Fabrice Pissot, chef de service à l’IME (Institut Médico-Educatif) de l’APAJH (Association pour Adultes et Jeunes Handicapés) d’Ermont.


Le handicap constitue un domaine très étendu et très diversifié dans sa gravité et son impact sur les personnes et sur leur environnement familial ou social. Nous avons voulu aborder ce sujet avec beaucoup de modestie, de respect et d’égard pour les personnes impliquées. Tout ce qui a été dit reste incomplet en regard du vécu de chacun. Personne sans doute n’a la légitimité pour parler de l’ensemble d’un tel sujet. C’est dans ce cadre protéiforme et délicat que nous avons essayé de partager des idées et des émotions.


Les distributions statistiques de la normalité
Qu’est-ce que la normalité ? C’est un état partagé par une majorité dans les différents domaines des performances physiques ou  intellectuelles ou des comportements sociaux. Les frontières des critères qui déterminent la normalité sont souvent floues. Selon les phénomènes, les statistiques représentent les répartitions des caractéristiques d’une population ou d’un ensemble d’objets par des courbes de répartition. Quelle que soit la caractéristique étudiée, il existe un ou plusieurs maximums, où se situe la plupart des éléments considérés comme normaux et des extrêmes déviants. Les répartitions statistiques des populations s’appliquent à la taille, au QI, au niveau d’instruction, aux scores sportifs, aux échelles de salaires, aux croyances, à la délinquance, etc. Les maximums et les extrêmes sont présents dans la plupart des répartitions statistiques.
Ces répartitions statistiques avec des majorités et des extrêmes sont inhérentes aux lois physiques qui régissent l’ordre des choses et l’évolution de la nature. Les mathématiciens et les physiciens (Ilya Prigogine, Claude Shannon) ont théorisé le phénomène en montrant que ces répartitions maximisent la création d’information et l’utilisation de l’énergie. Le monde évolue grâce à ces répartitions des caractéristiques au sein des populations humaines, des espèces vivantes et même de la matière dite inerte. A côté de l’ordre des normes subsiste toujours une part de désordre. Edgar Morin parle du « désordre organisateur ».

Le hors norme
Le hors norme tout comme la norme sont nécessaire à l’adaptation à l’environnement et à la créativité.
Cependant, aux extrêmes de ces répartitions statistiques des conditions humaines se situent les chanceux et les malchanceux de la fortune financière, de la santé, des liens sociaux ou affectifs, des aléas de l’histoire. Face à la question du handicap, voire au malheur en général, toujours inégalement et « injustement » distribués, les réponses sont multiples et diverses selon les convictions philosophiques ou religieuses.
-           Il n’y a pas de réponse (« Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » crie Jésus sur la croix. Il y a aussi le silence de Dieu à Auschwitz.)
-           C’est statistique, c’est la faute à pas de chance.
-           C’est le Karma.
-           C’était écrit (mektoub). Il n’y a pas de hasard, notamment pour les astrologues.
-           C’est une punition du ciel.
-           C’est un mal en vue un plus grand bien. Théodicée de Leibniz.
-           La prise en compte des plus faibles participe à l’hominisation de l’espèce humaine et à la civilisation.

Résilience 
La résilience de certains handicapés graves repose principalement sur la force morale qui s’appuie sur l’environnement affectif, sur des représentations mentales philosophiques et/ou spirituelles ainsi que sur la possibilité de rester présents au monde.

Témoignage
Un ami handicapé :
-           On ne peut parler du handicap qu’à titre individuel.
-           L’essentiel est de ne pas se laisser aller et de s’assumer au maximum soi-même.
-           "..For what is a man, what he has got? If not himself then he has naught." “Qu’est-ce qu’un homme, que possède-t-il ? Si ce n’est lui-même, alors il n’a rien ». Extrait de la chanson “My way” 1967
-           On n’aime pas la pitié venant des autres.
-           Il ne faut pas s’apitoyer sur soi-même.
-           On trouve toujours pire que soi.


La question de la normalité avec ses exigences, voire sa tyrannie, est actuelle.
Le médecin et philosophe Georges Canguilhem (1904-1995) dans son ouvrage  « Le normal et le pathologique », donne trois repères pour définir la normalité : 1) La majorité des cas, la moyenne. 2) Ce qui est conforme à une norme naturelle, sociétale ou factuelle. 3) Ce qui est conforme à ce qui doit être. Toutes les formes existantes doivent être considérées comme des normalités et des intelligences possibles.
La normalité biologique n’est pas absolue. L’environnement social modifie la normalité. Les normes culturelles ou techniques ont choisies par la société. Les idéologies fixent des normes, parfois au service d’intérêts particuliers. Les normes élitistes et de la performance s’imposent à l’ensemble de la société qui y puise sa dynamique mais créent également et fatalement de l’exclusion. La vie des handicapés serait moins dure si ces normes étaient différentes.

L’histoire
Le handicap a souvent été considéré comme une punition du ciel. Dans le passé, des hommes d’église comme Vincent de Paul (1576-1660) ont fondé des institutions d’accueil des handicapés. Les philosophes des Lumières ont proclamé que les handicapés ont les mêmes droits que les gens valides. Denis Diderot (1713-1784) a publié en 1749 « Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient ».

Aujourd’hui encore, malgré le grands progrès réalisés, la tolérance vis-à-vis des personnes  différentes reste problématique.
« Il existe un abîme entre la culture ambiante, avec ses désirs de performance, d’excellence et d’apparence (la « tyrannie de la normalité »), et la possibilité d’un humanisme où chaque personne, quels que soient son milieu, sa race ou son handicap, puisse trouver librement sa place. » Jean Vanier et Julia Kristeva. « Leur regard perce nos ombres ».

Alexandre Jollien, est un écrivain et philosophe suisse né en 1975. Suite à son étranglement par cordon ombilical à sa naissance, il est atteint d'athétose, un handicap entrainant des mouvements incontrôlés des muscles. Dans son ouvrage « Eloge de la faiblesse », il évoque son expérience de vie avec le handicap et son cheminement intellectuel avec la philosophie. Les regards condescendants sont sources de souffrances. Les étiquettes enferment les handicapés dans le handicap. Tout serait plus simple si la société acceptait le handicap comme une autre forme de normalité. Le handicap invente de nouvelles formes de communication avec le cœur, au-delà de la raison: « L’autre lui apparaissait toujours différent, susceptible d’étonner, d’émerveiller. Son interlocuteur devenait toujours pour lui une personne avec laquelle il communiquait et souvent communiait. Une fois de plus, la faiblesse, l’incapacité de parler cherchait un chemin pour se dépasser. Adrien rétablissait le dialogue par la médiation non plus de la parole, mais de son être, source de joie. » (Eloge de la faiblesse)

Dans son livre, le « Petit traité de l'abandon » (Interview), Alexandre Jollien partage ses  « Pensées pour accueillir la vie telle qu'elle se propose ». Il puise dans la tradition du zen et dans la foi chrétienne, sa "langue maternelle". Voici quelques préceptes autour desquels il construit une normalité, un « modus vivendi » avec son handicap. Ces préceptes pourraient être utiles aussi pour les non-handicapés.

-           « Observer que ce n’est pas compliqué». Ne pas baisser les bras devant les difficultés.
-           « Poser de petits actes de confiance ». On peut danser avec le tragique de la vie.
-           « Tendre l’oreille à son cœur qui est déjà en paix». Le cœur accepte la vie telle qu’elle est. C’est la raison qui se révolte.
-           « Être patient face à son impatience». L’abandon, c’est peut-être ne plus considérer ses fragilités comme des ennemies à abattre. Ne plus considérer les blessures comme l’adversaire numéro un, mais les accueillir. Ce n’est pas quand j’aurai réglé tous mes comptes avec la vie que je serai heureux.
-           « Sentir parfois que Dieu est aussi impuissant que soi». C’est le degré zéro de la vie humaine, il n’y a pas d’espoir, et pourtant ce degré zéro devient le lieu du salut. Souvent, dans la prière, je pense à cela. Quand je suis vraiment dans la désolation, quand il n’y a plus rien à faire, j’ose l’abandon total.
-           « Ne pas prétendre maîtriser la vie». Je ne suis pas ce que j’étais hier, je ne suis pas ce que je serai demain, je suis humblement ce que je suis ici et maintenant. Être humblement, là, signifie totalement, pleinement, joyeusement.

L’art et le handicap
L’art en soi admet la singularité. De nombreux handicapés trouvent dans les différents arts des moyens d’expression.
« Nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité » (Nietzsche)




Paroles entendues
-          Chacun dans sa vie sera un jour concerné par un problème de mobilité.
-          Les handicapés ne supportent pas la pitié.
-          La compassion est piégeante.
-          Comment fonder une vraie relation ?
-          L’autre m’apporte quelque chose sur ma vision de la normalité.
-          Les handicapés ont aussi leurs normes. Ils peuvent être durs entre eux.
-          Ils se trouvent normaux lorsqu’ils créent en atelier esthétique.
-          Certains de nos politiciens ont un fort QI (quotient intellectuel) mais un QE faible (quotient émotionnel)
-          Dans les pays pauvres, les gens sont plus joyeux que chez nous. Moins de biens, plus de liens.
-          Il est malsain de cacher les handicapés.
-          Mais il faut les faire sortir dans le public, mais avec tact.
-          Il faut faire évoluer les mentalités du public.
-          Les éducateurs en institutions ont besoins d’être soutenus.
-          On fait appel aux normes pour se sentir supérieur. La norme restreint la liberté.
-          La robotisation des l’aides aux handicapés ne doit pas remplacer celle des humains.
-          Les aménagements de l’espace restent problématiques quand on est handicapé.
-          Beaucoup de parents d’enfants handicapés se sentent abandonnés.
-          Il faut soutenir les familles.
-          Pour le handicapé et son entourage, le combat est permanent pour construire un mode de vie acceptable. Il faut s’éduquer soi-même.
-          Il y a encore beaucoup de préjugés pour faire accepter les enfants différents.
-          Je souffre physiquement 24 heures sur 24. Certains ne peuvent pas l’exprimer.
-          La maladie mentale peut déstabiliser l’entourage.
-          La France est en retard par rapport à d’autres pays en matière de prise en compte du handicap.
-          80 % des handicapés demeurent inaperçus.
-          Le handicap constitue un coût financier pour la société.
-          Les restrictions budgétaires actuelles sont dramatiques.
-          Tout est une question de consentement à payer de toute la société. C’est une question culturelle.
-          Le langage pour désigner le handicap n’est pas neutre.
-          La société a bien évolué les dernières décennies dans l’acceptation des personnes différentes.
-          Le débat reste douloureux.
-          Parfois il faut mettre l’empathie en veille pour faciliter l’intégration d’un handicapé dans la vie professionnelle.
-          Les gens normaux n’ont rien d’extraordinaire.
-          La normalité est nécessaire pour s’en affranchir.
-          Les gens aux limites nous aident à devenir plus humains.
-          C’est difficile de rester humain parmi les humains.
-          Changeons nos regards...
-          Les enfants handicapés ont été réellement heureux à Disneyland.
-          Je me sens coupable d’être une charge pour la société. Mais je me sens bien dans l’institution qui me protège. Qu’est-ce que je vais devenir en sortant ?
-          La normalité va changer tous les jours.  
-          Je ne sais pas ce que c’est la normalité. Nous sommes tous différents.
-          Aujourd’hui je remercie mon fils trisomique d’être là.


Courriels
+ Je n'ai pas voulu faire de commentaire samedi soir lors de notre réunion. Mais maintenant c'est possible. Je travaille à l'accueil Cpam de Paris, je côtoie des personnes handicapées, des personnes malades, en détresse, des personnes sans le sou, d'autres sortant de prison, de jeunes adultes venant de l’ASE, des personnes vivant dans la rue, des personnes victimes d'agressions. Mais moi, je ne vois que des personnes, tristes ou heureuses, agressives ou gentilles. Mon regard n'est pas de la pitié, j'essaie seulement d'être attentionnée, quelques mots, un accompagnement, de quelques minutes pour chacun. Sans toutes ces personnes ma part d'humain n'existerait plus. Alors la "normalité"...
Merci à vous
M.Laure

+ Il m’a semblé, en entendant les participants s’exprimer lors du tour de table final qu’ils avaient vécu quelque chose d’important et de précieux. Ce qui vaut comme récompense pour chacun de nous.
Jean-Christophe

Citations

« Le déterminisme ne met pas seulement en cause la liberté humaine. Il rend impossible la rencontre de la réalité qui est la vocation même de notre connaissance. » Ilya Prigogine, La fin des certitudes, 1996.

« La maladie permet à l’homme d’interroger de façon radicale le sens de la vie, sous le non-sens de l’épreuve ». Maxime Gimenez, moine bénédictin.

A son disciple Ananda qui lui demandait si l'amitié, l'association, l'intimité avec le beau n'étaient pas la moitié de la vie sanctifiée, Bouddha répondit : « Ananda, ne dis pas la moitié de la vie sainte mais bien sa totalité. »

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